Chapitre VII. La seconde partie du IIe millénaire (1600-1000 av. J.-C.)


Personnages

Mésopotamie

La dynastie Cassite (1600-1150). L’essor de la puissance assyrienne

La fin de la suprématie babylonienne sous les coups répétés des envahisseurs cassites, puis des Hittites, créa une situation confuse. Sur les Cassites, venus du nord-est à travers les montagnes du Kurdistan, on sait encore très peu de choses, sinon qu’au début du XIVe siècle, le roi Kurigalzu I construisit une nouvelle capitale, Dûr Kurigalzu (Akarkuf, 15 km à l’ouest de Bagdad)1. Au nord, l’Assyrie est dominée par les Hourrites réunis en royaume du Mitanni aux XVe et XIVe siècles. Si les textes font presque entièrement défaut, la connaissance dans le domaine des arts n’est guère plus favorisée et en particulier les statues nous sont parvenues à de très rares exemplaires. Peut-être ne faut-il pas trop le regretter, si l’on en juge par le caractère souvent médiocre de leur facture. La première dynastie de Babylone est la dernière phase de l’apogée de la ronde bosse mésopotamienne, au moins en ce qui concerne la représentation humaine. Quelques exceptions surgissent çà et là, au milieu de l’indigence de la production.

Babylonie

Aucun vestige de ronde-bosse cassite ne paraît plus ancien que le XIVe siècle. Certes le roi Karaindash, au XVe siècle, innova en créant des divinités en haut relief dans des niches, faites d’assemblage de briques moulées, qui constituèrent la façade d’un petit temple d’Inanna à Uruk2, mais il faut attendre le règne de son successeur, Kurigalzu I pour glaner à Akarkuf quelques fragments d’une statue colossale en diorite, dont un pied plus grand que nature3. Une inscription en sumérien citant le nom de Kurigalzu (I ou II ?) ne permet pas de faire remonter le monument au-delà du XIVe siècle, puisque Dûr-Kurigalzu a été construit sur le sol vierge et n’a donc pas connu d’occupation antérieure. Un fragment d’une autre statue inscrite en diorite a été trouvé à Ur, dans la cour de l’Édublalmah reconstruit par Kurigalzu4, ce qui prouve que les rois cassites ont conservé le goût des souverains babyloniens pour cette pierre.

Une autre technique babylonienne est également pratiquée : le modelage de l’argile, peinte après cuisson. Il en reste un très bel exemple sous la forme d’une petite tête masculine barbue5 (Pl. 195) trouvée dans le palais de Dûr-Kurigalzu «  au niveau supérieur d’occupation  » qui peut se situer vers la fin du XIIIe siècle6. L’homme a un nez aquilin, des yeux allongés légèrement obliques sous une arcade sourcilière bien marquée, une bouche dessinée avec soin et une courte barbe en collier. Le dos de la tête a été arraché, mais on voit cependant que les cheveux — dégageant l’oreille — tombent en boucle jusqu’au cou, maintenus par un bandeau tressé qui passe sur le front. La peau du visage est peinte en rouge, les cheveux, la barbe, les sourcils et les cils sont noirs et l’intérieur des yeux est blanc avec une pupille noire. L’expression est étonnamment vivante pour une si petite dimension et elle frappe par sa noblesse. Il est intéressant de noter que des carreaux émaillés polychromes de l’époque de Ramsès III (1198-1166) à Medinet Habu représentent des prisonniers étrangers dont le profil, avec la courte barbe et les yeux allongés, est très semblable7. Si l’on en juge d’après le petit nombre des personnages des kudurru, les rois cassites comme Melishihu8 portaient la barbe longue, alors que sur la procession peinte dans le palais de Dûr-Kurigalzu, certains hommes, qui peuvent être des dignitaires étrangers, portent une barbe plus courte9. La tête d’Akarkuf pourrait être celle d’un prince syrien.

Peut-être sensiblement contemporaine, d’après son niveau, est une tête féminine d’Ur, cassée aux épaules10. Le visage aux yeux incrustés est carré et les traits sont grossiers. Le front bas et proéminent est coupé net comme le haut de la tête conçu pour recevoir une tiare ou une perruque fixée dans un trou profond de 2,5 cm dans lequel subsistait encore le reste d’un tenon de cuivre. Une boucle de cheveux tombait de chaque côté du visage, contournant les oreilles percées d’un trou pour une boucle. Les épaules étaient recouvertes d’un vêtement uni et le peu qui reste du cou ne montre pas de collier. L’objet se trouvait dans le remplissage d’une pièce qui avait été déjà deux fois reconstruite depuis le XIVe siècle11, à la fin de l’occupation cassite d’après le fouilleur, mais un tel fragment au rebut peut avoir été plus ancien. Quoi qu’il en soit, l’œuvre est de trop mauvaise qualité pour servir de critère chronologique ou artistique ; cependant les statues du début du IIe millénaire à Ur n’étaient guère plus soignées (ci-dessus, p. 253 ss). Les femmes avaient de même les yeux incrustés, les oreilles parfois percées et une coiffure amovible d’où s’échappaient deux boucles latérales. L’absence de collier pourrait être déterminante, mais la mutilation est telle qu’on ne saurait être affirmatif, car il pouvait ne pas être au ras du cou.

Tout aussi difficile à dater avec précision est une toute petite tête en cuivre (ou bronze) dont seul l’œil gauche avait gardé l’incrustation en coquille, mais sans pupille12, trouvée dans le temple de Ningal reconstruit par Kurigalzu. Par contre la petite déesse lama provenant du même temple est dans la tradition de la 1ère dynastie de Babylone13. Elle en possède toutes les caractéristiques (ci-dessus, p. 231 s.) excepté la tiare à cornes qui, à vrai dire a pu être amovible, posée sur le crâne plat14. Ses cheveux sont roulés en chignon sur la nuque, mais il n’y a pas de boucles encadrant le visage et son collier rigide ne comporte pas de contrepoids.

Assyrie

Si l’histoire de la Babylonie est liée au sort des rois cassites, celle de l’Assyrie est dépendante des Hourrites qui s’infiltrent et dominent le pays. Au XVe siècle, elle est englobée en partie dans le royaume de Mitanni gouverné par des monarques hourrites dont les rois assyriens sont les vassaux. Il ne semble pas que les Hourrites aient eu de grandes préoccupations artistiques et d’ailleurs l’époque de conquête ne se prêtait guère à des réalisations de cet ordre. L’originalité mitanienne se décèle plutôt en céramique, en peinture et en glyptique.

La sculpture, pauvrement représentée, conserve le plus souvent son caractère mésopotamien, en particulier avec les femmes aux deux mains levées dans le geste de l’orante. Celles-ci ne portent pas la tiare à cornes à Nuzi (Yorgan tépé, au sud-ouest de Kerkuk), même avant que la ville, qui s’appelait alors GA-SUR, ne soit incorporée au XVe siècle dans le royaume mitannien. En effet une statuette de cuivre de déesse lama se trouvait dans le temple du niveau le plus ancien (G), dont la date est d’ailleurs discutée15. Malgré l’état déplorable de l’objet, on discerne la robe à volants, les deux mains levées, la tête coiffée d’un bandeau d’où tombent des tresses sur les épaules et l’on ne doit pas être très loin de la ville du XVe siècle où ont été découvertes trois statuettes d’orante, deux en cuivre et une en terre cuite émaillée16. Toutes trois ont les mains qui se rejoignent formant une ogive, un bandeau sur les cheveux massés sur la nuque et une robe jusqu’aux pieds, à volants pour la plus grande en cuivre, unie pour l’exemplaire en terre cuite, recouverte de deux pans latéraux tombant des épaules et serrée par une haute ceinture sur les reins. Déesses ou fidèles en prière ? Il est impossible d’en décider avec certitude17. La statuette émaillée, solidement campée sur un socle quadrangulaire, provient de la cella du temple A, daté du XVe siècle, de même que la figurine de déesse en ivoire d’un style tout à fait différent, mais dont le caractère divin ne fait aucun doute. On peut donc émettre l’hypothèse que la présence des deux objets dans la cella leur confère une même destination, à ceci près que la déesse orante ne peut être Ishtar, mais une lama porte-prière des fidèles, sans la tiare à cornes tombée peu à peu en désuétude.

La statuette d’ivoire de Nuzi atteste un courant étranger et témoigne d’un art beaucoup plus raffiné18 (Pl. 196). Qu’elle soit hourrite ou hittite, comme l’ont définie avec toute probabilité le fouilleur et Machteld Mellink, nous la laissons dans son cadre de découverte, car elle n’a pas de parallèles en Asie Mineure. Le personnage est debout sur un socle étroit prolongé par un tenon cassé. Sa couronne en tronc de cône porte en relief une paire de cornes se rejoignant devant et s’écartant suivant un angle aigu19 ; elle est surmontée d’une pointe tronquée que Starr interprétait comme un tenon, d’où il en déduisait que l’objet faisait partie d’un ensemble, ce que ne croit pas M. Mellink. La forme générale est celle de la tiare royale assyrienne qui a pu trouver son modèle dans un type hittite, bien que dans la seconde moitié du IIe millénaire les tiares tronconiques ne semblent pas encore comporter de pointe20. Le visage est plein, avec un nez fort, des yeux fendus aux paupières lourdes, une bouche lippue et de grandes oreilles. Aucune chevelure n’est indiquée. Le cou est épais et les épaules sont rondes et étroites. Le dos est presque vertical, avec en légère saillie les trois liens de la ceinture et une bande transversale allant de l’épaule gauche à la hanche droite. La question se pose de savoir si le buste est nu ou non. M. Mellink qui a examiné l’objet signale des manches jusqu’aux poignets et le bord de la jaquette autour du cou ; le baudrier du dos serait donc posé par-dessus. La poitrine est plate sous les objets qui la couvrent. La jupe du vêtement est tenue par une haute ceinture de trois bourrelets superposés, fixés devant par une fermeture invisible, qui fait penser à la ceinture anatolienne à deux liens (ci-dessous, p. 322). L’abdomen proéminent est dénudé ainsi que les jambes21, les pans de la jupe étant relevés devant dans la ceinture, tandis qu’elle descend jusqu’aux pieds par-derrière, rappelant les basques du «  frac  » des bronzes masculins de Syrie du Nord au début du IIe millénaire (ci-dessus, p. 281, n. 258 s.). Nous ne comprenons guère la suggestion de Starr suivant laquelle il s’agirait d’une divinité asexuée, car le fait de dénuder le bas du ventre montre au contraire la volonté du sculpteur de désigner la femme. Au IIe millénaire, le sexe féminin est le plus souvent indiqué par le seul angle du haut des jambes enserrant le bas du ventre généralement très arrondi ; la statue inscrite par Assur-bêl-kala n’est pas faite autrement (ci-dessous, p. 303) ; c’est aussi le cas de la déesse ailée qui se dénude sur un vase en albâtre d’Assur22. La jambe droite est nue, parée de trois anneaux rigides au-dessus de la cheville, alors que la jambe gauche est chaussée d’une botte à bout recourbé qui monte jusqu’au genou. Les mains sont ramenées sur la poitrine ; la droite tient une hache à trois digitations de type hittite, que l’on a généralement rapprochée de celle du dieu de la porte de Bogazköy, bien que les digitations soient dans le prolongement du manche courbe, verticales par rapport à la lame et non à l’opposé23. L’attribut tenu dans la main gauche est énigmatique ; il a été longuement étudié par M. Mellink qui l’interprète comme le Heilsymbol ou signe de santé, emblème hiéroglyphique hittite tenu par certains dieux24. Le rapprochement est en effet saisissant avec le texte hittite de Bogazköy dans lequel est décrite une statuette en or qui tient dans la main droite une hache en or et dans la main gauche le Heil en or25, mais il s’agit alors d’un homme ailé, ce qui n’est pas le cas de l’ivoire. En regardant attentivement l’objet de la main gauche, on reconnaît une forme rhomboïde surmontée d’une ogive, qui paraît emmanchée. Le rhomboïde ressemble étrangement à l’œil de la déesse et l’ogive pourrait alors figurer le sourcil au-dessus de l’œil. Ceci rappelle un curieux objet en métal du Louvre, volé sur le chantier de Tello26 : il se présente sous la forme d’une petite plaque quadrangulaire un peu plus large que haute, emmanchée d’une tige cylindrique épaisse, cassée à sa partie inférieure et surmontée d’une protubérance rectangulaire brisée. La plaque est creusée d’un ovale irrégulier sous un croissant pointe en bas qui suit la courbe supérieure. L’incrustation disparue est attestée par un trou circulaire au fond de l’ovale et par «  des traces de scellement  ». Heuzey y avait immédiatement reconnu la représentation d’un œil et du sourcil et Lucienne Laroche y a vu un «  étendard  » analogue pour la forme à des objets de Ras Shamra et de Hazor et elle évoque entre autres les yeux votifs inscrits d’époques cassite, assyrienne et néo-babylonienne. Nous ne savons à peu près rien de la symbolique des yeux en Mésopotamie, pas plus qu’en Asie Mineure27, alors que l’œil oudjat d’Horus est symbole de vie et joue un grand rôle dans les offrandes funéraires de l’Égypte. Si l’emblème que tient la déesse de Nuzi est bien un œil, comme celui de Tello, il faudra attendre d’autres exemples pour en préciser l’origine et le sens. Il reste que la déesse, si elle incarne IshtarShaushga comme le croit M. Mellink, n’est pas ailée et se présente sous un double aspect — toujours féminin à notre avis — qui est celui d’Ishtar : tantôt le principe féminin accentué par le pubis dénudé, par la jambe nue ornée d’anneaux et peut-être par le symbole de l’œil, tantôt le caractère guerrier renforcé par la botte à bout recourbé, par la hache et par la bande dorsale qui peut être un baudrier. L’origine hittite en est nettement soulignée par la forme des cornes, la hache à digitations et surtout la botte. Pour cette raison, nous la datons plutôt du XIVe siècle, à moins que l’on ait en cette figurine une image du panthéon hourrite, puisqu’il a été adopté par les Hittites qui auraient également adopté de ce fait au XIVe siècle des caractéristiques de l’art hourrite. Mais nous ne savons rien de cet art hourrite et il est dangereux de bâtir des hypothèses sur un seul exemple28.

L’époque médio-assyrienne, comme l’époque médio-élamite, a développé l’usage de la terre cuite émaillée, communément appelée fritte. À Assur, cette matière a été utilisée pour une production d’une qualité assez inférieure, à l’exception d’une statuette masculine acéphale sur un socle, vêtue d’une tunique et d’une courte pélerine arrondie sur les épaules29, à la mode syrienne, comme l’a montré Andrae, d’après un relief émaillé d’Assur et des peintures de tombe thébaine30. Une statuette égyptienne en bronze d’un captif syrien agenouillé, les bras liés derrière le dos, les cheveux massés sur la nuque et la barbe en pointe, présente la même pélerine sur une tunique longue31.

Les femmes se présentent parfois avec de longs cheveux tombant en pointe dans le dos32, les bras ramenés sur la poitrine ; la longue robe cylindrique est bordée de festons qui encerclent également les hanches33. Les statues assises, sur un tabouret ou sur un siège à dossier34, ne sont pas de meilleure facture. C’est un art populaire, produit en série, et qui relève davantage du modelage de figurine que de la sculpture. Une seule petite tête en albâtre, très abîmée, rehausse cette production35. Trouvée dans l’enceinte du temple de la déesse Assuritu (Ishtar), bâti au XIIIe siècle par Tukulti-Ninurta I, elle a de grands yeux à la pupille autrefois incrustée comme les épais sourcils ; le nez et la bouche ont été martelés. Sur les cheveux contournant les oreilles et tombant en pointe sur le haut du dos est posée une coiffe plate en forme de tambourin uni qui évoque la mode illustrée par des ivoires de Megiddo (ci-dessous, p. 335).

Plus au nord, à Tell al-Rimah (60 km ouest de Mossul), les quelques statues de pierre retrouvées dans des sanctuaires ne rehaussent pas le niveau esthétique de la ronde bosse de la seconde moitié du IIe millénaire. Taillées dans des blocs de calcaire à peine dégrossis, elles ont un visage sommaire, les bras indiqués en relief et pas de jambes. Deux femmes assises36 (Fig. 73) ont comme contrepartie deux statues viriles barbues, dont l’une fragmentaire37 et l’autre de forme pyramidale, très grossière38 (Fig. 74). Les détails y sont incisés, comme un collier et les pectoraux circulaires, ce qui indique un buste nu, tandis que la jupe est bordée de carrés également incisés ; les mains sur le ventre tiennent un faisceau de cinq tiges à droite et David Oates signale un trident à gauche ; les cheveux, partagés par une raie au milieu, sont serrés par un bandeau ; les yeux sont allongés et les lèvres épaisses. L’absence de jambes donne une forme de cloche qui a suggéré à Mme Theresa Carter un rapprochement avec trois statuettes de Tépé Gaura, dont une seule est publiée39, et six autres de Tell Bilia, encore inédites40.

73. Tell al-Rimah. Femme assise. Calcite.

74. Tell al-Rimah. Homme barbu. Calcaire.

La statuette de Tépé Gaura est à peine épannelée, surmontée d’une tête sans visage, creusée seulement de deux sillons parallèles et verticaux. L’objet est une idole plus qu’une statue et il faut probablement voir dans ces pierres grossièrement taillées en forme de cloche de la région de Mossul un apport hourrite. C’est aussi à ce courant que l’on peut attribuer les stèles-bétyles syriennes citées au chapitre précédent (n. 164), difficiles à dater avec précision41. Les statuettes de Tell al-Rimah semblent appartenir à la dernière phase d’occupation du site, à l’époque médio-assyrienne42. Un synchronisme peut être invoqué avec la découverte, dans le même niveau que la statue-cloche masculine, d’un vase en albâtre à large anse cannelée et petit pied circulaire43, analogue à des exemplaires d’une tombe d’Assur de l’époque de Tukulti-Ninurta I44. Des vases de même type ont également été trouvés à Tchoga Zanbil, dans une cachette d’un des palais-résidences45. Sur les douze récipients, onze étaient munis d’une large anse cannelée, fixée au col, tandis que celle de Tell al-Rimah monte jusqu’à l’orifice. Ces vases, qu’ils aient été importés ou qu’ils soient de fabrication élamite, datent du XIIIe siècle, puisque la ville de Dûr-Untash n’est pas antérieure au règne d’Untash-Napirisha. C’est donc au XIIIe siècle que l’on peut attribuer la statuette-cloche de Tell al-Rimah et la date des autres exemplaires ne doit pas en être éloignée.

La seule grande statue provenant d’Assyrie qui nous soit connue est datée du XIe siècle par l’inscription de 7 lignes qui traverse le dos au-dessus de la taille, au nom du roi Assur-bêl-kala (1074-1057)46. Ce torse de femme nue (Pl. 197 a-b), sans tête, sans pieds, aux bras cassés, a fait l’objet de nombreux commentaires depuis sa découverte à Ninive par Layard vers 1850. La femme est solidement charpentée, avec des seins plus suggérés que taillés, le ventre rond sobrement limité au triangle du pubis et des hanches larges ; le dos est assez plat, cintré à la taille, et les fesses sont soulignées par un double sillon horizontal légèrement arrondi, de même que le creux des genoux. Les jambes jointes sont brisées à la hauteur des chevilles à peine amincies. Les bras étaient détachés du corps et les mains ne se joignaient pas à la taille ou sous les seins ; le bras droit, cassé au milieu de l’avant-bras, était plié en avant et le bras gauche est brisé à l’endroit où il se détachait du corps, peu après l’épaule. La tête a été arrachée au ras du cou et il n’y a aucune trace de cheveux tombant sur la nuque, ni de mèches par devant. Comme nous n’avons aucun point de comparaison et que la ronde bosse assyrienne du Ier millénaire est devenue tout à fait plate et conventionnelle, cette œuvre étonne par la qualité de son modelé47. Le fait que l’inscription prédise le châtiment par «  les dieux du pays d’Amurru  » à ceux qui en effaceraient le texte n’est pas suffisant pour affirmer qu’il s’agit d’une œuvre syrienne, mais indique seulement que le monarque assyrien se mettait sous la protection des divinités de la région de l’Euphrate. De par sa sensibilité, cette sculpture nous semble de facture babylonienne, dans la tradition du sud, ce qui se justifie par le fait qu’Assur-bêl-kala s’était assuré la mainmise sur Babylone en y imposant un souverain de son choix, Adad-apla-iddin (1069-1048)48. La taille et la nudité en font incontestablement une représentation divine et nous proposons d’y voir un exemple, unique jusqu’à présent, d’une statue destinée à être habillée et présentée aux fidèles dans les cérémonies. Leo Oppenheim a réuni des textes — tous babyloniens — sur les «  vêtements d’or des dieux  »49 et il cite en particulier un vêtement kusîtu en or, exclusivement réservé aux déesses, conservé dans les grands temples et prêté à des temples moins importants à l’occasion de fêtes. On peut se faire une idée de ces costumes par des reliefs, en particulier la stèle de Shamash-resh-utsur, gouverneur de Mari et de Suhi au IXe siècle av. J.-C.50, où le haut fonctionnaire, coiffé de la tiare à pointe, se présente respectueusement devant Adad et Ishtar, plus grands que lui ; une troisième divinité, presque entièrement détruite, se tient derrière lui. Chacune des trois divinités est debout sur un socle sculpté d’imbrications arrondies figurant la montagne et porte la même robe à jupe très ornée et une haute ceinture. Ishtar lève la main droite en geste d’accueil, sa main gauche s’appuyant sur un arc ; ces deux mouvements de bras peuvent correspondre à ceux de la statue de Ninive. Un kudurru du VIIIe siècle, malgré sa date tardive, peut également illustrer ce vêtement de cérémonie51 porté par deux déesses et un dieu, chacun sur un piédestal à imbrications symbolisant la montagne ; la déesse du milieu tend les deux mains en avant qui sortent d’une lourde chape brodée de croix et de rosaces. Le modelé sans détails de la statue, sa grande taille et le mouvement supposé de ses bras militent bien en faveur d’une statue divine de culte destinée à être vêtue de vêtements somptueux et présentée dans un temple de Ninive, même si avec toute probabilité elle a été sculptée dans le sud. Il convient peut-être de citer ici une statuette en bronze de femme nue, trouvée en 1852 par Victor Place à Djigan (25 km ouest de Khorsabad)52. La sveltesse de son corps est étonnante, sans aucune épaisseur. Les jambes sont serrées et le triangle du pubis discrètement incisé ; les seins sont petits et haut placés. La main gauche tient sur le ventre le col d’un aryballe, mais contrairement à l’usage antérieur, le bras droit, au lieu de soutenir la panse, est légèrement plié en avant, poing fermé. Le cou est mince et long, orné d’un collier fait de deux incisions arrondies devant se terminant en pointe dans le dos ; la tête levée est coiffée d’un bandeau sur les cheveux tressés entourant les oreilles, avec un tout petit chignon. Cette coiffure n’est pas très différente de celle que porte la silhouette de femme en or repoussé du palais de Tukulti Ninurta I à Assur (ci-dessus, n. 17). Les yeux ont perdu leur incrustation. Un court tenon est fixé sous les pieds. Par la sobriété de ses formes, cette statuette nous semble plus média que néo-assyrienne.

Iran

L’obscurité du milieu du IIe millénaire au Proche Orient s’étend aussi à l’Élam. Une chronique babylonienne fait bien mention de la défaite de Suse et du roi d’Élam Khurpatila lors d’une campagne de Kurigalzu II qui emmena du butin, vers 133553, mais il faut attendre l’avènement d’Untash-Napirisha54 et son glorieux règne au XIIIe siècle pour que l’art élamite retrouve sa prospérité et son indépendance, inaugurant une phase connue sous le terme de médio-élamite. Sous cette dynastie, le pays connut des fortunes diverses au XIIe siècle ; trois grands rois conquérants se succédèrent : Shutruk-Nahhunte, Kutir-Nahhunte, Shilhak-Inshushinak, qui maintinrent très haut la renommée du pays, jusqu’à la défaite de Hutelutush-Inshushinak par Nabuchodonosor Ier (1126-1105). L’Élam retomba alors dans le silence pendant trois siècles environ, jusqu’au renouveau néo-élamite.

Les deux siècles de grand essor élamite ont laissé des traces en ronde bosse, à Suse et à Dûr-Untash, la ville religieuse construite par Untash-Napirisha à 40 km au sud-est de Suse en retrouvée à Tchoga Zanbil. Il faut cependant reconnaître que les vestiges sont bien peu nombreux au regard de ce qu’avaient réalisé les souverains. On sait en effet d’après les inscriptions qu’il y avait dans les différents temples de DûrUntash une représentation en or des divinités qui y étaient vénérées, qu’il s’agisse de Pinikir, d’IM et de Shala, de Shimut et de Ninali, des Napratep ou d’lnanna55. De même à Suse une statue d’Untash-Napirisha faisait face à une statue divine et il est fait mention de statues de ses successeurs, Shutruk-Naḫḫunte, Kutir-Naḫḫunte, Shilhak-Inshushinak, sa femme et ses enfants56. Que reste-t-il de ces statues, divines et royales ?

1. Divinités

Le dieu trônant sur le serpent, figure typiquement susienne en glyptique57, existait en ronde bosse et P. Amiet a pu assurer la restauration d’un siège flanqué sur trois côtés d’un serpent cornu lové, à partir de 14 fragments58. Une divinité en robe à volants faits de mèches lancéolées y était assise. Si le buste a disparu, on peut l’imaginer grâce au buste acéphale nu d’une autre statue de Suse59 : une longue barbe rectangulaire en deux parties couvrait la poitrine, d’abord bouclée puis en mèches parallèles ondulées, encadrée de chaque côté de deux mèches de cheveux enroulées vers l’extérieur (Fig. 75).

75. Suse. Torse masculin aux serpents cornus. Calcaire.

C’est ainsi que se présente, semble-t-il, le dieu trônant sur le serpent du relief rupestre de Kurangun, non loin de Chiraz60 et cette mode est encore illustrée au XIIe siècle61. Le bas de la barbe est caché par deux serpents divergeant dont la tête cornue repose sur chaque épaule, sortant de la main droite du dieu appliquée sur la poitrine62 ; trois gros anneaux ouvragés enserrent le poignet. La peau du torse est gravée de dessins enchevêtrés qui doivent traduire un pelage animal, car c’est de la même façon qu’est traité le buste de l’homme mouflon au registre inférieur de la stèle d’Untash-Napirisha63. Bien que l’inscription sur ce qui reste des deux bras soit illisible, on peut supposer que cette statue personnifiait le grand dieu DINGIR GAL = Napirisha, patron d’Untash-Napirisha, comme le croit P. Amiet64.

Le haut d’un visage couronné de deux serpents aux têtes croisées au-dessus des cheveux ondulés sur le front doit appartenir à une déesse presque grandeur nature65. Il faut également signaler comme vestiges d’une grande statuaire divine en pierre deux fragments de tiares massives, cubiques, à deux rangs de cornes sur le devant et décor architectural sur les côtés de l’une d’elles66, un fragment de buste viril barbu67 et plusieurs yeux grandeur nature ramassés dans des temples de Tchoga Zanbil68.

Parallèlement à la grande sculpture en pierre, il existait une production en métal où figure un petit dieu en robe traditionnelle à volants, coiffé de la tiare à cornes et assis sur un trône à haut dossier que dominent trois serpents dont les corps couvrent la face postérieure du dossier69. De la main gauche il tient un autre serpent tandis que sa main droite légèrement courbée fait le geste d’accueil. Il s’agit peut-être d’une image de Napirisha, comme pour un dieu susien assis sur un char, également en bronze70 (Pl. 198). Le char consiste en une selle étroite à dossier droit et à tablier fait de deux pieux à sommet arrondi ; des roues disparues, il ne reste que les essieux placés sous le siège à l’arrière. Le personnage est à califourchon sur la selle, ce qui n’est guère compatible avec la longue robe à volants plissés, héritée du kaunakès qui couvre les deux épaules. Le sculpteur a escamoté le devant de la robe qui tombe latéralement le long des jambes jusqu’aux chevilles. La main droite tient un objet indistinct, peut-être une hache, la main gauche porte une palme ; l’attitude n’est donc pas celle d’un conducteur de char71. Si la longue barbe striée, divisée en deux parties, est traditionnelle, le caractère insolite du dieu est marqué par des oreilles de taureau contournées par deux longues boucles latérales72, et surtout par le serpent enroulé autour de son crâne avec la tête culminant au sommet, ce qui donne à cette tiare, autrefois munie d’une paire de cornes insérées dans deux trous latéraux, l’aspect d’un bonnet phrygien. Ces exemples soulignent le rôle si important du serpent associé aux divinités de Suse au IIe millénaire73.

Dans le dépôt où se trouvait le dieu assis sur le trône aux serpents, une orante au corps plat se terminant en lame lève les deux mains parallèles légèrement fléchies à la hauteur du visage comme une déesse Lama74. Sa coiffure n’est pas une tiare à cornes, mais un épais bandeau orné sur le devant d’une forte saillie et dont les extrémités se croisent sur la nuque, coiffure analogue à une petite perruque en bitume inédite75 et au bandeau que portent des figurines de femme nue de la deuxième moitié du IIe millénaire76. Il est probable que cette déesse protectrice faisait partie d’un ensemble dans lequel elle était enchâssée. Un texte d’un roi de Suse, Tepti-ahar, dont la date n’est pas assurée77, mentionne les représentations d’orantes en prière et intercédant autour de sa propre statue.

2. Souverains

a) Les Rois

Du roi Untash-Napirisha nous est parvenu le bas d’une statue cylindrique, c’est-à-dire une longue jupe, d’où sortent seulement les orteils des pieds, enroulée autour des hanches qu’elle moule étroitement ; le pan terminal s’arrête sur le côté gauche en un mouvement oblique qui traduit la juste observation du tissu plus serré à la taille78 (Pl. 199). La pierre est creusée de quantité de petits trous disposés à intervalles réguliers qui imitent un effet de broderie, caractéristique du règne, car on le retrouve sur la reine Napir-Asu. Cette étoffe ouvragée est bordée tout autour d’un large galon orné de doubles chevrons, puis d’une frange. Ce monument doit son intérêt à l’inscription bilingue, anzanite et sémitique, gravée sur le haut de la jupe, qui dédie la statue à Napirisha et à Inshushinak et maudit les éventuels déprédateurs.

Le tissu brodé de points (ou pailleté) était-il réservé à la seule famille royale ? Plusieurs statuettes de métal de Suse représentant des porteurs d’offrande ou des orants portent la même jupe qu’Untash-Napirisha, mais légèrement évasée vers le bas et serrée dans une haute ceinture : deux porteurs de chevreau en or (Pl. 200) et en argent, trouvés dans un tombeau de l’Acropole peuvent difficilement être de simples fidèles ou même des prêtres79. Tous deux lèvent la main droite latéralement en signe de prière ou d’hommage et tiennent serré contre la poitrine, de la main gauche, un petit animal de sacrifice, chevreau debout pour la statuette d’or, quadrupède couché dans la paume de la statuette d’argent ; ils ont le buste et le haut des bras couverts d’une étoffe décorée de grandes étoiles rentrant dans la jupe semée de points en creux, serrée dans une haute ceinture et terminée dans le bas par une épaisse frange qui ne dégage que le bout des pieds ; tous deux portent barbe et moustache couvrant la plus grande partie des joues ; le nez est droit, les lèvres épaisses ; les sourcils en arêtes de poisson abritent les yeux allongés, mais bien ouverts ; les cheveux bas sur le front et massés sur la nuque sont recouverts d’une résille à grand réseau maintenue par une grosse tresse en auréole d’une oreille à l’autre. Nul doute que ces porteurs d’offrande, avant d’être réunis dans un tombeau, ont joué leur rôle de royal adorant dans le temple.

Une autre statuette, en bronze celle-là, représentait un fidèle tenant des deux mains un oiseau contre sa poitrine nue, le bas du corps enroulé dans la longue jupe entièrement mouchetée de petits trous, fermée en biais devant et serrée dans une haute ceinture de même étoffe80 (Fig. 76) ; son crâne rasé et sa tête ronde font penser à un Sumérien de la fin du IIIe millénaire. Quatre autres exemplaires d’orants rasés, la main droite levée, vêtus d’une jupe unie fermée devant, faisaient partie du même dépôt81, à côté d’une série d’orants dans une attitude et un costume identiques, mais les cheveux rabattus à plat sur le devant du visage pour former une sorte de visière, coiffure élamite caractéristique82 (Fig. 77).

76. Suse. Fidèle portant un oiseau. Bronze.

77. Suse. Orant. Bronze.

S’agit-il d’une simple question de mode ou de races différentes que les Élamites ont voulu souligner, il est difficile d’y répondre. Un exemple daté de la coiffure masculine en visière figure sur une perle de Shilhak-Inshushinak qu’il a fait graver de son effigie assise offrant la perle à sa fille, Bar-uli83. Nous savons ainsi qu’un roi élamite du XIIe siècle avait adopté cette coiffure tout-à-fait caractéristique de l’époque médio-élamite, mais qui était déjà à la mode dès la fin de l’époque des sukkalmaḫ, d’après une tête funéraire en terre crue polychrome trouvée dans une tombe voûtée du niveau XIII à Suse (XVIIe siècle)84 (Pl. 201). Celle-ci est l’exacte réplique de la très belle tête funéraire peinte découverte en 1926 par R. de Mecquenem dans un état de conservation exceptionnel85, avec sa longue moustache et sa courte barbe noires rejoignant les cheveux courts et épais qui surplombent le front en visière ; le cou est un haut cylindre taillé droit pour poser la tête et pourtant bien des exemples trouvés dans les tombes étaient couchés près du corps et même parfois sur une brique où la tête avait été déposée de profil86.

Cette coiffure élamite, avec les cheveux courts sur la nuque et peignés d’arrière en avant pour surplomber le front est bien visible sur neuf petits personnages imberbes en fritte blanche trouvés dans le même dépôt funéraire que les porteurs de chevreau en or et en argent87. Leur attitude est celle des figurines de bronze : le bras gauche ramené à la taille tient le plus souvent un oiseau sur la poitrine tandis que le droit se présente en avant pour la prière. Un seul (Sb 6592) ramène la main droite en oblique à la hauteur du décolleté, portant visiblement un corsage croisé devant, qui couvre le haut des épaules à la mode du temps88. Les oreilles, dans ce dernier cas, étaient dégagées alors qu’elles pouvaient aussi être couvertes comme sur une petite tête imberbe inédite de Suse89 (Pl. 202) ou sur une tête de Tchoga Zanbil90 (Pl. 203) où la finesse des traits peut laisser le doute sur le sexe, mais qui cependant, en raison de la coiffure nous semble plutôt celle d’un homme jeune. C’est ainsi que nous interprétons également une statuette articulée en ivoire de Suse91, dont le bas des jambes et les bras, fixés dans des trous, ont disparu (Fig. 78). Les cheveux courts, épais et ondulés, sont coupés en rond tout autour de la tête et laissent passer de grandes oreilles ; la bouche aux commissures relevées sourit légèrement ; les yeux étaient largement creusés pour une incrustation. Une robe en tissu uni, à manches courtes et à jupe mi-longue est serrée à la taille par une haute ceinture à extrémités arrondies serrée par deux cordons aussi longs que la statuette, dont celui de gauche est orné de place en place de quatre glands. Le buste plat pourrait être celui d’une fillette, mais la coiffure est plutôt celle d’un jeune garçon.

78. Suse. Statuette articulée. Ivoire.

b) Les reines ou princesses

Si la statue d’Untash-Napirisha ne semble pas avoir atteint un niveau artistique exceptionnel, le cas est différent pour son épouse, la reine Napir-Asu, dont le portrait, tout mutilé qu’il soit, est une prouesse du sculpteur et du fondeur qui n’a jamais été dépassée92 (Pl. 204). Contrairement à la statue de pierre du roi, les formes sont ici particulièrement mises en valeur : la femme est opulente, probablement dans la force de l’âge. Le buste est moulé dans un tissu fin, brodé de cercles pointés93, qui couvre le haut des bras jusqu’au coude, formant des manches courtes que l’on a vues pour la première fois au début du IIe millénaire sur une statuette d’ivoire susienne (Pl. 143 ; p. 211, n. 135 s.) ; un détail tout à fait particulier est une bande de tissu uni ou un ruban qui part de l’épaule droite, descend le long du bras jusqu’au coude, plus bas que la manche, fixé sur le haut de l’épaule par une agrafe en forme de palmette à six volutes et au milieu de l’humérus vers l’avant, par une fibule simple, comme pour cacher et en même temps fixer le dos et le devant du corsage qui se serait ainsi fermé sur le côté94. Les avant-bras sont ramenés à la ceinture et les mains étendues se recouvrent, la droite passant par-dessus la gauche ; les doigts rectilignes ont les phalanges exprimées chacune par trois entailles ; les ongles coupés ras sont soigneusement délimités. Une large bague circulaire à l’annulaire gauche est creusée pour ménager un méplat entre deux bourrelets latéraux. Chaque poignet porte un bracelet de quatre anneaux. La jupe est en grande partie dans le même tissu brodé ou pailleté que le corsage. Très évasée en cloche, elle se termine par une haute frange ondulée fixée à un galon en motif d’échelle. Sans doute le bas de la frange s’échancrait-il pour laisser lasser le bout des pieds, comme le montrent les statues de l’époque, mais la lisière a beaucoup souffert tout autour. Symétrique à l’inscription qui couvre le devant droit de la jupe et qui est une invocation à Napirisha, à Kiririsha et à Inshushinak suivie d’une malédiction, une bande verticale couvre le devant gauche, sorte d’écharpe décorée de motifs en échelle alternant avec des rangées de triangles et bordée d’une frange latérale ; l’extrémité de cette écharpe est retournée à la taille sous les mains croisées et elle recouvre en biais une partie d’une seconde jupe recouvrant les hanches, uniquement constituée de gros fils torsadés comme la frange du bas, mais rectilignes ; ce revêtement est taillé en arrondi sur le côté droit alors qu’il est coupé droit à gauche95. Ces détails montrent la complication et la richesse du costume. La statue a été coulée en deux parties à la cire perdue sur un noyau de métal que l’arrachement de l’épaule droite a rendu bien visible et qui explique le poids de 1750 kg du monument ; les deux faces, antérieure et postérieure, ont été rapprochées et soudées et les deux coutures latérales restent bien visibles.

On peut considérer comme royale une statuette en fritte trouvée dans le temple de la déesse Pinikir à Tchoga Zanbil96 (Pl. 205). Malheureusement acéphale, elle porte une robe jusqu’aux pieds à manches très courtes et d’un tissu ponctué de larges cercles, traduisant différemment l’étoffe de Napir-Asu et d’Untash-Napirisha. Un panneau vertical décentré vers la gauche comme chez la reine est décoré de volants striés en zigzag entre deux galons en échelle ; le bas de la jupe est orné de grands chevrons ; le décolleté est largement échancré et le cou nu est enserré dans un «  collier de chien  » dont on ne voit que deux rangs de perles oblongues. Les mains se recouvrent comme chez Napir-Asu et les poignets portent chacun trois anneaux. Malgré les similitudes, la sveltesse de la femme fait penser qu’il ne s’agit pas de la reine, mais d’une princesse, à moins que l’on ait là une image de la reine jeune.

Une autre statuette en fritte du temple de Pinikir à Tchoga Zanbil, bien que ne portant pas la robe en tissu brodé peut être considérée comme royale par son élégance97. Toujours sans tête, elle tient à deux mains contre sa poitrine un grand récipient cylindrique, la main gauche soutenant le fond et la droite entourant la panse98. La femme porte une longue robe dégageant juste le bout des pieds, sur laquelle elle a passé un long manteau uni à large décolleté qui ferme sur le devant gauche et dont l’angle inférieur droit est taillé en biais de façon à laisser libre le devant de la robe.

Une petite statuette acéphale de Suse (Pl. 206 a-b), inédite, pose un problème chronologique car, par son costume, identique en particulier à celui de la «  dame à l’écharpe  » de Tello (ci-dessus, p. 199) et l’attitude de ses mains jointes l’une dans l’autre, elle pourrait dater de la fin du IIIe millénaire. Pourtant elle a été découverte en 1932 dans le chantier de la Ville Royale à Suse, dans une «  marmite  » renfermant des perles, des coquillages, des plaquettes d’incrustation et la statuette articulée en ivoire décrite ci-dessus (p. 312) et bien médio-élamite99. Le modelé est sobre, d’un seul bloc. Le vêtement descend jusqu’à terre dans une étoffe bordée d’une courte frange ; il est replié parallèlement au bord, suivant le procédé que nous avons décrit pour les femmes de l’époque de Gudéa, avec le même décolleté en carré devant et en V derrière. Les épaules sont couvertes par un pan qui descend jusqu’en bas à droite et s’arrête en pointe à mi-hauteur à gauche. Un détail diffère pourtant par rapport aux statuettes néo-sumériennes : un léger évasement dans le bas de la robe qui rejoint le socle bas, d’un plus grand diamètre, comme sur la statue de Napir-Asu, un très petit espace pour laisser passer le bout des pieds, ici cassé. De plus, la perle de Shilhaklnshushinak déjà citée (n. 83) nous montre que sa fille, la princesse Bar-Uli, porte une longue robe avec deux pans en pointe recouvrant les épaules. Ses poignets s’ornent de gros anneaux comme sur la petite statue et nous pouvons peut-être imaginer que, comme Bar-Uli, elle portait une coiffe ronde volumineuse formant des plis parallèles horizontaux. C’est exactement la coiffure que porte une petite tête en bronze des dépôts funéraires de Suse, d’une grande finesse de traits malgré sa dimension minime100 et une petite tête d’ivoire101 (Pl. 207).

À cause de son casque rond et volumineux et de sa longue robe unie, une figurine de bronze acquise par le Metropolitan Museum de New York peut prendre place ici102. Ses avant-bras nus sortent des pans tombant des épaules et ses mains s’élèvent en ogive à la hauteur du menton dans le geste des lama. Aucune parure n’est visible et le doute subsiste pour l’identification, entre une divinité orante et une dame de condition en prière.

Une autre coiffure féminine assez volumineuse est constituée par une tresse en auréole autour de la tête, vraisemblablement associée à une résille qui réserve une courte frange sur le front. C’est ainsi que se présente une tête funéraire peinte de Suse (Pl. 208), d’un modelage remarquable103, exacte réplique de la coiffure que portent des figurines élamites de femme nue soutenant leurs seins104. Deux têtes de Tchoga Zanbil montrent également les cheveux auréolant la tête105.

Les fouilles iraniennes à Raft Tépé, à côté de Suse, en 1973 et 1974, ont livré des têtes en terre crue peinte particulièrement belles106. Deux têtes féminines portent les cheveux tressés et élégamment arrangés, sur lesquels sont posés des bandeaux ornés de cercles de couleur, imitant un métal précieux ; l’un d’eux était peint en jaune, ce qui indique qu’il s’agissait d’or.

3. Statuaire populaire

À côté des ateliers royaux médio-élamites, des artisans travaillaient pour la population, si l’on en juge par des sculptures beaucoup plus sommaires en terre cuite, mais singulièrement expressives. En premier lieu figurent ce que R. de Mecquenem a appelé des poupées, à cause du corps plat, sorte de plaquette rectangulaire s’élargissant en deux appendices perforés pour les épaules, auxquels se fixaient des bras rudimentaires, tandis que la tête au cou perforé latéralement ou d’avant en arrière était fixée à la partie supérieure107. Quel que soit le rôle joué par ces «  poupées  », les hommes portent les cheveux en visière108 et, par-dessus, une coiffe conique109 qui augmente le caractère clownesque du personnage dont les yeux sont parfois pastillés comme les oreilles. Le caractère individuel frappe autant que la laideur caricaturale.

Une tête féminine de Tchoga Zanbil, bien que le cou ne soit pas perforé, est la contrepartie féminine de ces grotesques de Suse110. Les grands yeux sont bordés d’entailles qui représentent les cils, puis les sourcils et ce souci de réalisme donne une curieuse physionomie. La natte ou résille en auréole dégage en ovale une partie unie de l’occiput. D’autres exemples d’artisanat populaire existent à Tchoga Zanbil avec quelques statuettes féminines décapitées. Toutes sont vêtues ; l’une d’elles est modelée grossièrement ; jambes et bras ayant été brisés, il ne reste que la longue robe et un collier à contrepoids dans le dos, ajouté en pastillage111. Deux autres exemplaires sont en forme de cloche avec la jupe creuse. L’une d’elles porte ses mains sur les seins et son cou s’orne d’un étroit collier de grosses perles rondes muni par derrière d’une grosse perle ovale formant contrepoids112. L’autre, déjà signalée pour ses agrafes sur les épaules (n. 94), a les mains jointes.

En Iran du Nord, la pénétration des Iraniens nomades venant du Caucase a laissé des témoignages dans la province du Gilan, au sud de la mer Caspienne. Une série de fouilles entreprises depuis 1960 a révélé un mobilier funéraire important dans le domaine de la céramique et de l’art des métaux à la fin du IIe et au début du Ier millénaire, mais peu de ronde bosse. Ce qu’on connaît est éloigné de tout naturalisme, comme on pouvait l’attendre de ces populations nomades. Marlik a livré deux figurines de femme nue en bronze, au visage schématique sans bouche, aux oreilles percées de deux trous superposés, coiffées d’un bonnet conique113. Alors que le corps est plat, les fesses sont proéminentes et les jambes épaisses et courtes se terminent par des pieds mal formés. Les bras courts sont ramenés sur l’estomac et les mains sont grossières ; les seins sont petits et les épaules larges, surmontées d’un cou haut et épais. De même conception, volontairement éloignées de la réalité, sont des statuettes de terre cuite aux jambes ridiculement courtes et épaisses d’hommes et de femme nus114. Les hommes ont un poignard en travers du ventre et un archer darde une flèche énorme devant lui. Un homme et une femme ont un trou rond comme bouche et semblent crier leur douleur en levant leurs bras en demi-cercle, jouant peut-être le rôle de pleureurs auprès du mort. La poignée en triple éventail du poignard de l’archer indique probablement les derniers siècles du IIe millénaire115.

Levant

Le Levant dans la seconde partie du IIe millénaire est dominé par l’empire hittite qui a réussi à unifier des principautés d’Anatolie et de Syrie du Nord, disputées aux Hourrites installés en Haute Mésopotamie dans l’empire mitannien. Les rois hittites Hattusili Ier puis Mursili Ier, au XVIIe siècle, sont à l’origine de cette expansion ambitieuse qui engloba même passagèrement Babylone au début du XVe siècle, alors que l’empire du Mitanni englobait les royaumes d’Alalakh, d’Alep, d’Ebla, d’Ugarit, de Qatna où dominent les Hourrites. Ces derniers s’installèrent également en Palestine au XVe siècle116, contrebalançant la poussée égyptienne. Le XIVe et le XIIIe siècles sont dominés par la puissance hittite, la chute du Mitanni, la pression de l’Égypte stoppée à la bataille de Qadesh sur l’Oronte, livrée entre Ramsès II et les forces hittites de Muwatalli au début du XIIIe siècle. L’invasion des «  Peuples de la mer  » coïncida avec la fin de l’empire hittite sous le règne de Suppiluliuma II au début du XIIe siècle, la chute d’Ugarit et la formation de petits royaumes syriens constitués par des tribus araméennes venues du sud.

Ces luttes d’influence indiquent assez la complexité de l’art de cette période, rarement dégagé d’un certain syncrétisme. Un grand nombre de monuments découverts fortuitement ou dans des contextes mal datés posent des problèmes de chronologie et les critères de style ou de technique restent souvent hasardeux. Des courants peuvent tout de même se dessiner. La rudesse traditionnelle de la Syrie prévalut surtout dans la sculpture sur pierre, tributaire comme précédemment du basalte et du granit. La production du métal, de plus en plus abondante, reste dans la tradition du début du IIe millénaire, avec cependant des innovations que l’on peut déceler ; l’influence pharaonique y est fortement marquée, mais avec une grande liberté d’expression.

L’Anatolie durant L’Empire Hittite

Même si l’art hittite n’a pu se dégager entièrement de l’influence de ses voisins mésopotamiens, mitanniens et syriens, sans compter les Égyptiens, il avait suffisamment de caractère pour s’imposer par lui-même et nous savons qu’il y a eu une statuaire royale officielle, comprenant une forte proportion de représentations divines. Les textes hittites de Bogazköy nous renseignent abondamment sur leur existence, grâce à des listes de statues divines décrites en détail, avec leur matière et leur dimension117. Malheureusement il faut bien constater qu’en regard de ces descriptions, bien peu de monuments ont subsisté.

Si dans la majorité des cas — et surtout dans la production en métal — les personnages sont des divinités, il reste parfois un doute, d’autant plus que dieux et humains pouvaient se présenter sous le même aspect, si l’on en juge d’après le relief rupestre de Fraktin118, au pied du Taurus, où le roi Hattusili III à gauche et la reine Puduhepa à droite font chacun une offrande devant un dieu et une déesse vêtus comme eux. Seule la couronne du roi du XIIIe siècle diffère de la tiare conique du dieu, mais leur pagne court et leurs bottes à bout recourbé sont identiques, de même que la reine et la déesse arborent la même coiffure conique et la robe longue. Les textes montrent l’importance que le roi et la reine attachaient à la grande sculpture, d’après une lettre de Hattusili III, écrite à un roi de Babylone pour lui réclamer un sculpteur qu’il lui renverra sans faute, une fois l’œuvre terminée119. De son côté Puduhepa a fait exécuter une statue du roi, son époux, en or et argent, grandeur nature120.

a) Les hommes

Statues en pierre

Curieusement, les statues divines en pierre sont rares, d’après les inventaires121 et de fait un seul fragment nous semble incontestablement s’y rapporter, avec un débris de tête trouvée dans des déblais à Karkémish122. On y distingue une sorte de casque rond posé sur des cheveux en frange sur le front qu’ils couvrent presque jusqu’aux yeux sculptés. Sur le devant du casque, deux cornes se rejoignent, divergeant ensuite suivant un angle aigu à la manière hittite, déjà signalée pour la déesse en ivoire de Nuzi (ci-dessus, p. 298, n. 19).

Une statue monumentale décapitée a été découverte en 1964 à Alaca Hüyük par l’archéologue turc H. Ko ay, non loin de la porte aux sphinx123. Sur plus de 2 mètres de haut, le personnage se présente dans un manteau qui descend jusqu’à terre, couvrant les pieds et le bras gauche plié le long du corps, tandis que le bras droit, également plié, s’en dégageait, mais il est cassé. Une saillie sur le devant est interprétée hypothétiquement par M. Mellink comme un sceptre, mais elle pourrait aussi attester le pommeau d’une épée. Toute mutilée qu’elle soit, cette statue a en tout cas le mérite d’affirmer la réalité de statues colossales hittites. Son aspect général peut s’éclairer par trois minuscules effigies, l’une en cristal de roche, les deux autres en bronze : la première provient de Gözlükule, près de Tarse, et montre un homme en long manteau, les mains jointes, le visage volontaire imberbe, coupé au front, un appendice conique servant de tenon pour fixer une coiffe en autre matière qui a disparu (Pl. 209) ; le nez est fort et droit, les oreilles sont particulièrement grandes ; sur le côté gauche du vêtement une saillie marque la place d’une épée ou d’un poignard124. La seconde statuette est un petit bronze inédit du Louvre, sans lieu d’origine125, en long manteau tombant jusqu’aux chevilles, les bras légèrement pliés en avant, présentant les mains qui ne sont pas détaillées (Pl. 210 a-b) ; le nez est droit dans le prolongement du front, les oreilles sont large et bas sur le front est enfoncée une coiffe ovoïde bordée par un bandeau en bourrelet. Le troisième exemple, provenant soi-disant de la région de Malatya, appartient à un collectionneur turc126 : la coiffe est pointue et des cheveux longs tombent largement dans le dos jusqu’à la taille ; les bras sont pliés vers l’avant comme dans la statuette du Louvre et le vêtement long, uni, cachant les pieds est traité sous la taille comme un piédestal à quatre faces. Ces petits modèles semblent bien une réduction de la grande statuaire hittite en pierre. La lourdeur des proportions, l’importance de la tête par rapport au corps, le cou épais réduit au minimum, la sobriété du vêtement, sont caractéristiques d’un art où toute finesse est délibérément proscrite et non par maladresse technique, car certains détails du visage en cristal de roche prouvent que le savoir-faire de l’artiste n’est pas en cause. S’agit-il de dieux ou de rois ? L’attitude passive nous ferait plutôt pencher pour la seconde hypothèse. L’ample manteau laissant passer le pommeau de l’épée et une coiffe ovoïde sont portés par le roi du XIIIe siècle, Tudhaliya IV sur les rochers de Yazilikaya127, mais là aussi il ne se distingue en rien du dieu-soleil dans le défilé des dieux. Ces hommes en grand manteau appartiennent au Nouvel Empire hittite et sont à dater des XIVe-XIIIe siècles.

La partie inférieure d’une tête en calcaire, découverte sur l’acropole de Büyükkale à Bogazköy, a été datée par le fouilleur des environs de 1400128. Ce qui reste de l’œil gauche suffit à montrer qu’il n’était pas creusé pour une incrustation ; la bouche aux lèvres épaisses avance en demi-cercle et les commissures enfoncent profondément dans les joues, suivant un procédé des sculpteurs hittites, comme le montrent aussi les exemplaires en métal et une autre tête masculine en pierre de Bogazköy, datée du XVe siècle par K. Bittel qui l’a découverte129. Ici les orbites étaient évidées ; le visage est ovale avec des poches sous les yeux qui dénotent un homme mûr. Une large coiffure enveloppante, en partie endommagée, fait penser à une influence égyptienne et en particulier à la coiffure inspirée de la némès portée par les sphinx de la porte d’Alaca Hüyük, datée du XIVe siècle130.

Statues en métal

Les représentations d’hommes armés — même si les armes ont disparu dans la majorité des cas — sont considérées comme celles de divinités en raison du casque à cornes dont certains sont coiffés.

Une nouveauté technique, qui ne doit pas être antérieure au XVe siècle, et qui peut être une initiative des sculpteurs hittites, est l’articulation des bras, fondus à part et fixés par un rivet dans des trous perforés de l’omoplate à la poitrine. L’exemplaire le plus complet, bien qu’amputé du bras gauche et de sa coiffe, provient de Bogazköy131 : l’homme est en marche, la jambe gauche en avant, vêtu d’un pagne très court et collant, serré à la taille par une ceinture. Cette ceinture a l’intérêt d’être à l’origine typiquement anatolienne, puisqu’elle est déjà utilisée au XVIIIe siècle à Bogazköy sur une effigie en plomb132 et illustrée à Alishar et à Kültépé sur des moules en stéatite de couples divins133 : elle semble constituée d’un seul lien épais, refermé sur lui-même pour former un cercle et plié ensuite en deux, ce qui donne par devant deux boucles arrondies réunies par une agrafe ou par un cordon. Les omoplates et les pectoraux de l’homme sont saillants et les mamelons sont indiqués. Les traits du visage sont accentués : grande bouche aux lèvres épaisses et commissures pénétrant profondément dans les joues, orbites largement creusées, très grandes oreilles. Le crâne est coupé horizontalement au-dessus des sourcils pour recevoir une coiffe aujourd’hui disparue. Le bras droit est plié en avant pour tenir une arme, encastré par un tenon dans le trou de l’épaule et maintenu par un rivet dont les extrémités sont visibles de part en part. L’analogie complète avec une statuette de Lattaquié au Louvre134 (Pl. 211 a-c) a été maintes fois signalée : mêmes traits accentués du visage coupé au-dessus des sourcils, avec le crâne creusé ; même torse aux pectoraux et aux omoplates saillants avec des plis de chair montant au-dessus de la taille ; mêmes trous latéraux dans les épaules pour fixer les bras ; mêmes jambes décalées dans la marche avec un ovale cerné de deux sillons au-dessus et en dessous pour les genoux et d’autres sillons pour les mollets ; mêmes bottes montant jusqu’à mimollet. Outre les deux centimètres de différence de hauteur en faveur de l’exemplaire de Lattaquié, des dissemblances sont cependant à noter : alors que le dos de la tête n’est pas achevé à Bogazköy, à Lattaquié la nuque et le dos sont couverts d’une épaisse et large tresse de cheveux tombant jusqu’au pagne ; le pagne du premier est uni et bordé seulement d’un galon en bas et au-dessus de la ceinture, tandis que celui du second est ouvragé de bandes parallèles superposées, striées en diagonale ; l’étoffe enroulée autour des hanches se termine devant par une frange en biais, plus longue que le tissu à Bogazköy. Il faut noter sur le lobe de l’oreille à Lattaquié un ornement rond et plat en forme de bouton. Les deux statuettes étaient recouvertes d’or, dont il reste une trace infime dans la fente de gauche de l’exemplaire du Louvre. À cet effet des fentes avaient été ménagées sur le haut des épaules, entre le cou et le bras, tout le long du côté gauche du corps, de l’épaule au bas du pagne, et dans le dos des jambes y compris les bottes.

On peut suppléer au défaut de coiffe par comparaison avec d’autres monuments, notamment un grand buste de Dogantépé en Anatolie du Nord, qui a perdu bras et jambes, mais dont la tête très semblable est coiffée d’un haut bonnet pointu, bordé d’un étroit bandeau sur le front135 (Pl. 212). Le pagne et la ceinture ressemblent à ceux de Lattaquié, mais les cordons qui ajustent les boucles sont visibles et tombent torsadés sur toute la longueur du vêtement. Ici le buste est couvert d’une chemise unie qui laisse apparents les plis sous les pectoraux ; le décolleté est fermé devant en légère pointe au ras du cou, plus profondément échancré dans le dos, ce qui est aussi le cas pour un dieu particulièrement élancé, à tiare conique et une paire de cornes fixées sur les tempes, trouvé à Dövlek136 ; les bras de cette statuette étaient fondus avec le corps, même le droit levé pour brandir une arme, ce qui est aussi le cas de deux statuettes de Konya137 dont le bout des pieds est également recourbé.

Un autre couvre-chef possible pour les bronzes de Berlin et du Louvre est un casque à cornes analogue à celui du dieu de la «  porte du Roi  » à Bogazköy, dont l’aspect est si semblable, à quelques détails près comme les pieds nus138. Nous avons déjà souligné l’aspect anguleux, particulier à l’art hittite, des cornes appliquées sur le casque. Il faut remarquer que le dieu de la porte ne brandit pas la hache à digitations qu’il tient dans la main droite et que son geste est le même que celui du bronze de Bogazköy, le seul qui ait conservé un bras. Cette attitude est plus passive que celle des dieux au bras droit levé, moins fréquente, semble-t-il, en Anatolie qu’en Syrie du Nord et en Phénicie. On peut pourtant rattacher aussi à cette série anatolienne un bronze du Louvre, de même dimension, au bras droit levé, fondu en même temps que le corps, alors que le bras gauche, disparu, était amovible139 (Pl. 213). On y retrouve l’indication des muscles pectoraux, le pagne à bandes horizontales et la ceinture à boucles arrondies, mais les pieds sont nus et le couvre-chef étrange consiste en une calotte descendant sur la nuque et surmontée d’un appendice incliné vers l’arrière, en forme de lame semi-circulaire. Ce casque à cimier n’a pas de parallèles et montre la variété de coiffures de ces dieux du Nouvel Empire hittite. Pour cette raison, et à cause de la diversité des gestes, l’identification reste hasardeuse : dans certains cas il s’agit sans doute du dieu de l’orage, vénéré sous le nom de Teshub par les Hourrites et adopté par les Hittites. C’est lui qui se présente face à la déesse Hebat dans le sanctuaire de Yazilikaya, suivi d’un autre dieu de l’orage debout sur deux montagnes. Or il faut remarquer que, pas plus que le dieu-fils Sarruma, ces divinités ne brandissent leur arme140.

Tous ces êtres virils sont imberbes et dans la force de l’âge, alors qu’une minuscule représentation de dieu-montagne en ivoire, sortie des fouilles de Bogazköy, est barbue141 (Pl. 214). La minutie du sculpteur a détaillé les rangées pyramidales de blocs arrondis qui représentent la montagne et cachent le bas du corps ; le buste aux épaules rondes et massives est nu et le dieu présente ses mains l’une dans l’autre ; les yeux sculptés en relief donnent l’impression de paupières baissées et les joues sont largement couvertes par la longue barbe ; la tiare pointue, sculptée de deux paires de cornes plates angulaires, est fixée par trois liens sur le front et au-dessus d’oreilles démesurément grandes et décollées ; les cheveux longs tombent en pointe entre les omoplates. Comme l’a souligné K. Bittel, le geste est analogue à celui des deux dieux-montagnes sur lesquels Teshub se tient debout à Yazilikaya142.

Ces objets de Bogazköy appartiennent au XIVe ou au XIIIe siècle143, de même que des pendeloques en or de dieu en pagne court et bottes à pointe relevée, citées à titre de comparaison pour leur tiare pointue à deux rangs de cornes angulaires144.

b) Les femmes

La proportion des femmes est faible et les seules représentations en métal à mentionner appartiennent à la série de pendeloques en or à bélière dans le dos de ces étranges femmes assises, long vêtues, coiffées d’un chapeau en auréole. La plus curieuse est certainement celle qui porte sur ses genoux un enfant assis ; les épaules sont excessivement massives et rondes et les mains énormes tiennent des objets indistincts145. Le chapeau en auréole d’une pendeloque de Çiftlik146 n’est pas sans analogie avec une tête de figurine en terre cuite rouge trouvée à Tépé Giyan en Iran, malheureusement hors contexte : on y retrouve également le nez dans le prolongement du front et les oreilles largement dégagées147. Il s’agit probablement de déesses, ce qui nous semble moins sûr pour une pendeloque en or de Bogazköy représentant une femme assise tenant une coupe, toujours vêtue d’une longue robe, mais tête nue148 ; ses cheveux sont séparés par une raie au milieu et tombent en large natte dans le dos, serrée par un étroit bandeau sur le front, au-dessus de grandes oreilles. L’absence de coiffe et le fait que la femme présente une coupe nous semblent en faveur d’une fidèle faisant une offrande. Une toute petite statuette en pierre, de même provenance, datée du XIIIe siècle, malgré la disparition de la tête, présente les mêmes caractéristiques149 : des épaules rondes et larges, un vêtement jusqu’aux pieds et un siège massif, ici à dossier ; une natte dans le dos jusqu’au sol a suggéré à K. Bittel qu’il s’agissait d’une femme, ce que nous incite à penser aussi la morphologie du corps.

Un exemplaire de femme nue, en ivoire, de provenance inconnue, nous paraît l’œuvre d’un sculpteur du Nouvel Empire hittite. R.D. Barnett lui a très légitimement attribué une provenance anatolienne150. Debout sur un socle bas, les bras le long du corps, la femme a une tête forte aux cheveux tirés en arrière derrière les oreilles et tombant en une mèche unie qui s’amincit vers la taille. Les oreilles sont traitées en deux volutes, avec une boucle en forme de bouton comme celle que porte le bronze de Lattaquié (ci-dessus, p. 322). Le globe des yeux est visible entre de fines paupières ; la bouche, petite, a les commissures enfoncées dans les joues, selon le style hittite. Le cou est bas, les épaules sont larges, le buste évidé sous les bras et la poitrine modelée avec naturel. Le bassin est de bonne proportion et le triangle pubien a été évidé pour une incrustation. Un détail important est la façon de traduire les genoux par un ovale entre deux sillons concentriques, exactement comme sur la statuette en bronze de Lattaquié. Les mains et les pieds sont sculptés avec précision. Ce modèle en ivoire, bien que dépourvu de charme, montre une bonne connaissance du corps humain.

Syrie — Phénicie — Palestine

Les appétits incessants de conquête des Hittites au nord-ouest, des Hourrites au nord-est et des Égyptiens au sud ont donné une grande importance à cette vaste aire géographique qui se présente comme un triangle limité par la Méditerranée, le cours supérieur de l’Euphrate et le désert arabique. La zone méditerranéenne qui comprenait la Phénicie et la Palestine151, s’étendait du nord au sud le long de l’Oronte, des chaînes du Liban et de l’Anti-Liban, du Jourdain et de la Mer Morte. Il était logique qu’elle soit davantage soumise à l’influence égyptienne que le pays intérieur, plus sensible aux courants du nord et de l’est. En fait le syncrétisme est plus complexe et dépend de l’immense brassage de populations qui a propagé les objets, surtout ceux qui sont de petite taille comme les statuettes de métal. De même qu’aux siècles précédents, la statuaire offre des caractéristiques originales, proprement syriennes.

Statues en pierre

1) Divinités

Jusqu’à une époque encore récente les archéologues ont identifié la plupart des statues sans inscription comme celles de divinités. La découverte d’Idrimi d’Alalakh et du torse inscrit de Sefiré doit rendre plus prudent en matière d’identification, car sans les inscriptions, il est bien probable qu’on y aurait vu des dieux.

La seule statue divine incontestable en pierre provient de Hazor, sous la forme de deux fragments mutilés : un torse humain et un corps de taureau sans tête, sur le dos duquel subsistent les pieds de l’homme, décalés dans la marche152. La tête, le bras droit et les jambes du personnage ont été arrachés ; le bras gauche collé au corps revient maladroitement sur le ventre et une main grossière tient une arme courbe. Sur la poitrine, fixé à un collier, s’étale un pendentif en forme d’arc aux extrémités enroulées153, encadrant une étoile à quatre rayons dans un cercle. Ce motif de roue à quatre rayons est sculpté sur un autel du sanctuaire devant lequel a été trouvée la statue et sur un autel d’Ugarit de la dernière période154. On peut s’étonner qu’une statue aussi peu soignée soit celle d’un dieu : de toutes celles de Hazor, elle est en effet la plus mal venue. Elle fait partie de ces dieux des éléments montés sur un taureau, si abondamment représentés sur les reliefs et les cylindres syriens et hittites depuis le début du IIe millénaire, sans que l’on sache le nom que leur donnaient les autochtones. D’après le contexte archéologique, elle doit remonter au XIVe ou au XIIIe siècle.

2) Souverains

Le monument le plus important est certainement la statue assise du roi d’Alalakh, ldrimi155 (Pl. 215). Elle fut retrouvée dans l’annexe d’un temple détruit à la fin du IIe millénaire, mais elle était cachée dans un trou où elle avait été déposée en plusieurs morceaux, la tête et quelques petits fragments à côté du corps, le tout recouvert d’énormes pierres. Dans la même pièce, mais sur le sol, se trouvaient un autel et une base de statue en basalte, décorée latéralement de pieds et de pattes de lions. Il apparut immédiatement à Woolley que cette base appartenait à la statue, car son sommet était évidé et deux fentes en avant coïncidaient exactement avec la partie inférieure et les deux pieds de la statue156.

La statue est dans la tradition sculpturale syrienne telle qu’elle était illustrée durant la première moitié du IIe millénaire (ci-dessus, p. 261 ss.), ce qui se traduit en particulier par l’arête vive des genoux et l’absence de tout détail du corps, traité de façon schématique. Ici pourtant la pierre est tendre et aurait pu inciter l’artiste à plus de précision ; il faut donc reconnaître que le souci d’abstraction l’emportait sur le désir de raffinement et que le côté caricatural et grossier ne saurait être attribué à la maladresse du sculpteur auquel le roi n’aurait sans doute pas, en ce cas, confié son portrait. Il est revêtu de la houppelande bordée de fourrure, qui dégage en oblique l’épaule droite dans le dos et recouvre le bras et l’épaule gauches. La bordure est aplatie et même, dans le dos, elle n’est traduite que par deux sillons parallèles, le monument étant conçu pour être adossé à un mur. La main droite est posée à plat sur la poitrine, tandis que le poing gauche repose sur le giron. Une longue barbe ovale tombe sur la poitrine depuis les tempes couvrant les joues, mais la lèvre supérieure est rase. Woolley a supposé qu’elle était peinte puisqu’elle était complètement unie. Le nez est long et rectiligne, dans le prolongement du front, et les lèvres épaisses et serrées donnent une expression boudeuse. Les grands yeux en pierre blanche sont insérés dans un pourtour de pierre noire comme la pupille et l’incrustation des sourcils. La coiffe ovoïde, prolongée en arrondi sur la nuque, est serrée par un étroit bandeau strictement horizontal sur le front et au-dessus des oreilles petites et bien collées157. Il ne fait aucun doute que l’identification du personnage aurait été controversée sans l’inscription cunéiforme de 101 lignes qui couvre tout le devant du vêtement158. Elle nous apprend qu’il s’agit d’un roi d’Alalakh dont on sait maintenant qu’il est le père et non le fils de Niqmepa, comme le croyait S. Smith159 et qu’il a dû régner dans la première moitié du XVe siècle, qui correspond au début du niveau IV des fouilles d’Atchana. Bien que le scribe, du nom de Sharruwa, ait donné son identité à la fin du texte pour bénéficier de la protection des dieux et en particulier du dieu babylonien Shamash, Idrimi s’exprime à la première personne :

«  Je suis Idrimi, le fils d’Ilimilimma, le serviteur d’Adad, de Hebat et d’Ishtar, la dame d’Alalakh, ma dame  ». Il poursuit par le récit de son exil à Emar, son séjour parmi les Hapiru, sa lutte pendant sept ans contre le roi des Hourrites, Barattarna, et enfin le recouvrement de son trône. La statue est mise sous la protection d’Adad et les malédictions d’usage sont proférées. Un détail étrange est le post-scriptum de trois lignes gravées sur le côté droit de la barbe, donnant cette précision : «  J’ai été roi pendant trente ans, j’ai écrit mon œuvre sur ma statue. Qu’on [en tienne compte  (?)]  ». Peut-être ces dernières lignes ont-elles été ajoutées tout à la fin du règne, ou même est-ce une inscription posthume. Avec A. Moortgat160, nous pensons en effet qu’il s’agit d’un monument funéraire, sculpté dans un but de vénération, car il a été maintenu pendant plusieurs siècles dans le sanctuaire jusqu’à sa destruction finale au début du XIIe siècle. Woolley supposait que la statue n’avait été brisée qu’à ce moment-là et soustraite ainsi à la destruction totale par des mains pieuses ; il a émis l’hypothèse que les deux petites pièces annexes où avait été creusée la cachette constituaient la chapelle commémorative du roi161, car sur le sol ont été trouvés le trône, un autel en basalte à pieds en têtes d’oies et une statue féminine très endommagée (ci-dessous, p. 334, n. 182). Les pattes de lion du trône en basalte trahissent une influence égyptienne162 et d’autres monuments attestent la vogue de ces sièges au Levant, comme une statuette en bronze de Byblos (ci-dessous, p. 342, n. 227) où un dieu bénissant est assis sur un trône à haut dossier reposant sur les quatre pattes d’un lion traduites avec réalisme, ou des statuettes en pierre de Hazor (ci-dessous).

Une chaise à haut dossier plein, légèrement oblique pour épouser la forme du corps, existait à Tell Mardikh/Ebla. La statue est si abîmée que les détails en sont peu visibles163. Trouvée hors niveau, elle a une base convexe qui laisse supposer un socle concave, à moins qu’elle n’ait été enfoncée dans la terre. Ce qui reste de l’homme, décapité et privé de tout le côté droit du corps, montre une œuvre grossière, avec une énorme main recouvrant le genou gauche, une jambe épaisse et un pied à peine esquissé dans l’échancrure ménagée entre la robe et la base. Le vêtement bordé d’une frange en bas et sur le pan qui couvre l’épaule gauche est celui illustré à Mari sous la 1ère dynastie de Babylone, avec la ceinture qui dégage la poitrine nue, comme chez Puzur-lshtar (ci-dessus, p. 240 s.). Néanmoins le haut dossier suggère une œuvre plus récente que nous situerions vers le XVe ou même le XIVe siècle164 comme deux statuettes en basalte de Hazor, dont l’une intacte trouvée dans un sanctuaire avec tout un matériel cultuel165. Leur ressemblance est grande : une chaise à haut dossier — légèrement incliné dans l’exemplaire décapité — où sont ménagés deux rentrants par-derrière repose sur quatre pattes de lion dans le style égyptien166. Les deux personnages sont vêtus d’une tunique qui s’arrête à mi-jambes ; le buste est traversé de l’épaule droite au côté gauche de la taille par une sorte de lanière qui peut être le bord du corsage ou seulement une bandoulière ; les bras reposent le long du corps, les mains sur les genoux, la main droite tenant peut-être une coupe. La tête nue de la statuette complète est fine avec un nez droit et pointu dans le prolongement du front. Les cheveux coupés droit sur la nuque encadrent le visage jusqu’au bas des joues, dégageant largement le front, ce qui est rare et dénote une imitation indéniable de la coiffure égyptienne. On retrouve le même type de coiffure courte et épaisse sur une statuette de métal de Byblos167 et sur une tête en bronze de Ras Shamra, au visage caricatural, qui servait de poids168. Les deux statuettes de Hazor appartiennent au niveau 1 A, daté du XIIIe siècle, mais Y. Yadin pense qu’elles étaient originaires du niveau 1 B, ce qui indiquerait le XIVe siècle169 et rejoindrait la statue de Tell Mardikh. Rien de particulier n’invite à identifier ces personnages avec des dieux ; ce sont des rois ou des notables.

L’identification est plus problématique pour la statue du sanctuaire aux stèles (niveau I A : XIIIe siècle) de Hazor : suivant la tradition syrienne, un homme rasé et imberbe est assis sur un tabouret bas à quatre pieds et barreaux transversaux, les bras le long du corps, les mains sur les genoux, la droite tenant une coupe170 (Pl. 216). Le vêtement qui descend jusqu’à mi-jambes est bordé en bas d’un mince bourrelet. La tête légèrement levée est sommairement sculptée avec des yeux sans pupille, une bouche à grosses lèvres, un nez droit cassé du bout, des oreilles sans détail. Ce qui a induit le fouilleur à y voir un dieu est, outre sa place à côté de stèles, le collier rigide au ras du cou auquel est fixé un croissant lunaire pointes en bas171 qu’il a comparé au collier de la divinité en basalte debout sur un taureau (ci-dessus, p. 327), qui provient d’un autre secteur de Hazor. Ici encore, il pourrait s’agir de monuments funéraires, ce que n’a pas exclu Y. Yadin172, et la statue serait celle d’un roi divinisé173, la coupe à la main convenant bien à un rite funéraire. Il n’est pas impossible que les statues syriennes qui tiennent une coupe dans la main droite représentent des souverains morts que l’on vénérait à l’instar des dieux, ce qui semble aussi le cas d’Idrimi, bien qu’il ne tienne pas la coupe.

La tête levée de la statue de Hazor rappelle une tête trouvée dans le Sinaï en 1930, près du temple de la déesse Hathor édifié aux mines de turquoise de Serabit el-Khadem exploitées par les pharaons égyptiens174. Comme l’a écrit A. Barrois, la tête est sans nul doute celle d’un Asiatique «  au front fuyant, au prognathisme marqué, accentué encore par une barbe pointue  » et non celle d’un Égyptien. Le crâne est rasé et les traits sont seulement esquissés. L’époque la plus généralement admise pour les stèles gravées d’une écriture proto-sinaïtique, découvertes en même temps, est celle de Hatshepsut et de Thutmosis III, soit le XVe siècle. Une autre tête rasée, mais imberbe, nous ramène à Mishrifé/Qatna où, suivant le P. Ronzevalle, elle avait été arrachée d’une statue trop encombrante par un paysan175. On y retrouve la légère inclinaison en arrière qui donne aux orbites vides un regard vers le haut ; il s’agit d’un homme jeune au crâne dolichocéphale. Malgré le soin du travail, les traits sont toujours peu détaillés, avec seulement un ressaut du crâne sur le front.

À Mishrifé également avait été jetée dans un grand silo avec d’autres objets une statuette en basalte d’homme barbu, assis sur un tabouret cubique176. L’homme a un crâne large, une barbe pointue qui couvre la poitrine. Sa main gauche est cassée ainsi que l’objet qu’elle tenait ; les jambes sont minces et disproportionnées. Toute l’œuvre est grossière et sans grande caractéristique, mais semble bien relever de l’art syrien du milieu du IIe millénaire. À cette phase pourrait appartenir une statue en basalte acéphale d’un homme assis, à longue barbe arrondie, provenant du «  Hilani  » de Karkémish qui n’est pas daté avec exactitude177. Le devant du vêtement tombant jusqu’à mijambes et bordé d’une bande unie, était recouvert d’une inscription cunéiforme qui a été soigneusement effacée comme dans le dos. Le tabouret à pieds rectilignes et traverse horizontale ne diffère pas de celui de l’homme du temple aux stèles de Hazor. La base de la statue est un bloc convexe comme sur la statue de Tell Mardikh, destiné à être caché dans le sol ou dans une banquette. Il se peut que cette statue soit plus récente et doive être attribuée au début du Ier millénaire178, de même qu’une statuette acéphale de même provenance, trouvée dans un puits de rebut, plus élancée et beaucoup plus soignée, mais dans la même attitude179. La qualité de la pierre, plus fine, a permis une sculpture moins anguleuse et plus précise dans le détail de la frange du bas du vêtement et du bord latéral du manteau qui couvre les épaules.

Les statues debout nous sont parvenues en plus petit nombre. La plus curieuse, dont il ne reste que le torse, provient de Sefiré (25 km s.e. d’Alep)180. Dans cet important fragment se rencontrent plusieurs emprises : l’anatolienne avec les épaules larges et rondes, l’égyptienne avec le pagne plissé, la shendit, la syrienne avec la coupe qu’il tient dans la main droite, la mésopotamienne avec l’inscription cunéiforme de 7 lignes qui couvre le haut du dos. Aucune trace de barbe n’est visible sur la poitrine qui est marquée de deux sillons convergeant de chaque épaule à la taille. Le pagne est maintenu par une haute ceinture unie au milieu entre deux bordures ornées de losanges. Le mouvement du plissé dans le dos est une succession de demi-cercles concentriques qui remontent par devant, arrangement dont P. Matthiae a indiqué qu’il est en usage en Égypte à l’époque d’el Amarna et jusqu’aux Ramessides. Au-devant du pagne est fixé en oblique un poignard triangulaire dont la poignée est brisée et la gaine ornée de motifs géométriques en relief. Cette façon de porter un poignard sur le devant du pagne est connue en Syrie, en particulier par un dieu en bronze de Ras Shamra provenant du niveau I, donc des XIVe-XIIIe siècles181. Le torse de Sefiré est brisé au ras du pagne, mais le mouvement des hanches montre que la jambe gauche avançait, ce qui a permis la reconstitution du haut des jambes en marche au musée d’Alep. Le geste des bras est le même que celui d’Idrimi, mais au lieu d’être appliquée sur la poitrine la main droite tient une petite coupe. Comme chez Idrimi, l’inscription est à la première personne : «  Moi, Adûni-abia, fils d’EnnaAya, j’ai construit une demeure divine au dieu de Neirab ; j’ai dressé ma statue devant lui ; celui qui la détruirait, que son nom disparaisse de la terre !  » G. Dossin, d’après la graphie, a daté le monument entre 1500 et 1350 et P. Matthiae, se basant sur le type de la shendit, du milieu du XIVe siècle. Le type d’inscription parallèle à celle d’Idrimi doit lui donner une date proche de ce dernier et que nous situerions dans la seconde moitié du XVe ou au début du XIVe siècle.

Si l’on devait établir une statistique d’après les statues de pierre de cette époque, on pourrait conclure au rôle effacé de la femme en Syrie, car un seul exemplaire nous est connu, provenant de Tell Atchana182, où il a été trouvé près du trône d’Idrimi dans le temple du niveau I, mais pas non plus in situ. La femme en longue robe est assise sur un siège à haut dossier qui monte jusqu’au haut de sa tête. Le visage a été intentionnellement martelé et l’on ne voit plus que les cheveux encadrant la figure en boucles superposées. Les bras tombent le long du corps et devaient reposer sur les genoux. Le mauvais état de conservation ne permet pas de constatations décisives pour une œuvre qui est vraisemblablement contemporaine d’Idrimi et remonterait donc au niveau IV du XVe siècle.

Statues en ivoire

Cette matière si prisée des Syriens, qui entretenaient des réserves d’éléphants183, a laissé de beaux morceaux en ronde bosse. Le plus étonnant est une tête imberbe de Ras Shamra, rehaussée d’autres éléments précieux184, qui a échappé à l’incendie du palais d’Ugarit (Pl. 217). Le modelé du visage est particulièrement fin, avec un nez droit et mince, une bouche étroite, des orbites allongées et peu ouvertes, recouvertes de lamelles de cuivre pour simuler les cils. L’incrustation des yeux a disparu, comme celle des sourcils et d’une longue encoche le long les joues devant les oreilles. Une haute coiffure dont le sommet est cassé enserrait étroitement le crâne depuis le front jusqu’à la nuque, surmontée d’un cylindre, maintenant tronqué et que l’on peut supposer ovoïde au sommet. Sur le front, des festons en argent niellé représentent des boucles de cheveux. L’amorce du cou montre qu’il était mince. L’accord n’est pas fait sur le sexe de la tête : Cl. Schaeffer a hésité, puis penché pour une princesse, comme M. Chéhab185. H. Safadi, reconstituant des cornes fixées dans de petits trous de la coiffe, devant les oreilles, une barbe et de longues mèches enroulées de chaque côté, y voit un dieu de l’orage et P. Matthiae y reconnaît un prince. Les cheveux sur le front nous semblent indiquer une femme ; les encoches pour l’incrustation le long des joues peuvent évidemment marquer l’emplacement de boucles de cheveux féminins, comme de pattes de cheveux masculins. Nous manquons de points de comparaison et ne pouvons que suivre une impression personnelle qui nous fait préconiser un portrait de reine.

Il se trouve justement que les seuls exemples de statuettes en ivoire qui nous soient parvenus sont féminins. Un dos de femme nue de Megiddo fait regretter que la partie antérieure ait été détruite186 (Pl. 218). La femme au corps élancé, mais charnu, est debout sur un petit socle cubique. Les jambes sont rendues avec naturel et l’on retrouve au haut des fesses les deux fossettes observées depuis le IIIe millénaire187. Les cheveux sont tressés dans le dos en une large natte tombant presque jusqu’à la taille et dessus est posée une couronne plate sculptée de fleurs de lotus alternativement ouvertes et en bouton, motif analogue à la frise supérieure du sarcophage d’Ahiram à Byblos188. La même couronne est portée par une femme aux longs cheveux, vêtue d’une longue robe brodée, en tête d’un cortège qui s’avance vers un roi trônant sur un ivoire gravé de même provenance, daté le plus souvent du XIVe siècle189. La statuette de Megiddo remonte probablement au XIVe ou au XIIIe siècle et elle permet de dater une statuette syrienne en bois découverte en haute Égypte où la sécheresse assure une conservation que n’a pas permis le sol syrien190. La facture en est identique. Le corps debout sur le petit socle est particulièrement élancé et les deux fossettes dans le dos sont marquées. Les bras ont disparu, mais un reste de main supporte encore un sein. Les yeux sont vides d’incrustation. La tête est nue, mais les cheveux finement ciselés sont repliés sur la nuque en chignon et serrés par un étroit bandeau. Si cette statuette phénicienne a été trouvée en Égypte, par contre des figurines d’inspiration nettement égyptienne proviennent d’Alalakh, debout les bras le long du corps comme les «  concubines du mort  »191.

L’ivoire a également permis de tailler deux statuettes miniatures : l’une provient d’un temple du Récent Bronze à Tell Kamid el-Loz dans la vallée de la Bekaa192. On y décèle une forte empreinte égyptienne : la femme est assise sur un tabouret à pieds ronds maintenus par un barreau médian sur chaque côté. Elle est vêtue d’une tunique unie qui moule les seins et descend jusqu’aux chevilles, bordée d’un feston ; des manches longues se terminent aux poignets par un motif en échelle. Les mains recouvrent les genoux. Le visage est plein avec des joues rondes, un menton un peu empâté, des yeux exorbités entre les paupières, le nez tombant jusqu’à la bouche très légèrement souriante. Les cheveux, séparés par une raie au milieu, sont recouverts d’une coiffe en tissu, directement inspirée par la némes égyptienne, mais au lieu d’être rayée horizontalement, elle est unie sur le haut de la tête et tombe en plis verticaux encadrant le visage derrière de grandes oreilles et jusqu’à la naissance des seins. Malgré des différences, cette figurine peut éclairer une statuette en pierre trouvée beaucoup plus au sud, à Tell Ṣippor (17 km est d’Ascalon)193, dans un niveau du Récent Bronze ou du début du Fer, soit entre le XIVe et le XIIe siècle. Le personnage, vêtu d’une tunique à manches longues ornée dans le bas du même feston qu’à Kamid el-Loz, est assis sur un siège à haut dossier de style nettement égyptien. La tête a été arrachée, mais il reste le bas de la némès, rayée cette fois horizontalement. La main droite repose sur le genou tandis que la gauche, ramenée sur la poitrine, tient une fleur de lotus comme le roi Ahiram sur son sarcophage188. Les fouilleurs y ont vu un roi ou un dieu ; il nous semble que l’exemple précédent permet d’y reconnaître une femme.

L’autre figurine en ivoire, plus minuscule encore, provient de Ras Shamra194 : il ne reste que le buste d’une femme, une reine probablement, la tête couverte par un fin voile, bordé sur le front d’un galon orné d’une succession de petits points. Elle est assise sur un siège à dossier ouvragé qui épouse la forme du dos où se retrouve encore l’influence égyptienne, bien que le costume soit à la mode locale des XVeXIIIe siècles probablement, qui se perpétuera au moins jusqu’au début du Ier millénaire à Karkémish195.

Statues en métal

L’abondance de matériel en métal reste une caractéristique de la Syrie durant la seconde partie du IIe millénaire. La multiplication de petites statuettes de même type montre la circulation des idées autant que les échanges commerciaux dans tout le Levant et vers l’Égée196. Il s’agit presque exclusivement de divinités : dieux de l’orage et des éléments, dieux et déesses armés. Le panthéon d’Ugarit197, avec sa liste de 33 noms, comprenant en tête El, Dagan, et sept Adad-Baal, montre la complexité de l’univers divin syrien. Des études ont tenté de les identifier, soit du côté égyptien, soit du côté syrien, en particulier le dieu Reshef (R š p), équivalent du Nergal babylonien dans le panthéon d’Ugarit198. Il ressort de ces recherches que toute identification sûre reste sujette à caution et que ce qui est plausible dans une ville ou un royaume ne l’est pas forcément dans un autre lieu. Nous nous bornerons donc à citer éventuellement les identités suggérées par les archéologues.

Dieux debout. — Le type le plus populaire est incontestablement celui du dieu en marche brandissant une arme, déjà connu auparavant dans les dépôts de Byblos (ci-dessus, p. 171, n. 218). Son prototype est probablement égyptien199, mais la vogue qu’il a connue en Asie en a fait une production caractéristique du Levant.

C’est à Ras Shamra qu’ont été trouvés les plus beaux exemplaires, rehaussés d’or. Particulièrement intéressant est celui qui porte une tiare en stéatite munie d’une paire de cornes en électrum ; son bras gauche, coudé vers l’avant, était fondu séparément et fixé par un rivet d’argent qui traverse l’épaule200 (Pl. 219). Le dieu est en marche, la jambe gauche en avant. Il porte le pagne court orné de trois bandes horizontales, dont celle qui sert de ceinture et la bordure du bas striée verticalement ; il se referme sur le devant de la hanche gauche par une frange en oblique et il se rapproche beaucoup du vêtement du bronze de Lattaquié (ci-dessus, p. 322) avec lequel cette statuette a par ailleurs en commun la coiffure et le bras gauche rapportés, ainsi que le revêtement en or. Là s’arrêtent cependant les analogies, car la facture est différente : les détails anatomiques du torse et des genoux ne sont pas indiqués, les traits du visage aux orbites vides sont beaucoup moins accentués et l’on ne trouve pas la ceinture à boucles rondes. La tiare de pierre vert foncé est une adaptation de la couronne osirienne de paille, telle qu’on la voit sur des bronzes égyptiens201 : l’extrémité du cône est ligaturée par deux liens qui laissent s’épanouir en rosace une série de tiges. D’autres exemplaires de cette coiffure sont connus sur la côte phénicienne202, mais ici son originalité consiste dans les cornes d’électrum coudées vers l’avant qui servent de rivets pour la fixer sur la tête et dans le couvre-nuque échancré pour libérer les oreilles. Les rainures pour le revêtement d’or, encore en place sur l’avant-bras droit dressé et sur une partie des jambes, sont ménagées sur la nuque, sur le dessus de chaque épaule, le long du pagne sur la hanche gauche et du haut en bas du dos des jambes ; les tenons sous les pieds, hauts de 3 cm, se réunissaient en fourche. L’artiste qui a exécuté cette statuette a réussi un heureux amalgame de la technique anatolienne et de l’élégance égyptienne.

Ce dieu, identifié généralement avec Baal, peut aussi jouer le rôle d’acolyte, puisque Cl. Schaeffer a découvert à Ras Shamra dans une cachette «  deux statuettes rigoureusement identiques, sorties du même moule  »203, placées de part et d’autre d’un dieu barbu assis (ci-dessous, p. 341). Cette paire de dieux solidement charpentés lève le bras droit et porte le pagne à bandes horizontales ; ils sont coiffés de la haute tiare ovoïde à renflement rond inspirée de la couronne blanche de Haute-Égypte, recouverte ici d’or comme le visage. Le même couvre-chef, mais plus haut, est porté par la plus élancée de ces statuettes, provenant de la nécropole de Minet el-Beida204 (Pl. 220). Le corps était jadis recouvert d’argent, l’or étant réservé à la tête jusqu’au bas du cou et à l’anneau glissé au-dessus du coude du bras droit levé ; le bras gauche est tendu en avant et comme toujours les armes ont disparu. Un autre exemplaire, très mince, influencé par l’Égypte, n’a pas été rehaussé de métal précieux205. Des figurines de bronze de même type proviennent de Byblos206, de Kamid el-Loz207, de Megiddo208.

Plus directement inspirées encore par l’Égypte sont une statuette de Byblos209 et une statuette de Ras Shamra, coiffée de la couronne atef flanquée de plumes et les reins ceints d’un pagne avec pan devant, dérivé de la shendit210.

Les armes devaient être tout aussi variées que les coiffures : lance, masse d’armes, poignard, équipement que l’on voit sur le «  Baal au foudre  » de la stèle de Ras Shamra, sa lance pointe en bas ayant la particularité d’être munie à l’extrémité du manche de ramifications symbolisant l’éclair211. Une statuette de Megiddo, placée dans une tombe du XIVe ou du XIIIe siècle comme offrande funéraire, avait gardé ses armes : une lance à fer courbé, à droite, un bouclier carré, à gauche212. Les jambes largement décalées lui donnent un caractère particulièrement offensif. La tiare ovoïde est plus syrienne qu’égyptienne, alors qu’un dieu armé du Louvre, aux genoux légèrement fléchis, est coiffé d’un tronc de cône terminé par un renflement plat, adaptation de la couronne blanche213. Ses énormes oreilles sont percées d’un trou ; il est imberbe et ses yeux sont sculptés. L’arme qu’il brandissait horizontalement d’arrière en avant était certainement une lance ; une épée dans un fourreau uni est fixée en oblique sur le devant du pagne à la manière habituelle (ci-dessus, p. 333, n. 181) et il se protège la poitrine d’un bouclier convexe aux extrémités arrondies.

La position de la main droite levée dépendait évidemment de l’arme tenue : le poing est refermé soit horizontalement, soit verticalement. Au premier cas appartenait la statuette précédente, mais d’avant en arrière, tandis qu’un petit dieu de Megiddo, daté du IIe millénaire et coiffé de la couronne atef flanquée de plumes, tient un sceptre dirigé vers son front214. De son bras gauche tombant le long du corps, il tient un petit bouclier en forme de 8. Par-dessus son pagne, il a passé une sorte d’écharpe drapée en biais qui couvre l’épaule gauche, accessoire que l’on voit sur une statuette de la collection De Clercq, maintenant au Louvre215, mais qui tient le poing droit verticalement (Pl. 221). Une barbe ovale forme mentonnière comme chez Idrimi ; les yeux et les sourcils étaient évidés et les rainures latérales du corps indiquent le revêtement d’or ou d’argent. En plus d’une haute tiare évasée, sculptée de trois paires de cornes à sa base, il arborait une paire de cornes pointées vers l’avant, dont seule a subsisté celle de droite. À ce même type se rattache également une figurine de bronze de Baalbek, signalée par D. Collon216.

Nombre de tiares de ces dieux brandissant une arme ont perdu leurs cornes et il n’en reste que les trous : c’est le cas d’un bel exemplaire de provenance inconnue, au bras gauche disparu, au pagne décoré de bandes horizontales sur lequel est fixé une épée217. Outre deux trous latéraux dans les tempes, la tiare ovoïde était sculptée de trois paires de cornes.

Le pagne à bandes horizontales tenu par la ceinture à boucles arrondies utilisée en Anatolie (ci-dessus, p. 322) est porté par deux bronzes de Tartous/Tortose, sur la côte, à une centaine de km sud de Lattaquié. Ces statuettes, entrées au Louvre respectivement en 1860 et en 1886, sont coiffées d’un cône allongé portant des trous latéraux pour l’insertion d’une paire de cornes218 (Pl. 222). De tels dieux sont illustrés sur les cylindres syriens219 et en particulier sur une empreinte d’Alalakh220, mais les dieux de l’orage ont toujours une longue mèche à boucle terminale fixée à leur tiare à cornes, alors qu’il n’y a pas trace d’un tel appendice ou de son moyen de fixation sur les statuettes.

Un dieu brandissant une arme, coiffé de la tiare inspirée de la couronne blanche et tenant encore une lance dressée dans la main gauche, est en marche sur le dos d’un petit lion rugissant221. Un dieu dans la même posture est figuré sur un cylindre du roi de Karkémish, Ini-Teshub, qui régna dans la première moitié du XIIIe siècle222.

Dieux (ou souverains) assis, bénissant. — La position assise est répandue dans la seconde partie du IIe millénaire pour toute une série de bronzes syriens. Ils se distinguent d’exemplaires plus anciens par la présence d’un tenon sous le siège comme sous les pieds, ce qui n’existait pas pour les statuettes plates de Ras Shamra et de Bogazköy (ci-dessus, p. 272) ; d’autre part, ils font le geste de bénédiction, paume droite en avant, attitude que l’Égypte a illustrée à la fin de la XVIIIe dynastie et à l’époque ramesside223.

La majeure partie de ces bronzes de personnages assis doit appartenir aux XVeXIVe siècles. Il n’est pas toujours possible d’affirmer qu’il s’agit de divinités, en l’absence de tout attribut spécifique, mais pour certains il n’y a pas de doute, en particulier pour un dieu de Ras Shamra/Ugarit, trouvé dans la même cachette que la paire de dieux signalée ci-dessus (p. 338)224. En contraste avec l’aspect juvénile de ses acolytes, le dieu «  au visage ridé et aux traits fatigués d’un vieillard  », comme le décrit Cl. Schaeffer, porte la barbe qui couvre presque tout le visage, sans moustache, et dont le bas rentre dans le décolleté de son manteau (Pl. 223). La forme des orbites, privées de leurs incrustations, est particulièrement allongée. La coiffe est une couronne osirienne, c’est-à-dire ligaturée au sommet, flanquée de deux plumes latérales, mais en plus, un trou à la base des plumes atteste la présence d’une paire de cornes, aujourd’hui disparue. Si la coiffure est d’inspiration égyptienne, le manteau à lisière en bourrelet est par contre purement syrien ; il couvre les deux épaules et les bras jusqu’aux coudes et le décolleté aussi bien que le pan qui recouvre les jambes sont bordés du bourrelet de fourrure. Les pieds sont chaussés de sandales à lanières, à bout légèrement relevé et l’on ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec le passage d’un poème d’Ugarit où le dieu-forgeron et orfèvre fond pour Baal «  des sandales divines, à lanières, sur lesquelles il a mis de l’or  » en cadeau pour la grande déesse Athirat225. Le dieu présente le poing gauche fermé et la main droite ouverte pour bénir. Toute la statuette était recouverte d’or dont la plus grande partie a été préservée, excepté sur. le tenon du siège. Cl. Schaeffer y a vu le dieu El, entouré de deux Baal acolytes, car il est connu pour figurer sous les traits d’un vieillard à barbe blanche, déjà identifié par lui sur une stèle de Ras Shamra226. C’est également une représentation du dieu El que M. Dunand a cru reconnaître, malgré son aspect juvénile, dans un dieu imberbe à coiffure osirienne de Byblos, assis sur une chaise à pieds de lions que nous avons déjà citée (ci-dessus, p. 329)227. Le devant de la tiare est orné de l’uraeus et sur le côté, sous les plumes, était fixée une paire de cornes, dont ne subsiste que celle de gauche. Le dieu n’est pas enveloppé dans le grand manteau-houppelande, mais il porte une longue jupe terminée par deux volants dans le bas. Le dieu de Byblos offre un cas exceptionnel de siège préservé, puisqu’il était en métal comme la statuette, alors qu’il était généralement en matière périssable. M. Dunand a signalé quelques fragments de bois de conifère encore en place au moment de la découverte d’une statuette assise fortement oxydée de Byblos228.

D’autres représentations d’hommes dans la même attitude, vêtus du manteauhouppelande, ne sont pas forcément divines. C’est ainsi qu’une statuette de Megiddo, au corps sans épaisseur, est celle d’un homme imberbe, bénissant de la main droite, coiffé d’une tiare ovoïde, enveloppé dans le manteau-houppelande qui libère l’épaule droite229 qui rappellent le roi Idrimi d’Alalakh. Le niveau de Megiddo où a été découverte la statuette s’étend entre 1550 et 1150 et nous sommes d’accord avec P. Matthiae pour le ramener aux XVe-XIVe siècles. La même houppelande enveloppe un homme imberbe bénissant de Byblos, mais sans couvre-chef, avec une épaisse chevelure courte230, le même manteau pouvant être porté par les dieux et les rois, et même peut-être les dignitaires ; il peut s’agir d’un roi, identification possible également pour une autre statuette de Megiddo, au bas du corps complètement plat, entièrement recouvert d’or231 (Pl. 224), que Frankfort considérait comme un souverain de la ville : vêtu d’une longue tunique unie, il présente ses deux avant-bras parallèlement ; la main droite est détruite, la gauche tient une sorte de spatule.

L’homme porte un collier de barbe qui dégage les joues et ressemble plus à une mentonnière, et apparemment une moustache fine et longue. Les yeux incrustés ont disparu. La tiare en tronc de cône est d’aspect syrien. Le bas des oreilles est percé et la gauche avait conservé son anneau. La stratigraphie donnée par G. Loud indique une période entre 1350 et 1100, qui convient également à une figurine plate de Hazor dans la même attitude, coiffée d’une tiare ovoïde basse232. Ici seule la tête devait être recouverte de métal précieux, d’après une longue rainure ménagée depuis le sommet du crâne jusqu’au bas du cou.

Parfois le costume est une longue jupe serrée par une ceinture sous le nombril, ornée en son milieu de haut en bas d’une ou deux bandes verticales, imitée une fois de plus du vêtement égyptien. Un homme, qui porte la haute tiare ovoïde, provient de Djézine dans la montagne libanaise, à l’ouest de Sidon233 (Pl. 225). D’autres exemples, comme une statuette de la nécropole de Minet el-Beida, sont tête nue234 : ses yeux, dont un seul a subsisté, étaient incrustés d’émail blanc et d’argent. Ces petites effigies à la tête nue et rasée, un peu trop hâtivement qualifiées de Baal, ont été trouvées sur la bande côtière de la Méditerranée orientale, à Byblos235, Beth Shan236, Tell Abu Hawam237, Tel Ṣippor238, et l’influence égyptienne y est indéniable.

Par contre la fabrication et l’inspiration locales se décèlent sur un petit bronze assis de Kamid el-Loz239 au corps sans épaisseur, avec un tenon sous le siège ; une jupe unie descend presque jusqu’aux pieds qui sont écarté, munis chacun d’un tenon. Un trou circulaire dans le coude gauche permettait de fixer l’avant-bras fondu à part, alors que le bras droit, également disparu devait être riveté d’avant en arrière, comme le montre la perforation à travers l’épaule. Le buste complètement plat est surmonté d’une tête de volume normal ; le visage aux yeux creusés, encadré de grandes oreilles, est coupé au front et de la section du crâne s’élève un tenon pyramidal pour une coiffe, mais il n’y a pas trace de cheveux.

Une figurine moulée en cuivre, découverte dans un temple de Timna, au nord d’Elath, est d’un type très particulier240. Bien que les mines de cuivre, dont l’exploitation était autrefois attribuée au roi Salomon, aient été en réalité utilisées par les Pharaons, la statuette ne doit rien à l’art égyptien, pas plus que tout un ensemble de poteries et d’ex-voto de fabrication locale, offerts dans le sanctuaire dédié à Hathor et datés entre le XIVe et le XIIe siècles. L’homme nu, à la figure grimaçante, a les bras appliqués le long du corps, grossièrement étirés, sans que la main soit détaillée. Le phallus est fortement accentué et les jambes sont peu développées.

Déesses. — L’atelier d’Ugarit a produit une statuette de femme bénissant dans laquelle Cl. Schaeffer a cru reconnaître Ashérat-de-la-Mer241. Sa découverte dans les ruines d’un atelier d’orfèvre où elle n’aurait pas eu le temps d’être achevée expliquerait, d’après le fouilleur de Ras Shamra, l’absence de coiffe et du bras gauche, de même que l’attente du revêtement d’or que requièrent les rainures de la nuque, du bras droit, des côtés du manteau et du dos des jambes. Debout, les deux pieds légèrement écartés, mais dans le même alignement, prolongés par deux tenons se rejoignant en fourche, la femme est enveloppée dans un manteau-houppelande syrien, bordé d’un mince bourrelet et d’une frange, visible au milieu de la jupe et sur le pan qui tombe de l’épaule gauche ; les deux épaules sont couvertes et l’étoffe est croisée dans le dos. Le buste est couvert d’un corsage au ras du cou, drapé de trois plis obliques partant de l’épaule gauche et se perdant à la taille dans le bourrelet du manteau qui forme ceinture. L’avant-bras droit est levé, paume ouverte, dans le geste de bénédiction, le gauche, fondu à part, devait s’avancer pour tenir un objet ; il était fixé dans une douille ronde visible dans l’écartement du manteau au niveau du coude, selon la même technique que la statue précédente de Kamid el-Loz. La silhouette est particulièrement élancée, avec un cou normal, et le peu d’épaisseur n’empêche pas un modelé satisfaisant. Les yeux étaient creusés pour l’incrustation ; le nez est droit et fin, la bouche mince, légèrement souriante ; les oreilles sont grandes et nulle trace de chevelure n’est apparente. Le haut du visage est coupé au ras des sourcils et la partie supérieure du crâne est surmontée d’un élément pyramidal tronqué servant de tenon à la coiffe qui devait également couvrir la nuque. Il faut donc supposer un casque et de fait la coupure du front, des tempes et de la nuque correspond exactement au dessin de la coiffe en pierre du dieu en marche d’Ugarit au Louvre (Pl. 219 ; n. 200). Il n’y a pas la place pour les ondulations sur le front comme sur la tête d’ivoire (Pl. 217 ; n. 184) et il n’y a aucune évidence d’un chignon sur la nuque comme en portent en particulier les déesses des empreintes d’Alalakh.

Une autre déesse d’Ugarit, assise, figure parmi les statuettes de caractère égyptien, directement influencées par l’art de la XVIIIe et de la XIXe dynasties242. Sa main droite bénit et son poing gauche est fermé. Un tenon sous le siège et sous chacun des pieds fait supposer un siège assez massif. La coiffe est la couronne atef et la robe à manches courtes bordées de franges est ornée d’une collerette arrondie au ras du cou qui imite les colliers égyptiens ; la jupe est plissée en oblique avec un motif à boucle sur le devant. Coiffée et vêtue de la même façon, une déesse de Kamid el-Loz se tient debout, brandissant une arme disparue243. Contrairement aux dieux dans la même attitude, elle a les pieds réunis et non l’un devant l’autre. Ici aussi la date indiquée, comme pour les autres statuettes de Kamid el-Loz, est la seconde moitié du XIVe ou le XIIIe siècle. De la même région de la Bekaa provient une autre déesse au bras droit levé, dont le seul rappel égyptien est la robe collante à encolure ronde en collier244. Sa coiffe, d’inspiration probablement locale est un cône fendu devant, muni d’une sorte de visière festonnée relevée. Ces déesses guerrières, qu’elles personnifient Astarté ou Anat245, présentent donc une certaine diversité, mais la plus étrange est certainement celle qui a été acquise en 1952 par le Louvre, armée jusqu’aux dents246 (Pl. 226) : en marche, elle porte une jupe aux genoux et non longue. Ses cheveux, longs dans le dos, tombent en deux larges mèches sur la poitrine, contournant les oreilles. La coiffe, inspirée de la couronne blanche à sommet élargi et aplati, est munie de trois cornes, deux latérales pointant en avant et une sur le devant coudée vers le haut. Les traits sont accentués, la bouche a de grosses lèvres entr’ouvertes, le nez droit est dans le prolongement du front, les yeux sont sculptés. Les seins sont assez proéminents pour ne pas prêter à équivoque. Quant à l’armement, — une véritable panoplie — il a été défini en ces termes par A. Parrot : «  De la main droite, elle brandit la hache bipenne ; de la gauche, elle tient un coutelas à tranchant légèrement incurvé et à dos rectiligne. Ce qui est plus inattendu c’est le glaive au fourreau, porté en oblique sur le devant du corps. Il est retenu par une corde ou une lanière de cuir, qui passe sur l’épaule droite et se rabat en diagonale dans le dos pour venir se replier à la hauteur de la hanche gauche où elle forme une boucle. Ainsi l’arme est-elle maintenue solidement et la lame peut aisément être sortie du fourreau  ». Nous avons vu que les dieux portaient parfois le glaive en oblique devant le pagne (ci-dessus, p. 333, n. 181 ; p. 339), mais ici l’épée est spécialement longue. Un tenon horizontal dans le dos, outre les tenons sous les pieds, indique que la déesse était adossée à un épais montant, ce qui ajoute encore au caractère énigmatique de la figure. Les trois cornes suggèrent un rapprochement avec une statuette non moins énigmatique de déesse debout sur un socle cubique dont les quatre angles sont flanqués d’un petit personnage debout, mains jointes, en long vêtement, la tête coiffée d’une tiare conique247. La déesse est vêtue d’un ample et long manteau et coiffée d’une couronne atef ; de son front et de ses tempes jaillissent trois cornes. Le bras droit, cassé au coude, devait brandir une arme, tandis que le gauche tient un objet indistinct qui pourrait être un miroir d’après sa forme, ce que rend improbable le caractère guerrier de la figure.

Après toutes ces statuettes égyptisantes, originaires du littoral, il faut aborder celles qui n’ont pas été touchées par ce courant et en particulier un type de déesse assise, illustré par un exemplaire acquis par le Louvre en 1888248 (Fig. 79). L’importante bibliographie qu’elle a suscitée montre à la fois son intérêt et la difficulté de la dater.

79. Déesse syrienne. Bronze.

G. Garbini a fourni une liste, d’ailleurs non exhaustive, des études la concernant, qu’il a groupées par l’époque attribuée par chaque archéologue ; l’objet a en effet connu des changements de date allant du début du IIe au début du Ier millénaire et l’auteur de l’article est partisan de l’époque la plus haute249. La tête seule est bien modelée avec des traits accentués caractérisés par un nez droit dans le prolongement du front, des lèvres épaisses, des orbites creuses et d’énormes oreilles décollées, percées de deux trous pour des anneaux, en haut et en bas250. Le couvre-chef est cylindrique, fixé sur la tête par une couronne de cabochons dont celui du milieu est le plus gros ; le sommet du cylindre s’élargit en une retombée de cannelures arrondies comme une calotte de melon ; tout le dos de la tiare est creusé d’une rainure verticale attestant un revêtement d’or ou d’argent pour la tête. Le cou haut et mince rejoint des épaules larges, mais le corps est étroit et tout à fait aplati, sans modelé, sauf les seins petits et ronds. Le vêtement est une robe collante unie, bordée au-dessus des chevilles par un double sillon horizontal. Aucune ceinture n’est indiquée, mais une rangée de perles part de la pliure des cuisses dont elle marque la séparation jusqu’aux genoux, prolongée ensuite par une tige terminée en une spirale plate. De même un pendentif à deux spirales divergentes, attaché à un collier de perles en pointe, tombe sous les seins. Les deux bras sont des tiges rondes coudées en avant, la paume droite ouverte vers l’extérieur pour bénir, le poing gauche fermé avec le pouce dressé. Les pieds sont réunis dans un réceptacle emboîtant les deux talons et rejoignant en oblique le devant de la semelle pour dégager les orteils ; il n’y a aucune trace de lanières et le tout semble en une pièce pour les deux pieds. Sous les talons part un tenon en crochet pointu vers l’arrière ; alors que le tenon du siège est droit et pointu.

Plusieurs statuettes analogues ont paru ces dernières années sur le marché des antiquités ; la plus voisine, couverte d’argent, est entrée au musée d’Israël251, une autre, plus grande, dans une collection américaine252, ne porte pas le pendentif à double spirale et le milieu de la jupe est orné d’une succession de boutons descendant jusqu’au bord inférieur ; les pieds sont nus comme sur l’exemplaire de Jérusalem. Au même type peut se rattacher une figurine de Mishrifé/Qatna, les bras en avant, le corps plat, une tiare cylindrique basse sur la tête253.

Les arguments qui ont fait dater ces bronzes du début du IIe millénaire sont la forme de la tiare et le corps plat. Il est certain que l’on retrouve ces caractères et une certaine affinité sur la statuette debout du Louvre, AO 20183 (ci-dessus, p. 278, n. 245), que nous avons située vers le XVIIe siècle, mais tiare, vêtement et parure sont différents. Ce qui nous semble déterminant pour une date plus basse est la présence du tenon sous le siège qui ne nous semble pas attesté avant la seconde moitié du IIe millénaire. D’autre part une tiare bordée de grosses rosaces sur le front apparaît sur la tête d’une statuette plate fragmentaire de Megiddo, provenant d’un niveau daté entre 1479 et 1350254, ce qui convient aussi au geste de bénédiction. Nous avons vu également que la figurine masculine de Megiddo recouverte d’or avait les oreilles percées et un anneau encore en place (ci-dessus, p. 342, n. 231). G. Garbini a longuement étudié le motif de la double spirale, répandu de l’Iran au Danube depuis le IIIe jusqu’au Ier millénaire, il ne peut donc servir de critère. Il faut cependant signaler un pendentif circulaire en or du niveau IV d’Alalakh, gravé de la double spirale, mais renversée par rapport au pendentif de la statuette255. L’évaluation des XIVeXIIIe siècles, préconisée par Contenau, Bossert, Frankfort248, Parrot256, nous semble la meilleure, sans exclure un élargissement jusqu’au XVe siècle.

Une femme nue debout, au corps plat, fait le même geste des mains257. Les seins sont petits et ronds et le sexe un simple triangle ; les hanches et tout le corps sont étroits. Les yeux étaient creusés et les oreilles sont percées d’un trou en haut et en bas comme dans la statue du Louvre AO 1761. Sur la tête, une tiare plate cylindrique est gravée verticalement de motifs en arêtes de poisson. Le cou est paré d’un court collier rond rigide. La facture de cette statuette est très voisine de celle des précédentes et la couronne basse a une analogie avec celle de la femme nue de Megiddo, en ivoire, dont le modelé est cependant bien supérieur (Pl. 218 ; n. 186).

Animaux

La proportion des animaux reste faible et ils sont le plus souvent de petite taille. Comme aux siècles précédents, le matériau le plus utilisé en Mésopotamie et en Iran reste la terre cuite, le Levant utilisant surtout le métal.

L’art cassite a produit à Akarkuf/Dûr-Kurigalzu des animaux modelés en argile et en particulier les premières apparitions de dromadaires, sous la forme de deux petites têtes, dont l’une, trouvée dans le niveau le plus ancien (IV), doit remonter au XIVe siècle258, l’autre appartenant au niveau récent du palais (1 B), daté de la fin du XIIIe siècle259. La morphologie de la tête est traduite avec réalisme et l’identification ne fait pas de doute, pas plus que pour une grande tête en bronze de Mishrifé/Qatna qui présente la même capacité de copie de la nature260. Bien que la fonte soit probablement syrienne, la finesse d’observation pourrait indiquer une origine babylonienne. L’objet, entièrement creux, devait orner un manche ou un meuble ; il est daté des XIVe-XIIIe siècles par des tessons de cratères mycéniens.

L’objet le plus célèbre d’Akarkuf est certainement le quadrupède en terre cuite qui n’a conservé qu’une patte, mais dont la tête expressive et le corps élancé encore peint en rouge par endroits font honneur à l’artiste qui l’a exécuté261. La race de l’animal est loin d’être évidente et le fouilleur a hésité à y voir une lionne, terme généralement repris par divers archéologues ; Anton Moortgat a pensé qu’il s’agissait d’une hyène262, ce qu’a contesté Richard Ellis263 qui propose «  loup  » ou, mieux encore, «  chien  », en tout cas un canidé par comparaison avec d’autres terres cuites découvertes à 2 km d’Akarkuf264. La sensibilité avec laquelle est sculptée la tête aux oreilles pointues dressées, aux paupières tracées avec fermeté, au museau frémissant, aux bajoues molles sous le cou, témoigne d’une copie attentive. Rien ne s’oppose à ce qu’il s’agisse d’une race canine au poil ras et à la queue très courte, mais il faut pourtant remarquer la ligne très peu oblique de l’échine dans le prolongement de la tête, assez caractéristique d’un félin ; il est vrai toutefois que la bête est en marche, tête baissée. Si l’objet appartient bien au «  niveau supérieur d’occupation  » dans lequel il a été trouvé, il doit dater du XIIIe siècle, mais il peut aussi être un peu plus ancien, comme le sont les petites têtes de lionne en terre cuite du dépôt près d’Akarkuf265 qui témoignent d’une habileté d’exécution analogue (Pl. 227) ; l’œil sculpté sous la paupière qui se prolonge est traité comme sur l’exemplaire précédent, mais les moustaches du mufle et la gueule fermée rendent ici les identifications indubitables et ces petits fragments font regretter la disparition des corps.

En territoire assyrien, comme pour les statues humaines, les sculpteurs animaliers ont utilisé le procédé de la glaçure émaillée sur terre cuite. Dans le sanctuaire de Nuzi, daté du XVe siècle où se trouvaient les statuettes féminines émaillées et en ivoire (ci-dessus, p. 297), l’entrée devait être gardée, selon la tradition mésopotamienne, par deux paires de lions, dont un exemplaire de chaque avait subsisté, mais pas in situ. Une paire représentait les fauves debout, l’autre, de format plus réduit, les montrait couchés. Les lions debout étaient recouverts d’une glaçure bleu-vert266 ; leur originalité vient de ce qu’ils ont été moulés en cinq parties ajustées ensuite assez maladroitement : 1) la tête et le corps creux dont le dessous est plat ; 2) les pattes avant réunies ; 3 et 4) les deux pattes postérieures ; 5) la base rectangulaire, qui n’est pas émaillée, sauf aux endroits où la glaçure des pattes et du corps a coulé. L’animal a la gueule largement ouverte et le mufle court ; sauf un bourrelet sur l’échine, la crinière n’est pas indiquée ; la queue en relief remonte sur la croupe, incurvée à gauche sur l’exemplaire préservé, à droite sur l’autre, d’après des fragments, et pour des raisons de symétrie. La glaçure était bien répartie sur tout l’ensemble, ce qui n’est pas le cas pour la paire de lions couchés267, au corps creux, peint en rouge avant cuisson. Seuls l’avant-train, les pattes et la queue ont été recouverts d’une glaçure jaune et non plus bleue, dont les coulées ont formé des bandes sur l’arrière-train. La gueule est ouverte, mais l’animal au repos n’a plus rien de redoutable et ressemble à un lionceau avec une crinière en collerette. Le modelé est beaucoup plus proche de la nature que celui du lion debout.

Beaucoup plus schématisé est un tout petit lion en fritte ou pâte de faïence de Tell Rimah, trouvé avec nombre d’objets émaillés dans une pièce du temple, à la phase II qui prit fin vers le milieu du XIVe siècle268 : il est couché, mais à demi dressé, le mufle fermé tendu en avant, la queue remontant le long de l’échine oblique ; les pattes sont très peu en relief sur le corps qui ne porte pas de détails.

La terre cuite émaillée a été utilisée à Suse pour deux lions qui devaient garder l’accès d’un temple sur l’Acropole (Pl. 228). L’un a pu être reconstitué, l’autre n’est plus qu’à l’état d’avant-train269. Les fauves sont couchés, la tête majestueusement dressée, la gueule fermée. Les moustaches sont formées de chaque côté d’une palmette à une seule nervure, alors qu’à l’époque achéménide les palmettes sont multiples270. Les yeux en même matière étaient insérés dans l’orbite, après que l’iris et la pupille aient été peints et passés à la cuisson. La crinière est faite d’éléments striés émaillés de couleur bleu-vert, qui auréolent le front et encadrent la tête, couvrant largement la partie antérieure du corps. La queue ramenée sur le côté du corps se termine par une touffe de poils également striée.

Le traitement réaliste du naseau et le dessin arrondi de la machoire inférieure sont analogues sur un petit lion en pierre couché sur un chariot à quatre roues en bitume (Pl. 229), trouvé dans un dépôt funéraire de l’Acropole271 avec les statuettes de bronze citées plus haut (p. 310, n. 80-82). Les yeux étaient incrustés de lapis-lazuli. Ici aussi les poils de la crinière sont striés et sur les deux épaules est gravé un motif en étoile, souvent observé sur les lions d’Égypte et du Levant, à partir de la seconde moitié du IIe millénaire272. Les lions de Suse peuvent dater du XIIe siècle.

C’est à une époque un peu plus haute qu’appartiennent les animaux émaillés élamites découverts à Tchoga Zanbil, et en particulier un petit lion en fritte émaillée bleuvert du palais funéraire du XIIIe siècle273. Le félin est couché et sa tête, entourée d’une crinière en collerette descendant des oreilles, repose sur un support vertical s’élargissant vers les pattes antérieures ; la queue remonte sur la croupe en une courbe souple. Il ne s’agit là que d’un bibelot par rapport aux grands animaux en terre cuite émaillée qui gardaient par paire les quatre entrées de la ziggurat. Deux d’entre eux ont pu être reconstitués grâce à l’habileté de Mme T. Ghirshman : un taureau de la porte Nord-Est274 (Pl. 230) et un griffon de la porte Nord-Ouest275. Tous deux reposaient sur une dalle rectangulaire de terre cuite comme les lions de Nuzi. Le taureau portait sur le dos une dédicace de 16 lignes du roi Untash-Napirisha au dieu Inshushinak276. Les pattes, trouvées cinq ans après les fragments du corps, en même temps que la tête, la queue et le socle, étaient «  montées sur de fortes tiges en bronze flexible  ». L’espèce est celle du zébu avec une bosse sur le garrot et une longue queue tombant jusqu’à terre. Le modelé est excellent et dénote une grande connaissance de l’anatomie animale. Il est difficile d’en dire autant du griffon, dont toute la restauration est plausible, mais où il a fallu reconstituer le bec d’aigle ; les oreilles pointues, les ailes dressées ainsi que la queue complètent le corps de félin.

Un exemplaire de taureau sans bosse, demi-grandeur nature, dont il ne reste que l’avant-train aux cornes cassées, se trouvait dans le sanctuaire de IM et Shala277. Le dieu IM, dont on ignore encore le nom élamite, était l’équivalent du dieu babylonien de l’orage, Adad. Comme au Levant, ce dieu de l’orage était donc associé au taureau. La dalle en terre cuite qui lui servait de base portait sur sa face émaillée une inscription d’Untash-Napirisha mentionnant la construction du temple de Napirisha (GAL), le plus grand dieu élamite avant Inshushinak qui est d’ailleurs invoqué après lui dans l’inscription278.

Trois petits zébus couchés et un zébu debout aux pattes cassées se trouvaient dans un dépôt, encore façonnés avec réalisme279, à côté d’une série de bœufs bossus très grossiers, en simple terre cuite, dont les fragments ont permis la reconstitution de quatre exemplaires280. La fabrication de ces quadrupèdes debout au corps creux est très particulière : le cou et le corps ont été modelés autour de deux manchons de terre cuite281. Ce procédé pouvait laisser supposer qu’il s’agissait de vases zoomorphes, mais le mufle n’est pas percé et l’orifice que l’on voit dans la partie postérieure à côté de la queue n’est qu’un trou d’évent, comme les lions de Suse en avaient fourni l’exemple au chapitre précédent (ci-dessus, p. 290). Ainsi l’art animalier élamite présente un courant raffiné et un autre courant qui en est la caricature282. Au premier de ces courants appartiennent des représentations en miniature en fritte : lions, béliers, oiseaux283, singes assis, les mains sur les genoux, particulièrement expressifs284, et surtout des sangliers couchés dont deux exemplaires sont d’une grande finesse285.

L’Iran du Nord, sur le pourtour occidental et méridional de la mer Caspienne a suscité une production de petits animaux en bronze représentant surtout la faune montagnarde : cerfs, bouquetins, mais aussi taureaux et zébus. La province du Talyche, sur la rive ouest de la Caspienne — en territoire russe au nord et en Iran au sud — a livré de ces petits cervidés aux grandes cornes dont l’aspect rappelle le modelage des figurines en terre cuite286, de même que Marlik, dans la province du Gilan, sur la rive sud287. Un grand exemplaire de chèvre des montagnes à cornes légèrement arquées et corps raide et étiré, les pattes avant et arrière fixées sur de minces traverses, frappe par la simplification des formes288. Un cervidé à queue courte et bois parallèles en terre cuite rouge lustrée présente une autre forme de stylisation, liée à la technique du potier : si le corps est simplifié à l’extrême, avec ses pattes raccourcies, il garde son volume et le caractère altier du quadrupède est traduit par le mouvement de la tête tournée vers la gauche289.

L’art de la métallurgie aux derniers siècles du IIe millénaire a formé un courant de la Caspienne à l’Anatolie en passant par le lac Sevan dont les alentours ont fourni des bouquetins montés sur une armature290.

Récemment R.M. Boehmer a publié un petit cerf de Bogazköy du Nouvel Empire hittite, dont il pense à juste raison que sans lieu d’origine, on l’aurait sans doute fait venir d’Iran du Nord291 : avec sa grosse tête surmontée de bois à trois protubérances et ses pattes écartées aux extrémités arrondies, il est la copie d’une figurine de terre cuite et les bronzes de Marlik offrent de telles transpositions292. Cet exemple montre les échanges qui ont dû s’établir dans les deux sens et qui, dans ce cas, sont dirigés d’est en ouest, car l’animal de Bogazköy est plus ancien que ceux de Marlik.

L’animal le plus fréquemment représenté en Anatolie est incontestablement le taureau, attribut du dieu de l’orage dont le culte a nécessité de grands vases zoomorphes stylisés, en terre cuite peinte et vernissée293. Une grande tête en terre cuite crème de Bogazköy est, par contre, purement naturaliste, sans que l’on sache si elle faisait partie d’une statue entière294. Des trous à l’emplacement des oreilles montrent qu’elles étaient rapportées. Le naseau est traité avec une précision et une sensibilité exceptionnelles. Les fouilles d’Alaca Hüyük ont par ailleurs livré une paire de petits taureaux couchés, la tête tournée symétriquement de façon à encadrer un motif central295.

En Syrie et en Palestine, le taureau joue un rôle important dans le culte des dieux El et Baal. Dans les textes d’Ugarit, El est invoqué sous le vocable de «  taureau  »296, mais l’animal ne nous est parvenu que sous forme de modèles réduits, à l’exception de la statue en basalte de Hazor (ci-dessus, p. 327, n. 152), où le taureau est d’ailleurs traité comme deux reliefs accolés, car la pierre n’a pas été évidée entre les pattes pour assurer la solidité d’une sculpture beaucoup plus haute que large. Dans le même temple du XIIIe siècle à Hazor se trouvait un vigoureux et véridique petit taureau arcbouté sur ses pattes terminées chacune par un tenon297 ; il semble en plein élan et peut par son réalisme être rapproché d’un exemplaire statique d’Ugarit298, découvert dans la cachette du dieu assis en bronze et or (ci-dessus, p. 341, n. 224). Comme à Hazor, le fanon sous le cou est bien indiqué, ainsi que la légère bosse du dos ; il est fixé sur une mince planchette de bronze sous laquelle se trouve un fort tenon conique, haut de 4 cm. Les fouilles de Megiddo, dans un niveau plus ancien (IX : XVe siècle (?)), ont révélé un quadrupède de même facture dont les cornes sont cassées et qui a les pattes munies de tenons299. Les métallurgistes d’Ugarit ont exercé leur science de l’observation sur des taureaux et des taurillons couchés qui servaient de poids300.

À côté d’une production où l’expérience de la nature est traduite avec exactitude, il existe aussi des œuvres schématiques, à l’imitation des figurines de terre cuite, telles qu’un exemplaire en a été trouvé à Hazor dans un temple du XIIIe siècle301. Les pattes sont coniques comme les cornes. Un modèle provient de Ras Shamra, de même conception que le cerf de Bogazköy cité ci-dessus (n. 291)302.

Les faucons en bronze de Ras Shamra posent le problème de l’importation, car le plus grand, coiffé du pschent, la double couronne d’Égypte, est absolument semblable aux exemples égyptiens303. Il a comme équivalent un grand rapace en pierre peinte du temple de Thutmosis III à Beth Shan304, coiffé du pschent et dont le jabot était moucheté. Cette moucheture a été traduite par des incrustations d’or sur le plumage d’un tout petit faucon non couronné de Minet el Beida, qui a la particularité de tenir entre ses pattes un uraeus, ce qui le distingue des exemplaires égyptiens305. Les rapaces reposent sur une base plate quadrangulaire, prolongée par un tenon pour les exemplaires en métal. Rien ne permet d’affirmer le pays d’origine de ces objets qui peuvent avoir été réalisés sur place par des artistes égyptiens ou initiés en Égypte.

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1 Taha Baqir, Iraq Supplement 1944/45 ; Iraq 8, 1946, pp. 73-93. — Pour l’histoire de cette période, cf. Brinkman, AJA 76, 1972, pp. 271-281. 

2 Jordan, UVB I, 1930 = Parrot, Sumer, pl. 392 = Moortgat, Die Kunst, pl. 226-228. — Cette sculpture architecturale connut un éclat renouvelé au XIIe siècle en Élam avec le roi Kutir-Nahhunte : Amiet, Élam, pl. 299 et Arts Asiatiques 32, 1976, pp. 13-28. 

3 Taha Baqir, « Excavations at ʿAqar Qūf 1942-43 », Iraq Supplement, 1944, fig. 20, p. 11, 13. Inscription : C.J. Gadd, id., p. 15 ; Kramer, Sumer 4, 1948, pp. 1 ss. Diorite. Musée de Bagdad. — Autre fragment en diorite inscrit : Iraq Suppl. 1944, fig. 29 ; p. 13 

4 Woolley, UE VIII, p. 19. 

5 Taha Baqir, Iraq 8, 1946, pl. XV, fig. 9 ; p. 90 = Frankfort, The Art, pl. 70 B ; p. 64 = Moortgat, Die Kunst, pl. 225 ; p. 102. Terre cuite peinte. Ht. 4,3 cm. Bagdad, IM 50922. 

6 Une date précise est difficile à établir. D’après Iraq 8, pl. IX, fig. 2, le niveau supérieur de la pièce 71 du complexe B où a été découverte la tête correspond à la jonction entre le niveau II où a été trouvée une tablette de Kashtiliash (vers 1230) et le niveau I c plus récent : cf. Goetze,JCS 18, 1964, p. 100. La date serait donc sensiblement la même que celle des murs peints du complexe H, datés du niveau I c par E. Seidl dans Propyläen 14, p. 307 : « fin du 13e ou début du 12e siècle ». 

7 Rowe, Museum of Fine Arts Bulletin, Boston, 1908, p. 48 = W.S. Smith, Interconnections in the Ancient Near East, 1965, fig. 70. Carreaux de faïence émaillée. Ht. env. 30 cm. Boston, Museum of Fine Arts. 

8 Parrot, Sumer, pl. 395 A = Moortgat, Die Kunst, pl. 230. 

9 Iraq 8, pl. XI-XIV = Parrot, Sumer, pl. 389 = Propyläen 14, pl. XVI. 

10 Woolley, UE VIII, pl. 28 : U. 17865 ; p. 107. Calcaire blanc. Ht. 7 cm ; larg. des épaules : 17 cm. Bagdad, IM 18656. 

11 Id., pp. 69-71. 

12 Id., pl. 28 ; p. 43. Cuivre. Ht. 4,5 cm. 

13 Id., pl. 28 : U. 18628 ; p. 108 = Wiseman, Iraq 22, 1960, pl. XXIII c ; p. 168, n. 16. Cuivre ou bronze. Ht. 7,4 cm. British Museum, 124357. 

14 Cf. également les statuettes en terre de Suse : p. 234, n. 48. 

15 F.R.S. Starr, Nuzi, 1939, pl. 56 H ; p. 386. Cuivre. Ht. env. 9 cm. Bagdad. — Dans le chapitre sur la chronologie, p. 507 ss., H.W. Eliot, en désaccord avec Starr, pense que les niveaux G (le plus ancien) et F sont très proches de la période de Nuzi, malgré la présence d’objets semblables à ceux du niveau G d’Assur. 

16 Starr, Nuzi ; pl. 102, C : Cuivre. Ht. env. 8 cm ; pl. 101, G : Cuivre. Ht. env. 10,5 cm ; pl. 101, H : terre c9ite émaillée. Ht. env. 11 cm. 

17 Deux effigies en relief d’Assur, peut-être un peu plus récentes puisque l’une, en or, provient du palais de Tukulti-Ninurta I (1244-1208), représentent des femmes de profil en longues robes unies, à pans frangés couvrant l s épaules. Les cheveux massés sur la nuque sont serrés par un bandeau et l’on y verrait plus volontiers des dames de condition levant les deux mains pour la prière : Andrae, Die jüngeren Ischtar-Tempel in Assur (WVDOG 58), pl. 48, 1 (peinture émaillée polychrome), m (or repoussé) ; p. 108, i, h. Musées de Bagdad et de Berlin, VA 5639. 

18 Starr, Nuzi, pl. 101, I ; p. 421 s. = Mellink, « A Hittite Figurine from Nuzi », Moortgat-Festschrift, pl. 20, 1-4 ; pp. 155-164 = Moortgat, Die Kunst, pl. 240 ; p. 117. Ivoire ou os. Ht. 8,2 cm. Musée de Bagdad, IM 22359. 

19 Le mouvement des cornes est caractéristique de l’Empire hittite ; on le rencontre en particulier sur le casque à couvre-joues du dieu de la porte de Bogazköy : Bittel, Les Hittites, pl. 267, et sur la tiare conique du dieu-montagne en ivoire de Bogazköy, dont les oreilles au pavillon enroulé sont également très semblables (ci-dessous, p. 324). C’est un argument pour dater la statuette de Nuzi du XIVe siècle. 

20 Cf. le personnage peint d’une porte du palais d’Akarkuf : Iraq 8, pl. XII = Propyläen 14, pl. 193 a : fin XIIIe-début XIIe siècles. — Fragment de plaque d’Assur en marbre sculpté : Moortgat, Die Kunst, pl. 244 : XIIIe siècle. 

21 Des figurines en terre cuite du IIe millénaire représentant une femme au bas du ventre dénudé ont été trouvées en 1977 à Terqa, sur le Moyen-Euphrate : communication de Marilyn Kelly-Buccellati au 188e Meeting de l’American Oriental Society à Toronto, le 11 avril 1978. 

22 Haller, Die Gräber und Grüfte von Assur (WVDOG 65), pl. 32, c ; p. 140 = Moortgat, Die Kunst, pl. 239 ; fig. 81-82, p. 117. Ht. 15 cm. Musée de Berlin. Cf. aussi les déesses ailées sur plaque de terre cuite, plus anciennes de trois ou quatre siècles : Parrot, Sumer, pl. 367, A, C. 

23 Frankfort, The Art, pl. 127 = Bittel, Les Hittites, pl. 267-8. 

24 E. Laroche, Les hiéroglyphes hittites, 1960, no 370. 

25 Mellink, loc. cit., p. 162. 

26 Sarzec-Heuzey, Déc. en Chaldée, pl. 44 ter, 4 ; p. 390 s. = L. Laroche, « Deux objets méconnus du Musée du Louvre », RA 55, 1961, p. 5 ss. ; fig. 1. Bronze ou cuivre. Ht. totale : 12 cm ; plaquette : 4,5 x 5,2 cm. Louvre, AO 3869. 

27 L’œil joue pourtant encore un grand rôle en Turquie où l’on trouve partout sur les marchés des yeux bleus et jaunes en pâte de verre. 

28 Cf. l’enquête menée par le Centre de recherches archéologiques du CNRS en 1977 : Barrelet, Charpin, Durand, Kepinski, Parayre, Vernus, Problèmes concernant les Hurrites, au terme de laquelle il ne reste guère d’évidence d’un art hourrite, mais l’ivoire de Nuzi, pourtant important, n’y a pas été incorporé. 

29 Andrae, n. 17, pl. 34, e-f. Fritte. Ht. environ 8 cm. Musée de Berlin, VA 7260. 

30 Id., p. 81, fig. 63-64. 

31 Roeder, Ägyptische Bronzefiguren, 1956, pl. 81, f ; fig. 398, p. 312 = Pritchard, ANEP 2, fig. 770. Bronze. Ht. 5,5 cm. Richmond, Virginie : Musée des Beaux-Arts. 

32 Andrae, n. 17, pl. 34, a-b, c-d ; p. 83 s. Fritte. Musée de Berlin, VA 7266, VA 7433. 

33 Id., pl. 34-35. 

34 Id., pl. 35 a ; p. 85. Fritte. Ht. 34 cm. (acéphale). Musée de Berlin, VA 7431. — Fig. 68 a-c, p. 85. Fritte. Ht. 9,2 cm (bas du corps). Musée d’Istanbul. 

35 Id., pl.48, c-e. Albâtre. Ht. 11 cm. Musée de Bagdad. 

36 D. Oates, « The Excavations at Tell al Rimah 1964 », Iraq 27, 1965, pl. XX a ; p. 77 = Th.H. Carter, BASOR 178, 1965, p. 66 s. Calcite. Ht. 25 cm. — Th. H. Carter, Archaeology 18, 1965, p. 155. Sans dimension. Bagdad. 

37 Expedition 7, 1964, p. 39 = Carter, BASOR 178, 1965, p. 59. Calcaire. Bagdad. 

38 D. Oates, Iraq 30, 1968, pl. XXV d ; p. 117. Calcaire. Ht. 17 cm. Bagdad. 

39 Speiser, Excavations al Tepe Gawra I, 1935, pl.45 a ; p. 98 s. Calcaire. Ht. 25 cm. 

40 Cf. BASOR 178, p. 67. — Les statuettes de Tell Bilia, appartenant aux niveaux 1-3 (2e moitié du IIe millénaire), sont au Musée de l’Université de Pennsylvanie, no 31.51. 219 ; 32.20.380/382 ; 33.4. 202 ; 35.9.33. 

41 À ce groupe se rattachent aussi des sculptures grossières en pierre, découvertes en Arménie et antérieures au royaume d’Urartu : B. N. Arakeljan, Outlines of the History of Ancient Armenian Art, Erevan, 1976, pl. 1-XX ; pp. 14-20 (en russe). 

42 La phase I, à laquelle est attribuée la statuette féminine du temple, puis par analogie, celle du sanctuaire du palais (Iraq 27, p. 77), ainsi que la statuette-cloche masculine, a été datée par D. Oates, Iraq 30, p. 116, de 1300 ± 50. 

43 Iraq 30, 1968, pl. XXXV a-b. Ht. 28 cm. 

44 Haller, n. 22, pl. 31 a-f, k, m-n ; p. 139 s. 

45 Ghirshman, Tchoga Zanbil II (Mémoires XL), pl. LI-LIII, pl. XCIII-XCIV ; p. 83 s. Ht. entre 38 et 27 cm ; un exemplaire mesure 52 cm. 

46 Hall, La sculpture babylonienne et assyrienne au British Museum, 1928, pl. XI = Contenau, MAO II, fig. 723, p. 1033 = Parrot, Assur, pl. 26 = Moortgat, Die Kunst, pl. 250 = Propyläen 14, fig. 170. — Inscription : Budge and King, Annals of the Kings of Assyria I, 1902, no 849, p. 152 s ; Luckenbill, Ancient Records of Assyria and Babylonia I, 1926, p. 105, no 340 ; cf. GAD, A, 1, p. 332 s. Calcaire. Ht. 94 cm. British Museum, 124963. 

47 W. Nagel l’a considérée comme un réemploi d’une œuvre sumérienne archaïque (BJV 6, 1966, pl. XIV, p. 53 s.), ce qui a été contesté avec justesse par B. Hrouda (Vorderasien I, p. 236) et par G. Carbini (Annali dell’Istituto orientale di Napoli 33, 1973, pp. 365-368). 

48 Garelli, Nouvelle Clio 2 bis, p. 58. 

49 JNES 8, 1949, pp. 172-193. 

50 Koldewey, Die Konigsburgen von Babylon, II (WVDOG 55), 1932, pl. 20 ; p. 20 = Contenau, MAO III, fig. 823, p. 1302. Calcaire blanc. Musée d’Istanbul. 

51 Delitzsch, Vorderasiatische Schriftdenkmaler I Beiheft, no 36, pl. I = Seidl, BaM 4, 1968, no 103, p. 59 s., fig. 22. Pierre noire. Ht. 21, 7 cm. Musée de Berlin, VA 3031. 

52 V. Place, Ninive et l’Assyrie III, pl. 73 = Contenau, MAO III, fig. 825, p. 13, 1305. Bronze. Ht. 17 cm. Louvre, N 3088. 

53 Labat, « Élam c. 1600-1200 B.C. », CAH II, ch. XXIX (fs. 16, p. 5 s.). — Brinkman, AJA 76, 1972, p. 276. 

54 L’équivalence GAL = Napirisha, proposée en 1965 par W. Hinz (JNES 24, p. 351), a été confirmée par Maurice Lambert en 1972, grâce à une brique de Hutelutush-Inshushinak (RA 66, pp. 61-71, plus particulièrement p. 67). 

55 Cf. M.J. Steve, Ir. Ant. 2, 1962, pp. 22-76 ; M. Lambert, Ir. Ant. 5, 1965, pp. 18-38 ; Steve, Mémoires XLI, 1967, no 10, 13, 17, 45. 

56 Cf. Labat, « Élam and Western Persia c. 1200-1000 B.C. », CAH II, ch. XXXII (fs. 23, pp. 9, 10, 15). 

57 Amiet, GS, no 2327 (Attahushu : XIXe siècle), 2015-2017, 2330 ; Arts Asiat. 26, 1973, no 48, pl. IX. 

58 Amiet, Revue du Louvre 1965, p. 158, fig. 2-3 = Élam, pl. 286 A-C. Calcaire. Larg. 34 cm. Louvre, Sb 6421. 

59 Toscanne, Mémoires XII, 1911, pl. VI,5 = Amiet, Revue du Louvre 1965, p. 159, fig. 6 = Élam, pl. 289. Calcaire. Ht. 29,5 cm. Louvre, Sb 67. 

60 Vanden Berghe, Archéologie de l’Iran ancien, pl. 85 s. ; Amiet, Élam, pl. 295. 

61 Amiet, Élam, pl. 305, 310. 

62 Le geste est exactement le même que celui des génies-poissons du troisième registre de la stèle d’Untash-Napirisha, où les flots traités comme des cordages sont serrés sur la poitrine par les deux mains superposées : Parrot, Sumer, pl. 401 = Amiet, Élam, pl. 282, 285. 

63 Parrot, Sumer, pl. 326 (photo inversée) = Amiet, Élam, pl. 284. Il faut remarquer cependant que le dieu en haut-relief de la Porte du Roi à Bogâzköy, à une époque voisine, a le torse gravé de bouclettes incisées qui ne représentent qu’un système pileux développé : cf. Bittel, Les Hittites, fig. 268. 

64 Arts Asiat. 26, 1973, p. 17. 

65 Amiet, Revue du Louvre 1965, p. 159, fig. 7 = Élam, pl. 290 = Propyläen 14, fig. 291 a. Calcaire. Ht. 11 cm. Louvre, Sb 6442. 

66 Amiet, Revue du Louvre 1965, p. 160, fig. 8 = Élam, pl. 287. Calcaire. Ht. 8 cm. Louvre, Sb 6443, 6444. 

67 Id., Revue du Louvre 1965, p. 159, fig. 5 = Élam, pl. 288. Calcaire. Ht. 34 cm. Louvre, Sb 6422. 

68 Ghirshman, Mémoires XXXIX, pl. LXIII,5 b et XCIV : GTZ 288-289 (annexe du temple de Kiririsha). Pierre blanche ou fritte et bitume. Long. 4,2 cm ; Mémoires XL, pl. VIII,8 et LXXI : GTZ 859- 60, 884. Long. 5/5,6 cm. Musée de Téhéran et Louvre, Sb 4590, Sb 5125. — Le fait qu’une tige de bronze formait une monture par derrière nous semble exclure qu’il s’agisse d’yeux votifs. 

69 Mecquenem, Mémoires VII, 1905, pl. XVIII,1-2 ; p. 75 = Amiet, Élam, pl. 233 A-B. Bronze. Ht. 9 cm. Louvre, Sb 2891. — Le vêtement de kaunakès pourrait être en faveur d’une date plus ancienne, mais le geste de la main droite levée, légèrement inclinée, est tout à fait le même que celui des orants ou porteurs d’offrandes des mêmes dépôts funéraires des environs du temple d’Inshushinak, n. 79 ss. 

70 Contenau, MAO II, fig. 609-610, p. 858 s. = Amiet, Élam, pl. 238 = Porada, Propyläen 14, pl. XXXIV ; p. 382. Bronze. Ht. 15,7 cm. Louvre, Sb 2824. 

71 Un petit buste susien de dieu barbu tend, par contre, les avant-bras, cassés aux poignets, dans un geste d’aurige : Jéquier, Mémoires VII, fig. 88, p. 37 = Amiet, Élam, pl. 309. Bronze. Ht. 8 cm. Louvre, Sb 6588. 

72 Le dieu de la stèle d’Untash-Napirisha a également des oreilles de taureau en plus de ses oreilles humaines. 

73 Cf. Amiet, Arts Asiatiques 26, 1973, p. 17 s. ; Revue du Louvre, 1973, p. 220. 

74 Mémoires VII, pl. XVI, 9 = Amiet, Élam, pl. 326. Bronze. Ht. 6,2 cm. Louvre, Sb 2827. 

75 Diam. 8,3 cm. Louvre, Sb 3069. 

76 Cf. Ghirshman, Arts Asiat. 10, 1964, p. 13, fig. 6 ; p. 17, fig. 16 dr. 

77 Scheil, Mémoires IV, pl. 18, no 3. Cf. E. Reiner, AJO 24, 1973, pp. 94-97. 

78 Pézard et Pottier, Catalogue, no 59. Inscr. Scheil, Mémoires XI, p. 12 ; pl. III, 1-2. Calcaire blanc. Ht. 81 cm. Louvre, Sb 62. 

79 Mecquenem, Mémoires VII, 1905, pl. XXIV ; p. 131 ss. = Parrot, Sumer, pl. 404 A-B = Strommenger-Hirmer, 5 millénaires, pl. 184 = Amiet, Élam, pl. 318-319. Or : Ht. 7,5 cm ; argent : Ht. 7,3 cm ; socle de bronze. Louvre, Sb 2758/2759. 

80 Mémoires VII, pl. XV, 1-3 ; p. 73 s. = Rutten, Tel no 9, p. 278 B = Amiet, Élam, pl. 315. Bronze. Ht. 11 cm. Louvre, Sb 2889.