La fin du IIe millénaire coïncide avec une période de chaos dans tout le Proche-Orient. Aucune région ne semble avoir échappé aux invasions et au harcèlement de tribus nomades. En Asie Mineure, en Syrie et en Palestine, les « Peuples de la Mer » avaient mis un point final à l’Empire hittite et au royaume d’Ugarit, tandis que les Assyriens étaient harcelés par les Araméens (Akhlâmu), d’une turbulence toujours renaissante, malgré les expéditions des rois depuis le XIIe siècle. Une grande obscurité demeure, sur le passage du IIe au Ier millénaire et il est normal que l’art soit victime du manque de prospérité consécutif à ces remous1.
La Babylonie, affaiblie par les luttes contre l’Élam et par l’infiltration des Araméens, est dominée par l’Assyrie et perd sa place de grande nation jusqu’à la chute de Ninive en 612 av. J.-C., tandis que l’Empire assyrien s’affermit sous la poigne énergique de souverains remarquables qui font face aux incursions araméennes et vont entreprendre leur politique d’expansion.
Personnages
Mésopotamie — Iran — Babylonie
La totale éclipse de l’art babylonien pendant les siècles qui séparent la fin des Cassites au XIIe siècle de l’avènement de la dynastie néo-babylonienne au VIIe siècle s’explique par la faiblesse du royaume. Certes quelques rois, comme Marduk-apaliddin II au VIIIe siècle, ont laissé des kudurru, mais nous ne connaissons à peu près rien de la ronde bosse, y compris durant le siècle de prospérité de la dynastie « chaldéenne » entre 625 et 539 qui connut un roi aussi prestigieux que Nabuchodonosor II.
Une tête en terre cuite de Nippur2 représente un dieu dont la paire de cornes repose directement sur les cheveux, finement ondulés, comme la longue barbe carrée. Le modelage est d’une bonne qualité et l’aspect est caractéristique du VIIIe siècle, mais en Assyrie.
Une très belle tête masculine en terre3, probablement divine, provient d’une tombe de Babylone, située près du temple néo-babylonien de Ninurta. Malgré sa mutilation, elle témoigne encore de la finesse du modelé des joues et de la bouche encadrée par la moustache ; une longue barbe bouclée couvre les joues et tombe sous le menton en mèches terminées par un rang, puis deux rangs de boucles. Les cheveux, recouverts d’un tissu, contournent les oreilles et sont réunis en chignon sur la nuque. La cassure du haut de la tête montre l’amorce d’une tiare ovoïde. À cause de la forme du buste, Koldewey pensait à un animal ailé androcéphale d’époque assyrienne, mais précisément les épaules brisées et la partie verticale du dos nous semble appartenir à une statuette d’homme debout. Les yeux globuleux sont entourés d’un bourrelet plat de forme ovale ; le nez a disparu. Cette tête ne diffère pas, sinon par sa belle qualité, des divinités en terre crue trouvées sous les fondations des temples néobabyloniens de Babylone4.
Une petite tête découverte à Babylone5, également dans une tombe, représente une femme aux joues pleines, aux cheveux ondulés, bouclés bas sur le front et tombant en arrondi sur la nuque, après avoir dégagé les oreilles au pavillon bien détaillé (Fig. 80). La frange sur le front est caractéristique de celle que portent les figurines féminines néo-babyloniennes en terre cuite, sur lesquelles, il est vrai, les cheveux sont longs et tombent sur les épaules6.
80. Babylone. Tête féminine. Ivoire.
Une statuette de femme nue en ivoire, trouvée à Nippur dans le remplissage de la plateforme du temple parthe d’Inanna, illustre bien l’élégance de l’époque néo-babylonienne, avec ses hanches minces et l’équilibre des proportions7 (Fig. 81). La statuette est cassée au-dessous des genoux, ainsi qu’à l’avant-bras droit et au bras gauche. Les mains sont croisées et les poignets sont cerclés de plusieurs bracelets. Le buste aux seins ronds est particulièrement bien modelé ; plusieurs colliers rigides enserrent le cou et un élément plus large orne en arrondi le haut de la poitrine. Les cheveux couvrent le front en frange et tombent ondulés sur les épaules, dégageant les oreilles. Le visage plein est proche de celui de la tête précédente. La figurine est de même conception que celle qui surmonte une épingle d’or trouvée à Ur dans une cachette de bijoux, découverte dans l’Énunmah sur un pavage de Nabuchodonosor8. La coiffure et l’attitude sont les mêmes, mais ici la femme porte une robe droite et unie jusqu’aux pieds. La localisation de la cachette indique le VIe siècle et confirme cette mode de cheveux en frange sur le front et tombant derrière les oreilles sur les épaules, à l’époque néo-babylonienne.
Assyrie
La sculpture assyrienne est exclusivement au service des monarques qui en font un instrument de leur gloire, mettant l’accent sur les récits de leurs exploits au long des reliefs de leurs palais et sur leurs stèles. Est-ce suivant la volonté des rois assyriens que leurs statues perdent toute qualité expressive et que les sculpteurs renoncent à exploiter les ressources du volume ? Une telle unité dans ce sens pourrait le laisser croire.
81. Nippur. Femme nue. Ivoire.
Il est certain qu’un grand nombre de statues a disparu, malgré l’énormité des formats qui sont souvent plus grands que nature. Ceci est surtout évident pour les représentations divines, très peu nombreuses. Or les annales des souverains y font souvent allusion, à l’occasion de leur enlèvement des temples, à titre de butin : Shamshi-Adad V (823-811), Sargon II (721-705), Sennacherib (704-681), Asarhaddon (680-669), Assurbanipal (668-627), font état des déportations des dieux des vaincus aussi bien que du retour de leurs dieux, enlevés au cours de raids ennemis. Pour l’ensemble de la statuaire néo-assyrienne en pierre, nous bénéficions de l’étude récente de Mme Strommenger, qui a réuni l’essentiel de la documentation pour chaque sculpture9.
Statues en pierre
1) Dieux
Les statues qui ont résisté au temps sont les plus grandes, celles qui ne pouvaient être déplacées, et ce sont généralement celles de dieux gardiens subalternes, dont la tiare ne s’ornait que d’un ou deux rangs de cornes. Ils se présentent debout, les mains jointes ou tenant un récipient. Par le hasard des découvertes, nous ne connaissons que des exemples étagés le long du VIIIe siècle av. J.-C.
Les fouilles de Nimrud ont permis de dégager six de ces dieux-gardiens dans le temple de Nabu où ils flanquaient par paires les passages menant au sanctuaire (Pl. 231). Deux d’entre eux portent sur leur robe unie une longue dédicace pour la vie d’Adadnirari (III : 810-783), pour celle de sa mère, Sammuramat, et pour celle du gouverneur de Kalah, Bêl-tarsi-iluma, qui fut éponyme en 797. Ces statues grandeur nature10 du début du VIIIe siècle se présentent sur une base carrée plate d’où s’élève le cylindre de la jupe, très légèrement évasée vers le bas et qui ne laisse passer que la partie antérieure des pieds, sans évidement. La taille est marquée par un important rétrécissement. Le buste aux épaules tombantes est couvert d’un tissu, également uni, à manches bordées au-dessus du coude par deux parallèles incisées. Les avant-bras sont charnus, ornés aux poignets d’un bracelet à grosse rosace sur le dessus du bras. La main droite, aux doigts étendus en oblique, est tenue dans la main gauche. La barbe taillée en carré tombe sur la poitrine, soigneusement bouclée sur deux rangs et en deux séries de mèches successives, sous les quatre rangs de boucles qui couvrent une grande partie du visage, complétée par une longue moustache aux extrémités enroulées. Les yeux sont allongés et bombés, les paupières sont nettes et les sourcils se rejoignent à la racine du nez. Les cheveux, ondulés bas sur le front, dégagent les oreilles et tombent en masse épaisse sur les épaules et en arrondi sur le haut du dos, bouclés sur plusieurs rangs en épaisseur. La tiare à un rang de cornes est ovoïde, bordée sur le front d’un étroit bandeau strié. Les deux autres paires de divinités portent une tiare cylindrique à un rang de cornes. Les uns, beaucoup plus grands que nature11, ont les mains jointes et portent sur la tunique à manches courtes le châle à haute frange laineuse, drapée sur l’épaule gauche et tombant verticalement sur le devant de la jambe droite ; les autres, dont l’un est décapité, portaient un casque à deux rangs de cornes et tenaient dans leurs mains un bassin de pierre rectangulaire12, comme les statues divines du palais provincial de Tiglat-Phalasar III (744-727) à Arslan Tash/Hadatu13. La seule des statues d’Arslan Tash qui soit intacte, au Musée d’Alep (Pl. 232), montre le dieu coiffé d’un casque ovoïde à un rang de cornes, peu différent de celui de la première paire de Nimrud, avec cependant l’adjonction au sommet d’un élément floral que l’on trouve également sur des tiares à trois rangs de cornes14. Alors que les porteurs de bassin de Nimrud étaient vêtus de la tunique unie à manches courtes tombant jusqu’à terre, la tunique à Arslan Tash s’arrête aux chevilles, bordée d’une frange. Par-dessus est porté une sorte de gilet à longues franges jusqu’aux hanches, qui couvre l’épaule gauche. Il s’agit en réalité d’une longue écharpe faite d’une étroite bande, peut-être en cuir, à laquelle est fixée une longue frange. La bande entoure d’abord la taille, comme ceinture, les franges couvrant les hanches ; ensuite elle remonte en biais sous le bras droit formant baudrier devant, couvrant l’épaule gauche et redescendant en oblique dans le dos jusqu’à la ceinture. Cet élément du costume assyrien, que nous appellerons « gilet à franges » par commodité, est porté durant le VIIIe siècle et le début du VIIe siècle15. Il y a dans ces sculptures massives, trapues, caractérisées par l’absence de cou et par une jupe à quatre arêtes arrondies plutôt que cylindrique, un aspect solennel et stéréotypé, maintes fois souligné, qui ne se dément pas sous le règne de Sargon II (721-705), avec les statues-supports du palais de Khorsabad/Dûr Sharrukîn, retrouvées de part et d’autre de passages des cours intérieures des temples de Shamash, de Sin et de Nabu16 (Pl. 233). Huit paires ont ainsi été découvertes dans les fouilles successives17. Tous les dieux tiennent un aryballe par le col et sous la panse, suivant la tradition millénaire (Cf. ci-dessus, p. 171)18 : du vase s’échappent quatre flots ondulés, gravés sur le vêtement uni à frange laineuse dans le bas : deux flots descendent par devant et deux remontent sur les épaules et coulent le long du dos, recouverts à la taille par une haute ceinture. La tiare cylindrique à deux rangs de cornes supporte une tablette carrée, évidée en carré au sommet, qui déborde sur les quatre côtés et dont le rôle n’a pas été élucidé. G. Laud proposait d’y voir le support d’un plat en or19. Mme Börker-Klähn, tenant compte d’évidements de formes différentes au sommet de la tablette, a proposé d’ajouter les symboles des dieux correspondant à chaque temple, c’est-à-dire le croissant de Sin ou le disque à rayons de Shamash20, solution ingénieuse et plausible. Nous nous demandons cependant si le rôle de ces statues encadrant les passages des sanctuaires n’était pas de servir de lampadaires en supportant une torche amovible que l’on pouvait aisément placer à hauteur d’homme. La taille des statues s’explique bien en effet si l’on avait besoin de changer facilement le récipient ou l’objet que portait la tablette21.
2) Souverains
a) Les rois
Alors que les dieux-gardiens qui nous sont connus sont tous échelonnés le long du VIIIe siècle, les statues royales inscrites sont celles de souverains du IXe siècle. La production de l’atelier royal dénote un art aulique destiné à marquer la force par un caractère immuable, par une fixité impressionnante, au détriment de l’expression. L’attitude, le vêtement, peuvent changer, l’aspect d’ensemble reste compact, statique, d’un seul bloc, symbolisant la puissance d’un empire centralisateur en expansion. C’est ce que révèlent ces hommes à l’épaisse chevelure tombant en arrondi sur les épaules, à la barbe et à la moustache finement calamistrées, au long châle à franges, plusieurs fois enroulé autour du corps, qui emprisonne l’épaule et le bras gauches, aux bras massifs collés au corps. Nul élan vers l’autre dans un essai de communication, mais au contraire une concentration ramenant à soi toute l’énergie dominatrice.
La statue d’Assurnasirpal II (883-859) dut certainement en grande partie à sa facture compacte d’être découverte intacte à Nimrud/Kalah par Layard au XIXe siècle22 (Pl. 234). Celui que Moortgat appelle « le vrai créateur de l’art assyrien »23, par son manque d’épaisseur contrastant avec la largeur des épaules, était destiné à être admiré de face, peut-être sous un dais. Il est évident qu’on ne faisait pas le tour de la statue, juchée sur un parallélépipède en pierre plus foncée, haut de 53 cm. La tunique à manches courtes est recouverte d’un châle frangé « plié presque en double », comme l’a défini Léon Heuzey24. La ceinture, dont l’usage s’est généralisé en Assyrie, est ici striée en biais, avec une extrémité en crochet arrondi remontant à droite devant. Le roi est nu-tête, les cheveux ondulés sur le haut du crâne ne prenant toute leur épaisseur bouclée que sur les épaules, où ils forment un mouvement arrondi. Le front est bas comme tout au long de la civilisation mésopotamienne ; les sourcils se rejoignent à la naissance du long nez droit ; les joues et le menton sont couverts de bouclettes soigneusement enroulées, puis deux autres rangs de trois bouclettes alternent avec les mèches ondulées tombant sur la poitrine ; la lèvre supérieure est masquée par une moustache aux extrémités enroulées vers le haut. De même que le roi ne porte pas de couvre-chef, il n’est pas non plus paré du collier à pendentifs que l’on voit sur les reliefs le représentant25. Par contre il porte au poignet droit un large bracelet à rosace centrale et son bras qui tombe le long du corps tient verticalement une faucille circulaire sur trois quarts de cercle, à manche plat incurvé vers l’arrière et terminé par une tête d’oiseau que l’on aperçoit sur le côté droit de la jupe. La lame est ornée sur l’extérieur d’un motif en forme d’aigrette, bien visible sur une plaque d’ivoire représentant le roi26. La main gauche, ramenée à la ceinture, tient par le haut le sceptre à pommeau rond, dont le bout s’orne d’un gland laineux que les rois arboreront jusqu’au VIIe siècle27. L’inscription de 8 lignes, gravée sur la poitrine, donne la généalogie du roi qui se vante d’avoir soumis sous ses pieds les pays du levant au couchant, aussi loin que la montagne du Liban et la « grande mer ».
De son successeur, Salmanasar III (858-824), nous connaissons quatre statues, plus ou moins fragmentaires, s’échelonnant le long de son règne et datées par les campagnes militaires : deux proviennent de Nimrud28 et deux, d’Assur29. Celle qui se rapproche le plus de celle de son père et qui est la mieux conservée est celle de la 20e année de règne, découverte au Fort-Salmanasar de Nimrud, vouée à Adad de Kurbaʿil30 (Pl. 235 a-b). De même taille, tête nue et vêtu de même façon, il en diffère par l’attitude des mains jointes l’une dans l’autre, avec le même type de bracelet à rosace centrale au poignet droit. La ceinture ici est unie. Le roi porte au cou un ruban entourant la barbe, auquel sont suspendus trois pendentifs gravés dans la pierre : le croissant de Sin, la tiare à cornes d’Assur et l’étoile d’Ishtar. Les extrémités du ruban sont visibles dans le dos, au-dessous des cheveux où ils convergent vers une perle qui forme un contrepoids continué par un gland également incisé dans la pierre. Des traces de peinture noire subsistaient sur les cheveux, la barbe et autour du collier. 41 lignes d’inscription sont gravées en deux séries sur le devant de la jupe, au-dessus et en dessous de la frange oblique médiane. Il en ressort que la statue se trouvait dans un temple d’Adad, soit à Nimrud, soit à Kurbaʿil, ville qui n’est pas encore localisée ; sa présence dans un magasin de Fort-Salmanasar indique qu’elle était en réparation après la cassure du côté droit de la jupe, peut-être alors que l’Assyrie s’était révoltée à la suite de la mort de Salmanasar31. Le récit des campagnes de la 18e à la 20e années a trait à la guerre contre Hazaël de Damas, contre la région du Mont Amanus et contre le roi de Qué en Cilicie. Peu de statues dégagent une impression aussi morne que celle-ci, avec son long nez et ses yeux bombés inexpressifs.
La statue d’Istanbul, dressée à Assur, est la seule qui ait été plus grande que nature32 ; malheureusement elle a été retrouvée en morceaux, très incomplets, et décapitée ; elle a été reconstituée d’après la statue d’Assurnasirpal II, ce qui lui confère un certain caractère d’inauthenticité33. L’attitude est la même que celle de son père, mais à la place de la faucille, il tient dans la main droite une harpe, analogue à celle que tiendra un siècle plus tard le héros de la porte de Khorsabad34. Le collier porte cinq pendentifs, les trois cités précédemment, auxquels s’ajoutent le soleil de Shamash et le foudre d’Adad. Dans la ceinture sont passés deux poignards dont les poignées sont seules visibles, à la mode assyrienne des IXe et VIIIe siècles35. Cette statue se dressait à la porte Tabira de la ville, comme mémorial de la reconstruction des remparts d’Assur par le roi, qui résume ses campagnes au-delà de l’Euphrate. Les morceaux d’une troisième statue ont été mis au jour fortuitement par un paysan de Nimrud en manœuvrant sa charrue36 (Pl. 236). Datée de la 30e ou 31e année de règne, elle a été restaurée au Musée de Bagdad avec un certain nombre d’inexactitudes comme l’a indiqué Mme Strommenger ; en particulier le ruban du collier n’a pas été reconnu devant et les fragments encore existant ont été faussement complétés jusqu’à la ceinture. Le roi se présente les mains jointes et, pour la première fois, coiffé de la tiare en tronc de cône surmontée d’une petite pointe, couronne des rois assyriens que le roi Assurbanipal portera à sa plus grande hauteur. Elle est fixée ici sur le front par un bandeau plat, orné d’une rosace sur le front et au-dessus des oreilles ; du dos de la tiare s’échappent deux rubans qui tombent de la masse des cheveux sur les omoplates, de part et d’autre du contrepoids du collier. C’est aussi le seul cas où les orbites sont creusées pour une incrustation, aujourd’hui disparue, suivant la tradition millénaire. La très longue inscription de plus de 200 lignes couvrait une grande partie du vêtement, devant et derrière ; elle relate les campagnes depuis la 1ère jusqu’à la 24e année de règne.
La seule statue assise du monarque est aussi la plus ancienne, puisqu’elle date de la 9e année du règne (Pl. 237). Trouvée décapitée à Assur par Layard en 184737, elle frappe par son caractère massif et par la simplicité du costume : une tunique unie, à manches courtes, terminée au bas de la jupe par une frange à glands, laisse dépasser la moitié des pieds ; la forme de la jupe est cubique, le devant et les côtés se joignant à angle droit. Une ceinture exceptionnellement haute, bordée en haut et en bas d’une lisière incisée, est également décorée de trois étroites bandes horizontales incisées38. Le siège est un simple cube sur le pourtour duquel est gravée l’inscription ; une haute marche a été placée sous les pieds. Les avant-bras sont cassés, mais l’arrachement de la pierre, au moins du côté gauche, montre que la main reposait sur le genou. La barbe et le bas des cheveux sont très érodés et une fois de plus, le basalte a imposé une facture par grandes masses.
Un grand buste en basalte d’Assur figure un homme barbu, nu-tête, vêtu du châle, les mains jointes ; son aspect, quoique fruste, rappelle les statues royales du IXe siècle39.
Une statuette en ambre et or, entrée au Musée des Beaux-Arts de Boston en 1931, continue à susciter des commentaires40. Son aspect général est très proche de la statue d’Assurnasirpal II, à l’exception du geste des mains l’une dans l’autre, les doigts de la main droite descendant en oblique. Ainsi que l’a noté Mme Strommenger, ce geste est le même que celui des dieux-gardiens de Nimrud (ci-dessus, p. 361, n. 10). Une particularité importante est le plastron en or cloisonné pour recevoir des incrustations, présentant trois rangées de trois rosaces à huit pétales en relief, chacune enclose dans un carré, séparées par deux séries de chevrons en direction inversée41.
Les franges du châle, en très faible relief, sont traitées en languettes qui rappellent la facture des anciens kaunakès. La frange du bas de la tunique est faite de glands comme sur la statue assise de Salmanasar. Mme Strommenger, après André Parrot42, a émis des doutes sur l’authenticité de la statue qu’elle considère comme la retaille moderne d’une statuette en mauvais état, du fait de l’interprétation erronée du châle qui couvre les deux épaules au lieu d’une, bloquant ainsi les deux bras. Un autre détail défavorable apparaît à l’examen : les rangées de bouclettes de la barbe sous la lèvre inférieure ne s’inversent pas juste au milieu, comme c’est toujours le cas, mais légèrement décalées vers la droite. La question des matières utilisées pose également des problèmes que des examens de laboratoires dans le passé n’ont pas résolus. Le socle en bois est insolite et son état de conservation assez improbable. La statue donne l’impression d’avoir été moulée en deux parties : une « couture » est visible sur le côté droit, depuis le sommet de la tête, derrière l’oreille, le long du bras et jusqu’au bas de la robe, se dirigeant vers l’arrière ; moins visible sur le côté gauche, on la décèle cependant sur la jupe. La statue ne serait donc pas en ambre, mais en pâte d’ambre. L’or du plastron par contre semble de bon aloi. Le plus étrange est encore le manque d’inscription, tout à fait improbable pour une statue royale assyrienne. Même si nous n’en connaissons aucun exemple du VIIIe et du VIIe siècles, il est peu vraisemblable que les rois de cette époque aient commandé une petite effigie anonyme et il est d’autre part improbable qu’un plastron d’or soit l’apanage d’un personnage non royal43.
Tout à fait à part est une tête mise au rebut, avant d’être achevée, dans le palais de Sargon à Khorsabad où elle a été découverte dans le remplissage, derrière un relief44, ce qui la date du dernier quart du VIIIe siècle, lors de la construction de la ville de Dûr Sharrukîn (Pl. 238). Il semble qu’un morceau de pierre étroit ait été utilisé, car le visage est anormalement mince, et si le côté gauche n’a pas été sculpté, c’est peut-être parce que l’artiste s’est aperçu qu’il lui manquait une certaine largeur. Ni la longue barbe carrée, ni les cheveux n’ont été détaillés et l’œil n’est qu’ébauché. Comme l’a souligné Frankfort, cette tête est étonnamment vivante et contraste avec le caractère morne et figé de la sculpture officielle. L’archéologue imaginait qu’un sculpteur l’avait ébauchée pour faire diversion avec l’art royal de commande. Quel que soit le motif qui ait poussé l’auteur, nous ne pouvons que regretter qu’il n’ait pas mené à bien une ébauche aussi prometteuse.
b) Les reines ou princesses.
Les représentations féminines néo-assyriennes sont peu fréquentes et le sexe des personnages imberbes est difficile à préciser parfois sur les bas-reliefs. Nous connaissons au moins les profils de deux reines du VIIe siècle, celui de Naqi’a, mère d’Asarhaddon, sur un relief de bronze inscrit du Louvre45 et celui d’Assursharrat, femme d’Assurpanipal, sur une stèle d’Assur46 et sur la scène du repas sous la treille de Ninive47. Ces reines sont coiffées d’un bandeau tourrelé ; leurs cheveux tombent en boucles sur les épaules comme chez les hommes et, pour cette raison l’identification est malaisée lorsqu’il s’agit de simples particuliers. Sur les reliefs de Ninive, les femmes élamites emmenées en captivité, identifiables par les enfants qui les accompagnent, sont coiffées comme les hommes, mais portent les jupes jusqu’aux pieds, alors que les guerriers barbus ont une tunique aux genoux48. Les serviteurs imberbes qui apportent les mets ou agitent le chasse-mouche derrière Assurbanipal et son épouse sous la treille, ainsi que les musiciens, paraissent féminins par le port de colliers à plusieurs rangs, par les cheveux bouclés serrés par un bandeau rond et la longue tunique terminée par une frange, mais ils sont généralement considérés comme des eunuques et il est difficile de trancher.
Une grande tête de Ninive au British Museum est presque certainement féminine avec son bandeau légèrement bombé, passant au-dessus des oreilles, ses cheveux bouclés dans le cou, son visage rond aux joues pleines49. Elle appartient vraisemblablement à l’époque d’Assurbanipal.
Une autre grande tête du British Museum nous semble tout aussi féminine avec son épais bandeau rond laissant dépasser les cheveux en festons sur le front50 ; le visage est rond, les joues pleines, le menton volontaire et gras ; les yeux aux paupières bien ourlées ont une grande pupille très légèrement évidée, tandis que les sourcils se rejoignent à la naissance du nez qui a été très profondément creusé, de sorte que l’on peut se demander si l’orifice quadrangulaire ne dénote pas une réparation antique, comme cela se pratiquait déjà au IIIe millénaire (Cf. ci-dessus, p. 130). La bouche est fine et sinueuse et la ressemblance est grande avec une petite tête d’Assur, non stratifiée51, qui ne porte pas de bandeau et dont le visage est envahi de graisse, comme l’a déjà souligné G.R. Meyer52.
82. Assur. Femme debout. Marbre.
Ces têtes ressemblent beaucoup à celle de la seule statue assyrienne incontestablement féminine, trouvée fortuitement à Assur il y a peu d’années53 (Fig. 82). Malgré les réserves de Mme Strommenger, l’ampleur des seins sous la longue robe unie ne nous semble souffrir aucune hésitation, de même que la forme pleine du visage, d’ailleurs très abîmé. Le bandeau légèrement bombé serre les cheveux ondulés qui tombent en cinq rangées de boucles sur les épaules et portent encore des traces de peinture noire ; les yeux étaient incrustés de matière blanche, encore visible. Les mains sont jointes, la droite soutenant la gauche. Les orteils sortent du bas de la jupe, tombant jusqu’au socle ovale, comme une colonne légèrement aplatie de profil. L’austérité de la robe à manches courtes est seulement atténuée par une épaisse ceinture décorée de lignes ondulées, dont l’extrémité formant boucle sort par en dessous sur le devant gauche de la jupe. Aucun bijou n’est porté. Malgré la différence du bandeau uni et non tourrelé, il y a une analogie certaine avec la reine Naqi’a ou l’épouse d’Assurbanipal (n. 45-47) et la fin du VIIIe ou le VIIe siècle semble probable pour ces portraits de femme, auxquels il convient peut-être d’ajouter, mais avec plus d’hésitation une statue imberbe, trouvée complète en deux morceaux par Loftus à Nimrud, en 1854, et dont il n’existe plus que le long buste au Musée de Bagdad54. Dans une lettre à Rawlinson, citée par Gadd, Loftus l’a décrite comme « une figure d’eunuque grandeur nature ». La taille de la pierre par grandes masses confère l’aspect inachevé d’une ébauche. Le visage est empâté, les cheveux tombent sur les épaules sans aucun détail et sans bandeau ; l’emplacement des oreilles n’est marqué que par une saillie. La poitrine est légèrement bombée et les épaules sont massives, sans que les bras soient indiqués jusqu’aux coudes. Les mains jointes forment une masse plongeante qui indique le geste de la main droite aux doigts obliques, mais sans aucun détail ; l’analogie du geste avec celui des dieuxgardiens du temple de Nabu du début du VIIIe siècle (ci-dessus, p. 361) peut donner une indication chronologique, à défaut d’identification.
Le sexe d’un masque colossal imberbe, avec des cheveux ondulés en festons sur le front bas, est également difficile à déterminer55 (Pl. 239). De provenance inconnue56, il fut ramené par Layard en 1851. La facture est analogue à celle des taureaux ailés de Khorsabad pour le nez à deux arêtes, les paupières en relief plat, les sourcils en relief qui se rejoignent en V à la racine du nez, les cheveux en feston, la bouche au dessin ferme, ce qui pourrait indiquer le VIIIe siècle ; mais il faut noter le menton volontaire, exprimé par une saillie de la pierre ovale et arrondie qui donne l’impression d’un bas de visage adipeux, accentué par un pli de chair sous le menton. Un léger bourrelet sous les yeux contribue également à suggérer le portrait d’une femme âgée aux traits empâtés et l’on pourrait songer à une reine comme Sammuramat, la mère d’Adad-Nirari III (810-783), qui exerça la régence et passa à la postérité sous le nom de Sémiramis par le truchement des Grecs. En ce cas, le fragment pourrait venir de Nimrud, où Layard avait cru primitivement retrouver Ninive57.
Statues en bronze
L’art du bronze en Assyrie est magistralement illustré par les portes dites de Balawat58, mais il faut reconnaître que les exemples en ronde bosse d’époque ou d’influence néo-assyriennes, à quelques infimes exceptions près, n’ont pas été trouvées en territoire géographique assyrien, mais sur le pourtour, au nord, à l’est ou à l’ouest. La dissémination des bronzes s’explique par leur petite taille, à travers des territoires de plus en plus largement dominés par la puissance assyrienne, au VIIIe et au VIIe siècles. L’extension grandissante de l’empire, de la Perse à la Méditerranée et de l’Asie Mineure à l’Égypte, a permis un extraordinaire brassage des courants durant ces deux siècles, sans que les lieux de fonte puissent être déterminés avec certitude. Tout au plus peut-on poser le problème et indiquer les raisons qui militent en faveur de telle ou telle origine : des objets de métal, fondus en Syrie ou au Luristan par des artistes imprégnés de culture assyrienne, sont-ils des objets assyriens ou périphériques ? Il y a là une question de terminologie extrêmement délicate. Même les quelques statues inscrites sont sources de contradiction, et en premier lieu la statue décapitée et privée de ses bras qu’un scribe d’Ishtar d’Arbèles, Shamshi-Bêl, voua pour la vie d’Assurdan « son roi »59 (Pl. 240 a-b). La première difficulté vient de ce qu’elle n’a pas été trouvée dans son lieu d’origine, mais dans la région du lac d’Urmia où elle avait probablement été emportée en butin ; la seconde difficulté vient de ce que trois rois assyriens du nom d’Assurdan ont régné respectivement au XIIe, au Xe et au VIIIe siècles et chacun d’eux a trouvé des défenseurs d’attribution auprès des orientalistes60. Il s’agit d’une statue en forme de colonne cylindrique aplatie, sans pieds, d’un homme en longue tunique à manches courtes61, largement échancrée sur les épaules. Par-dessus est jeté un châle uni à très courte frange bouclée62, dont un angle est rabattu dans le dos sous une étroite ceinture ; dans cette ceinture est passé, en oblique par devant, un glaive dont seule la poignée est visible, à la manière des IXe-VIIIe siècles (ci-dessus, n. 35). Deux bretelles obliques convergent vers la ceinture au milieu du dos. Les 12 lignes d’inscription couvrent une grande partie du devant de la jupe. Trois trous carrés devant, sur la poitrine, sur l’inscription et vers le bas de la jupe, ont probablement servi à fixer les attributs ou les armes tenues dans les mains. Les bras étaient détachés du corps et se présentaient en avant. La cassure du cou permet de conclure que l’homme, s’il était barbu, ne portait qu’une barbe très courte et qu’il n’avait pas les cheveux longs. L’originalité du costume ne facilite pas la détermination chronologique. Un argument négatif peut cependant être invoqué : il n’y a aucune évidence au IIe millénaire du temple d’Ishtar d’Arbèles, l’Égashankalamma, mentionné à la 2e ligne ; celui-ci n’est pas attesté dans les textes avant les réfections qu’en firent au VIIe siècle Asarhaddon et Assurbanipal63.
Une statuette de la région du Pusht-è Kuh, en Luristan occidental, appelle la comparaison, par son aspect cylindrique aplati, ses bras écartés64 (Pl. 241). La tête en forme de poire, au crâne rasé, est caricaturale avec ses grands yeux ronds, son long nez, sa barbiche courte, l’absence d’oreilles et la toute petite couronne striée, autrefois recouverte d’argent, que l’on voit également sur la tête d’une idole tubulaire de la collection David Weill65. Le vêtement consiste en une jupe unie, recouverte d’une tunique courte terminée sur les hanches par un bourrelet d’où tombent de minces pendeloques de place en place. Le bas de la jupe et le décolleté en pointe sont bordés d’une bande cloutée qui se croise sur la poitrine et dans le dos, formant un baudrier dans lequel est fixé un carquois sur les omoplates. Une longue épée à pommeau en croissant et cerclé, est passée dans une haute ceinture à multiples liens66. Une inscription de 5 lignes cunéiformes, d’époque néo-babylonienne, indique que, vouée au dieu de la ville d’Iltirgazi, la statuette avait été emportée dans la ville de Burnakku d’où un certain Marduk-sharrani, gouverneur du pays de Shemaish, l’a ramenée. Il est donc vraisemblable que l’inscription est plus récente que la statue, ajoutée après son transfert, et la date de l’objet peut remonter au VIIe ou au VIIIe siècle.
Pour tous les arguments invoqués, aussi ténus soient-ils, il semble que le bronze d’Assurdan puisse être une œuvre du VIIIe siècle et donc représenter le troisième roi de ce nom.
Les figurines de bronze du génie Pazuzu, démon du vent du sud-ouest typiquement assyrien, ont rarement été trouvées in situ, et les plus beaux exemplaires ont été acquis en Égypte, à Alexandrie. C’est le cas de celui du Louvre67 (Pl. 242), gravé de 10 lignes cunéiformes dans le dos qui expriment son action malfaisante. Il est debout sur un socle plat, la maigreur du corps nu accusant les côtes, la tête monstrueuse à gueule de lion, mais oreilles humaines, surmontée d’une bélière. Tout le torse est adossé à un réseau d’ailes, deux encadrant la tête et deux retombant, contre lesquelles sont sculptés le bras droit levé et le gauche baissé. Les cinq doigts sont des griffes et les jambes se terminent en serres d’aigle. Une queue de scorpion forme une boucle dans le dos. Un exemplaire analogue, plus sommaire et plus petit, la tête surmontée d’un disque plat, a été acheté comme provenant de Warka68, alors qu’une statuette de l’Ashmolean Museum provient du delta égyptien69. Son aspect général est le même, mais sa bouche forme un véritable groin et ses bras, dégagés des ailes moins grandes et placées plus bas, sont tous deux levés latéralement. Comme les autres représentations, celle-ci est ithyphallique. Fait curieux, ce Pazuzu est inscrit de 2 lignes, à droite et à gauche, en araméen ou en phénicien, inscription d’ailleurs très corrodée et peu lisible, qui indique qu’il était la propriété d’un Phénicien résidant en Égypte, nouvel exemple de cette diffusion de l’art assyrien sur tout le Proche-Orient70.
La confirmation en est encore apportée par l’ensemble des bronzes assyriens. Il est paradoxal de constater que le plus grand groupe de bronzes dits assyriens a été découvert dans le temple d’Héra à Samos, face à la côte occidentale d’Asie Mineure. En réalité, s’ils sont bien d’époque néo-assyrienne, comme le confirme le matériel de l’Heraion, dont la construction date du VIIIe siècle av. J.-C. et dont les dépôts s’étendent du milieu du VIIIe siècle au milieu du VIIe siècle71, ces bronzes semblent plus périphériques que réellement assyriens. Ils sont caractérisés par un long vêtement collant, une taille fine marquée par une ceinture, des bras décollés vers l’avant, la main droite parfois ouverte en signe de prière, de longs cheveux sur les épaules, mais pas en épaisses rangées de boucles comme sur les reliefs assyriens des VIIIe/VIIe siècles.
Un homme barbu, aux longs cheveux striés d’avant en arrière maintenus par un ruban, porte cette tunique unie à manches courtes, qui laisse seulement dépasser le bout des pieds72 (Fig. 83). Par les cheveux et la barbe, il ressemble à un homme demiagenouillé, tenant de ses deux mains sur sa poitrine le vase aux eaux fertilisantes, trouvé dans le palais du gouverneur à Tell Taynat, en Syrie du Nord73 (Fig. 84). Ce palais provincial date de Tiglat-Phalasar III (744-727), il est donc contemporain de l’Heraion.
Une autre statuette de Samos74 représente un homme jeune imberbe, aux cheveux ondés tombant sur les épaules, qui présente les deux mains, la droite fermée, la gauche paume ouverte vers le haut. Son costume est très riche, traité en incisions : une jupe brodée de carrés emboîtés, puis, dans le bas d’une frise de zigzags prolongée par une frange qui laisse passer le bout des pieds, est recouverte sur les hanches par le « gilet frangé » serré par une ceinture, recouvrant en oblique l’épaule gauche, que nous avons signalé à propos des dieux-gardiens du palais d’Arslan Tash (ci-dessus, p. 362, n. 15). Ce costume permet de réunir deux petits bronzes de provenance inconnue, conservés au Rijksmuseum van Oudheden de Leyde et au British Museum.
83. Samos. Orant en bronze.
84. Tell Taynat. Porteur de vase à demi agenouillé. Bronze.
Le premier de ces bronzes est celui d’un homme barbu, les cheveux sur les épaules75, tenus par un ruban d’une oreille à l’autre sur la nuque. Les deux mains sont cassées, mais les bras étaient tendus en avant. Le gilet à franges serré par la ceinture et formant baudrier sur l’épaule gauche est bien visible sur la tunique droite à manches courtes. Comme sous la statue précédente de Samos, un fort tenon part sous les pieds, tandis que la taille horizontale du haut du crâne suggère à Mme Börker-Klähn qui l’a publiée que l’objet faisait partie d’un ensemble. Peut-être faut-il plutôt envisager une malfaçon de la fonte.
Le bronze du British Museum76, qui se présente de façon très proche pour le costume et l’attitude — mais sans tenon sous les pieds — porte une barbe plus courte et sur ses cheveux longs est posée une tiare cylindrique percée latéralement de deux trous qui laissent supposer une paire de cornes. Le baudrier est bien marqué et l’on aperçoit les bandes verticales de la frange du gilet sous la ceinture. L’aspect de ce qui doit être un dieu est très proche des génies ailés faisant l’aspersion de l’arbre sacré, peints sur un mur du palais ourartéen d’Altintépé, près d’Erzincan en Turquie orientale77 : le génie de profil, imberbe il est vrai, y porte une tiare cylindrique rouge, avec une corne latérale remontant vers l’avant ; ses cheveux noirs tombent derrière l’oreille dans le cou et jusqu’aux épaules ; la robe rouge à frange blanche dans le bas est recouverte du gilet à frange blanche sur les hanches et formant baudrier sur le devant. Le palais provincial d’Altintépé a été daté de la première moitié du VIIe siècle av. J.-C., ce qui situe avec probabilité les trois bronzes précédents78.
Deux divinités barbues de Samos ont toujours le même geste des bras, main droite ouverte, poing gauche fermé : l’une, très corrodée, portait la tiare cylindrique79 ; l’autre est beaucoup plus étrange, avec des yeux en relief en « grain de café », une bouche à grosses lèvres entr’ouvertes, une longue barbe en trapèze80. La coiffe en cône tronqué est surmontée d’un rang de cornes pointées vers le haut ; la taille et les hanches sont exceptionnellement minces. U. Jantzen a réfuté le caractère nordsyrien de ce bronze que les premiers éditeurs lui attribuaient81, mais nous pensons avec P. Amiet82 qu’il ne peut s’agir que d’une œuvre « provinciale », soit de l’ouest, soit du nord de l’Assyrie proprement dite.
La plus connue de ces statuettes ne diffère guère par le geste de la main droite ouverte et du poing gauche fermé sur un manche disparu, tenu verticalement83 (Pl. 243). L’homme porte le vêtement uni, très serré à la taille par une ceinture et terminé dans le bas par une frange laineuse qui s’arrête au-dessus des pieds légèrement écartés. Le décolleté arrondi marque peut-être l’emplacement d’un collier incrusté, car dans le dos, au-dessous de la masse de cheveux répandus sur les épaules, est marqué par de profondes entailles convergentes l’équivalent du contrepoids des statues royales assyriennes (ci-dessus, p. 365). Le visage est imberbe, le nez droit, les yeux allongés, les joues pleines ; une coiffe cylindrique, couronnée par une bordure incisée verticalement, est ornée d’une paire de cornes en relief, partant des côtés et remontant parallèlement devant ; la bordure incisée doit représenter les plumes qui couronnent la tiare des taureaux androcéphales de Khorsabad84 et surtout des sphinx ailés ourartéens85. En fait, cette statuette a été considérée comme ourartéenne par U. Jantzen et par Mme Börker-Klähn et l’argument le plus fort qui ait été invoqué est l’absence de barbe, incompatible avec le caractère divin chez les Assyriens, Mais il n’est pas non plus exact de dire que cette absence est caractéristique des dieux ourartéens86, car une statuette de Van, au British Museum, représente un dieu barbu (ci-dessous, p. 382, n. 105). Un certain nombre de caractères généraux se retrouvent sur ces bronzes d’influence assyrienne des VIIIe/VIIe siècles — avec des détails certes différents et provinciaux. Il semble prématuré d’attribuer les uns et les autres à telle ou telle école et surtout de les opposer les uns aux autres87. Les confrontations permettent au contraire de constater l’étonnante emprise de l’Assyrie sur tous les territoires orientaux au Ier millénaire, ce qui n’a rien de surprenant lorsque l’on considère l’expansion de l’empire à partir du IXe siècle. Un examen de la carte des pays conquis, au moment du règne d’Assurbanipal en plein VIIe siècle est révélateur à cet égard88. Comme l’avait souligné Henri Frankfort89, la constatation se vérifie particulièrement pour l’Urartu qui, dès le moment où il s’unifia, au IXe siècle, subit l’influence assyrienne, dans le temps où il fut soumis aux assauts des rois successifs, depuis Salmanasar III.
Avant de passer au pays d’Urartu, il faut dire un mot de l’ivoire en Assyrie. Alors qu’il y fut si prisé comme élément décoratif, il n’a laissé pour ainsi dire aucun objet en ronde bosse proprement mésopotamien. Encore peut-on remarquer avec M. Mallowan qu’une figurine de Nimrud d’une femme nue soutenant ses seins90 est beaucoup plus babylonienne qu’assyrienne, par comparaison avec les figurines de terre cuite, et il cite trois figurines en pâte de verre de Babylone, ayant servi de pieds à un récipient91. Malgré un certain allongement du buste, les proportions sont bonnes et le modelé sobrement rendu. Les cheveux bouffant sur la nuque encadrent le visage et malgré la différence de geste, il y a une parenté avec la très belle figurine néobabylonienne en ivoire de Nippur (ci-dessus, p. 358 s ; Fig. 81).
Urartu
Le royaume d’Urartu a été formé de la réunion de petites communautés situées dans les montagnes autour du lac de Van, à l’ouest du lac d’Urmia et au nord d’Erzerum92. Sa prospérité a grandi sous les règnes d’Argishti I, Sarduri II et Rusa I (environ 785-714), mais son expansion à l’est, et à l’ouest en Haute Syrie, devint une menace pour l’Assyrie et Sargon résolut d’en finir avec cet encombrant voisin. Un affrontement entre son armée et celle de Rusa I, à l’est du lac d’Urmia, permit au roi d’Assyrie de se ruer sur la ville de Muṣaṣir qu’il pilla et incendia en 714, comme il l’a rapporté dans une lettre aux dieux d’Assur93, tandis qu’il faisait représenter l’exploit sur les murs de son palais de Dûr-Sharrukîn/Khorsabad94. C’est ainsi que l’on voit les soldats assyriens s’acharner à coups de hache sur une grande statue couchée à terre et dont les bras coudés en avant gisent à côté, déjà arrachés95. Les statues emportées en butin ne nous sont plus connues que par les descriptions du pillage96 : 4 statues en bronze de dieux-gardiens des portes ; 3 statues royales : Sarduri (II : 760-730) en prière, Argishti (I : vers 780-760) bénissant de la main droite et coiffé de la tiare divine étoilée, dressé sur un socle de cuivre, Rusa (1 : 730-714) avec ses deux chevaux et son conducteur de char ; 1 statue de taureau et une vache et son veau en bronze. Ce dernier monument apparaît sur le relief du temple de Muṣaṣir, ainsi que deux gardiens de l’entrée, debout, levant le bras droit en geste d’accueil de part et d’autre de la porte97. Ces statues royales n’auraient donc pu être retrouvées qu’en Assyrie, mais il est probable qu’elles ont été fondues pour récupérer le métal au cours des temps.
Statues en pierre
Une statue debout, fragmentaire, en basalte, grandeur nature, est aujourd’hui conservée au Musée géorgien de Tiflis98. Le buste a été découvert décapité en 1898 lors des fouilles allemandes à Toprakkale et un fragment de la partie inférieure a été projeté lors d’une explosion ; les pieds manquent. L’homme portait les cheveux répandus sur les épaules et une barbe en pointe. Les bras sont pliés sur la poitrine, la main droite tenant un objet fourchu, généralement identifié avec un fouet, la main gauche saisissant probablement un arc. Une longue épée dans un fourreau à trois nervures verticales est suspendue à une ceinture sur le côté gauche. Tous ces détails sont en faible relief et l’œuvre manque de volume, mais son état fruste ne permet guère de porter un jugement. Il s’agit pourtant de vraie ronde bosse, alors que les deux « statues » masculines découvertes à Mudjesir, dans la province de Rowanduz, tout au nord de l’Irak, sont des sortes de menhirs sculptés grossièrement99, mais d’un grand intérêt iconographique, car il est au moins certain que ces monuments ont été sculptés sur place par des artisans locaux.
Il s’agit de deux énormes blocs fusiformes dont la tête est à peine dégagée. Les hommes portent une barbe trapézoïdale et les cheveux sur la nuque, séparés des épaules par une encoche. Les yeux, les sourcils, le nez, se détachent en relief par évidement de la pierre tout autour. La statue I a un couvre-chef conique ; le corps est tout d’une pièce, divisé aux deux-tiers vers le bas par une haute ceinture en relief. Les avant-bras sont suggérés, le droit remontant sur la poitrine, le gauche tombant parallèlement au-dessus de la ceinture. La statue II, mieux proportionnée, a le bras gauche qui pend devant, légèrement fléchi, paume ouverte, tandis que la main droite tient au milieu de la ceinture une hache à long manche et deux lames triangulaires opposées, portée la tête en bas. La maladresse d’exécution de ces stèles n’est pas forcément un titre d’ancienneté. M. Boehmer les considère comme des représentations de princes et propose de les dater de la fin du IXe ou du début du VIIIe siècle, ce qui peut convenir aussi à la statue en basalte du Musée de Tiflis.
À cette région doit appartenir également, si elle est authentique, une statue en ambre d’un dieu barbu debout, particulièrement massive de proportion100. L’homme aux cheveux en masse épaisse sur les épaules est coiffé d’une tiare ovoïde à un rang de cornes en léger relief. La barbe rectangulaire, striée verticalement, est coupée vers le bas par une bande horizontale qui se retrouve à la base. Les épaules sont rondes et forment une masse compacte avec la tête. Les mains sont jointes, alors que les exemples précédents montraient les mains dissociées. La jupe moulante ne laisse passer que le bout des pieds ; le tissu est décoré de rangées de carrés emboîtés autour d’une rosace, caractéristique du costume ourartéen et que l’on retrouve sur la plupart des statuettes en bronze. Des doutes ont déjà été émis sur l’ancienneté de l’objet101 ; il est difficile d’émettre un avis définitif sans avoir eu la statuette en main, pourtant la matière rend à mes yeux l’œuvre suspecte, car elle pourrait être de même fabrication que la statuette en ambre de facture assyrienne (ci-dessus, p. 367, n. 40).
Statues en bronze
La métallurgie du bronze a été une des spécialités de l’Urartu, comme en témoignent les grands chaudrons décorés de bustes humains ou de têtes de taureaux, ainsi que les équipements guerriers tels que casques ou boucliers.
Un dieu armé debout est l’une des rares statues qui ait été trouvée lors de fouilles régulières, à Karmir Blur/Teishebaini, en 1941102. L’homme a une figure ronde, imberbe, coiffée d’une tiare cylindrique à un rang de cornes, posée sur les cheveux tombant dans le cou. Il porte une tunique droite à manches courtes, décorée des motifs en carré, ornée d’une frange dans le bas qui s’arrête à la hauteur des chevilles ; elle est recouverte de l’écharpe ou « gilet à franges » des Assyriens qui couvre les hanches et part en oblique sur l’épaule gauche (ci-dessus, p. 362 & 375), mais ici les fils de la frange sont ondulés. Le bras droit tombe le long du corps et la main tient l’extrémité d’une masse d’armes qui tombe en biais sur le devant de la jupe ; le bras gauche replié tient sur la poitrine par le milieu du manche une hache à talon rectangulaire dans le prolongement de la lame, tête en haut. Un anneau entoure chaque poignet. D’une part les deux pieds reposent sur une sorte de chapiteau circulaire, décoré d’oves et prolongé par un fort tenon en fer ; d’autre part la tiare du dieu est elle-même « coiffée » d’un cylindre décoré de trois rangées de zigzags superposées, surmonté d’une grosse bélière cannelée d’avant en arrière, dont B. Piotrovskii a remarqué qu’elle ne portait aucune trace d’usure. Ce dieu guerrier était fixé sur un socle ou faisait partie d’un ensemble ; son rôle est tout aussi inconnu que celui d’un monument analogue, quoi que plus petit, acquis par le Louvre en 1913 comme provenant des fouilles de Botta et resté jusque-là dans une famille de la région de Mossul103 (Pl. 244). Il s’agit d’un dieu de type assyrien, à longue barbe rectangulaire divisée en trois rangs striés verticalement. Les cheveux sont massés sur les épaules et la haute tiare cylindrique flanquée d’un rang de cornes est légèrement évasée vers le haut, dominée par une grosse bélière unie, d’avant en arrière. Le costume est une tunique courte, recouverte d’un manteau qui s’ouvre sur la jambe droite, comme on le voit sur maints reliefs du palais de Sargon à Khorsabad104, serré par une ceinture d’où part une large bretelle en oblique sur l’épaule gauche et rejoignant la ceinture en oblique dans le dos. Ce vêtement de dessus est strié verticalement devant et il semble bien qu’il soit dérivé du « gilet frangé ». Le bras droit est collé le long du corps, le gauche est plié en avant, le poing fermé ; il est probable qu’il tenait verticalement une arme qui a disparu. Comme la statue de Karmir Blur, celle-ci repose sur un chapiteau circulaire décoré d’oves sous lequel part un haut et fort tenon triangulaire. Par l’attitude et la destination, ces deux dieux sont des exemples parallèles de deux cultures différentes qui se sont compénétrées et qui doivent correspondre à la seconde moitié du VIIIe siècle.
Un autre dieu ourartéen, acquis à Van en 1874105, se présente les bras en avant, vêtu d’une longue tunique droite unie, à manches courtes, serrée par une haute ceinture affinant la taille (Pl. 245). Il porte une longue barbe rectangulaire et des moustaches à extrémités enroulées vers le haut qui trahissent l’influence assyrienne et ses cheveux sont répandus en ondes sur les épaules. Son casque conique, à un rang de cornes, de type assyrien, est également porté par les Ourartéens au VIIIe siècle av. J.-C.106
À cette époque doivent appartenir également les bronzes de Toprakkale, près de Van, dispersés dans diverses collections autour des années 1880 et qui décoraient des meubles du temple de Haldi à Rusa ḫinili, comme l’ont démontré les travaux menés, indépendamment l’un de l’autre, par B. Piotrovskii et Richard Barnett107. Les sculptures représentaient principalement des sphinx ailés et des dieux debout sur des bêtes composites cornues. La grande originalité réside dans les visages humains taillés dans une pierre blanche et incrustés dans le bronze qui portait encore des traces de revêtement d’or.
Parmi ces bronzes se trouvait une statue d’homme debout, de plus grande dimension108, dont il est moins certain qu’elle ait appartenu à la décoration d’un meuble, bien qu’il y ait un trou dans l’avant-bras droit et dans le bas de la tunique pour une fixation (Pl. 246). Les pieds manquent, ainsi que le haut de la tête, cassée au-dessus du masque de pierre blanche qui a lui-même perdu les incrustations des yeux et des sourcils ; le nez est droit, la bouche fine et le menton rond et fort. Les cheveux qui encadrent le visage sont massés en trois rangs de boucles sur les épaules et la nuque. Le vêtement est la tunique frangée à manches courtes, recouverte du « gilet à franges ». Le bras droit tombe le long du corps, paré d’un anneau au poignet ; la main tient horizontalement le manche d’un éventail en forme de palmette109. Sur l’épaule gauche, par-dessus le baudrier du gilet, est jetée une étroite bande plate qu’il tient dans son poing sur la poitrine et qui tombe ensuite sur le devant de la jupe, évidée à mi-hauteur pour une incrustation perdue qui devait représenter une longue frange110. Autour du cou passe une chaîne à laquelle est pendu un pectoral en croissant, percé de cinq gros trous pour incruster des pierres de couleur, de même forme que celui que portent les sphinx de bronze de Toprakkale. Un pectoral de forme analogue est arboré par des dignitaires assyriens du IXe siècle, sur des reliefs de la salle du trône du palais d’Assurnasirpal à Kalah111. Les Assyriens semblent l’avoir ensuite abandonné, tandis qu’il était adopté en Urartu112. La statue ourartéenne est lourde, avec des épaules particulièrement larges et une absence presque complète de cou ; le bas du corps est cylindrique et rappelle la statue d’Assurdan (ci-dessus, p. 372, n. 59 ; pl. 240), bien que le vêtement soit tout différent. Il y a une maladresse certaine dans la raideur des bras et surtout dans la façon dont la tête est insérée. En l’absence de coiffe, on ne peut décider s’il s’agit d’un dieu ou d’un roi, mais les insignes qu’il tient sont plutôt en faveur d’attributs royaux.
Le lion ailé à buste humain de Toprakkale113 n’a peut-être pas non plus été encastré dans un meuble, comme d’autres l’ont été, car la surface plate de sa tiare cylindrique ne patte aucune marque qui permettrait d’y voir un support. Le buste est très droit, recouvert du « gilet à franges » à double baudrier gravé de frises de carrés pointés, sur lequel pend le pectoral en croissant, sans décor. Sur le devant de la manche courte gauche est gravée une rosace à huit pétales. Au-dessous du gilet, le pelage est traité comme des plumes ovales superposées. La plus grande partie du corps du fauve est recouverte des longues ailes arrondies aux plumes striées. Une courroie sous-ventrière est passée en avant des pattes postérieures et nouée sur chaque flanc, détail que l’on trouve à Nimrud sur des lions ailés à buste humain du palais d’Assurnasirpal II114. La musculature est schématiquement indiquée par des courbes gravées et en particulier, sur les pattes antérieures se trouve le motif en forme de « tulipe » des lions ourartéens (ci-dessous, p. 435)115. Le masque de pierre a gardé les incrustations des yeux et des sourcils et l’on retrouve le même nez droit et la bouche mince de la statue précédente. Sur les cheveux ondulés reposant en deux rangs de boucles sur les épaules, est posée la tiare à une paire de cornes encadrant une rosace et couronnée d’une mince frise de plumes.
L’Urartu est la seule région qui ait jusqu’à présent fourni des statues de bronze à visage en pierre, mais l’ivoire aussi pouvait être utilisé à cet effet comme en témoignent deux petits masques découverts à Altintépé, où les yeux très allongés et légèrement obliques étaient incrustés116. L’absence de bouche indique sans doute dans ce cas que les visages étaient ceux d’hommes barbus, dont la barbe et la moustache devaient être en métal comme le reste de la statuette. Lors de la publication de ces masques, T. Ôzgüç a attiré l’attention sur des éléments d’ivoire en haut-relief de Balawat, représentant deux génies composites117. Le haut du visage et les oreilles étaient ainsi incrustés dans des statuettes aujourd’hui disparues. De même à Nimrud, dans une cache d’objets en ivoire se trouvaient deux masques particulièrement bien sculptés118. Sur le dos plat de l’un d’eux était gravé un signe d’ajustement en forme d’aleph. M. Mallowan a indiqué que le dépôt d’ivoire avait été caché vers le milieu du règne de Sargon, car dans la même pièce se trouvaient deux tablettes des années 715 et 717. On peut alors avancer l’hypothèse que ces ivoires provenaient du butin de Muṣaṣir, ramené en 714 av. J.-C. Si, comme il semble, l’Urartu a puisé technique et inspiration dans l’Assyrie du IXe siècle, il nous semble plus plausible de dater l’ensemble des bronzes ourartéens du VIIIe siècle, plutôt que du VIIe siècle, c’est-àdire de l’époque de Rusa I (730-714), plutôt que de Rusa II (673- ?)119.
Peu d’exemplaires féminins sont connus. Nous ne connaissons qu’une petite statuette de femme assise, levant la main droite en signe d’accueil, la main gauche présentant un objet disparu comme le siège sur lequel elle était assise120. Un long collier en sautoir est fait de petits cercles. La tête est couverte d’un long voile dans le même tissu que la robe, bordé d’une lisière striée121. L’attitude et le costume sont les mêmes sur un médaillon d’or de Toprakkale122 où une femme assise sur un trône à haut dossier tient dans la main gauche une palme et, de l’autre, accueille une femme vêtue comme elle, qui lève les deux mains. Une scène semblable, mais plus schématique, est gravée sur un pendentif en argent en forme de croissant, également de Toprakkale123. Il semble qu’il s’agisse de l’hommage d’une reine à une déesse, mais rien ne distingue les deux femmes, si ce n’est le rameau de celle qui est assise.
Ivoire et bois
L’utilisation de l’ivoire était très développée en Urartu, si l’on en juge par la quantité d’objets mentionnée dans le pillage des troupes assyriennes à Muṣaṣir124, ainsi que par un ensemble découvert à Toprakkale125. Parmi les objets provenant des fouilles angla ses du site en 1880 figure une statuette élancée, dont il ne reste que le dos (Pl. 247), d’un homme en tout point semblable à l’un des bronzes de Samos (ci-dessus, p. 375, n. 74), par la coiffure, le vêtement et même l’attitude, d’après les coudes pliés126, avec la différence d’un tissu uni pour la jupe, au lieu du dessin de carrés emboîtés. L’écharpe frangée formant gilet et couvrant en oblique l’épaule gauche est portée par un homme barbu, réputé comme venant de Ziwiyé127. Ici l’écharpe recouvre une tunique à manches courtes en tissu quadrillé avec un point au centre de chaque carré, qui l’apparente à celui que portent les importants personnages ourartéens, et qui figure à la fois sur une plaque d’ivoire de Ziwiyé128 et sur le sarcophage en bronze de même provenance129 sur lequel il est porté par le personnage principal qui accueille un défilé d’hommes. À Toprakkale, comme à Ziwiyé, l’homme a les cheveux mi-longs sur la nuque, serrés par un étroit bandeau.
Parmi les ivoires de Nimrud, une petite tête130 a été reconnue de facture ourartéenne131 par son faciès large et surtout sa coiffure très particulière, tressée derrière et sur les côtés à la hauteur des yeux, comme sur les bustes des poignées de chaudrons ourartéens132. De fait, les mèches tressées, traitées en arêtes de poisson, tombent sur les épaules d’une femme nue soutenant ses seins, provenant de Toprakkale133 (Pl. 248) ; le corps est élancé et les formes sobrement sculptées. Elle est parée d’un collier court et étroit et porte une couronne plate ornée d’une rangée de 6 rosettes posées sur un ruban circulaire. Ce type de couronne figure également sur des têtes en ivoire du « Burnt Palace » à Nimrud, attribué à Sargon II134.
Le bois est également mentionné à Muṣaṣir (ci-dessus, n. 124) parmi le butin, ce qui souligne son importance en Urartu. Cinq statuettes en bois — quatre hommes et une femme — ont été trouvées dans les ruines de la forteresse de Teishebaini/Karmir Blur, près d’Erevan135, fortement endommagées par l’incendie qui détruisit les magasins. La mieux conservée est un guerrier debout, portant une longue barbe en pointe, les cheveux sur les épaules, serrés par un bandeau de bronze136. Pieds et avant-bras ont disparu, ce qui suggère que les bras, détachés du corps, étaient tendus en avant. Une épée est passée dans la ceinture à laquelle est suspendu un carquois, le tout en bronze, et une pointe de lance à proximité de la statue indique qu’une telle arme devait être tenue à la main. Avec les statuettes de bois se trouvait un socle cylindrique bas, en bronze, qui avait appartenu à l’une d’elles et qui portait une inscription d’Argishti Ier (780-756) qui l’avait vouée au dieu Haldi lors de la construction de la ville d’lrepûni (Arin-Berd). Les statuettes ont donc été amenées à Teishebaini au VIIe siècle, mais elles datent de la première moitié du VIIIe siècle.
Iran du Nord
Si Hasanlu, au sud du lac d’Urmia et même Ziwiyé, au sud-est en Azerbaidjan, sont encore proches de la zone d’influence de l’Assyrie et de l’Urartu, les sites de Kaluraz et d’Amlash, dans la province de Gilan au sud de la mer Caspienne, en sont tout à fait coupés.
Les bâtiments de la forteresse de Hasanlu, incendiés à la fin du IXe siècle, ont livré un important lot d’ivoires sculptés, parmi lesquels des têtes humaines, plus ou moins mutilées, d’une grande finesse d’exécution, caractérisées par de grands yeux, autrefois incrustés ainsi que les sourcils, dans un visage triangulaire au menton allongé. L’exemple le plus saisissant est un buste féminin137 (Pl. 249) à haut couvre-chef évasé, posé sur les cheveux tombant sur les épaules, le cou orné d’un collier de perles à trois rangs, sous lequel était ménagé un large sillon oval destiné à une incrustation qui devait représenter l’encolure du vêtement. Le contraste est frappant entre les hautes pommettes saillantes et les joues creuses. La bouche serrée, sans lèvres, donne l’impression d’être édentée et souligne l’âge avancé du personnage au nez droit et fin. Rien de semblable n’existe en Assyrie, ni en Syrie138 et le style est certainement local, comme pour deux masques fragmentaires qui présentent les mêmes pommettes hautes et saillantes et le menton allongé139. Une tête très mutilée140 portait encore une tiare en or décorée au repoussé d’une scène de chasse, mais curieusement, sa forme en tronc de cône est diamétralement opposée à celle du buste féminin, puisqu’au lieu de s’évaser, elle se rétrécit vers le haut. Toutes ces sculptures appartiennent au niveau IV de Hasanlu, évalué entre 1000 et 800 av. J.-C., de même qu’une tête féminine au visage ovale, dont les yeux sont incrustés de coquille, qui porte une tiare cylindrique cannelée, analogue à celle que portent des têtes en ivoire de Nimrud141.
Les nécropoles du Gilan ont livré quelques figurines funéraires en bronze et en terre cuite, difficiles à dater, dont les principales caractéristiques sont une forte stéatopygie et le schématisme du visage où la bouche est absente. Les grandes femmes nues en terre cuite de Kaluraz dont le visage est un disque d’où émerge un nez fort, avec de grands yeux gravés de deux cercles concentriques autour d’un point, ont un aspect très caractéristique142 ; une haute tiare tourrelée les coiffe, les cheveux n’étant marqués que par une tresse dans le dos ; les oreilles schématiques sont percées pour un anneau de métal. Les mêmes cercles concentriques sont marqués sur chaque épaule, sur les genoux et ils forment le nombril. Les mains ramenées à la taille sont grossièrement striées comme les pieds. Les seins, haut placés, sont tout petits.
Une petite figurine en bronze de Khurvin porte un curieux casque à cimier143. Il porte pour tout costume une haute ceinture et un baudrier vers l’épaule droite. Son long nez en bec d’oiseau contribue à allonger le visage où les yeux sont creusés de deux cupules rondes.
Une date précise ne peut être attribuée à ces statuettes funéraires qui ont pu être utilisées pendant un long laps de temps, entre la fin du IIe millénaire et le VIIe siècle.
Luristan
L’art du Luristan a connu la ronde bosse, toutefois rarement comme un objet indépendant, plutôt comme partie d’un tout. Certaines statuettes sont proches des idoles tubulaires du Maître des animaux, comme ces femmes nues, portant seulement une ceinture, les mains enserrant les seins144. L’une de ces femmes nues soutenant ses seins est d’un beau modelé : debout sur un haut socle conique, elle porte sur sa tête ceinte d’un bandeau uni un bouquetin à grandes cornes annelées, dont la tête est tournée vers la gauche145. Le même type de femme flanque des boucles ajourées en bronze146 et semble directement inspiré par les terres cuites mésopotamiennes du Ier millénaire, que nous croyons néo-babyloniennes (ci-dessus, p. 358).
Élam
L’Élam pré-achéménide n’a laissé que des fragments épars de ronde-bosse, seuls vestiges de la période néo-élamite, à la suite de la dévastation des armées assyriennes.
D’une statuette féminine composite de Suse, il reste le visage et le cou, ainsi que les deux poings, en argent147 (Pl. 250). Les yeux étaient incrustés d’ivoire et de coquille. Le modelé des joues et du menton, la finesse du nez droit et de la bouche font honneur au sculpteur. Les poings étaient fermés sur des objets tenus verticalement. Ces épaves se trouvaient dans une cachette avec d’autres objets, dont une perruque émaillée, ornée de têtes de clou en bronze recouvert d’or148 ; les cheveux mi-longs couvraient la nuque et il semble bien que cette coiffure féminine ait appartenu à une statue, car un grand trou à l’arrière était destiné à la fixation.
Des statuettes polychromes en terre cuite émaillée présentent des types variés et parfois schématiques, comme le seul exemplaire complet149 : une femme debout en longue robe à « tournure » bouffante dans le dos, qui couvre les pieds et s’évase vers le bas, ramène ses deux bras sur la poitrine (Pl. 251). La tête sur un cou très court est coiffée d’une calotte ronde qui surplombe le front. Le visage simplifié, circulaire de face, est particulièrement anguleux de profil, avec un nez proéminent et un menton en galoche. Les yeux sont en relief dans le creux. La robe est verte, le visage et des bracelets en anneaux sont jaunes, tandis que la bouche et les yeux sont blancs. Un autre exemple, acéphale, avec une tournure plus réduite dans le dos, et les mains jointes à la taille, offre un décor géométrique de rectangles ocres en réserve entre des bandes blanches150. Alors que ces exemples sont pleins, comme le sont également des têtes féminines151, une tête est creuse, coiffée d’un bonnet en bourrelet sur le front, surmonté d’un gros pompon posé sur ses cheveux bouffants152. La bouche aux commissures relevées est souriante. La glaçure est jaune, mais les yeux, les sourcils, une partie des cheveux et du couvre-chef sont blancs. Il ne semble pas qu’il s’agisse là de matériel funéraire, comme » c’est le cas pour des têtes de terre crue ou cuite dans la tradition de l’époque médio-élamite, certaines portant encore des traces de peinture ocre153.
Une statuette féminine creuse, en terre cuite mal épurée, privée de sa tête, a été trouvée à Suse dans un puits du village perse154. La robe évasée jusqu’à terre, les mains jointes à la taille, le bourrelet en forme de « tournure » dans le dos, attestent une même époque que les statuettes émaillées et indiquent probablement le VIIIe ou le VIIe siècle av. J.-C. On peut en rapprocher des statuettes en terre cuite du Luristan, à la longue jupe creuse, les bras réunis à la taille, le visage au menton pointu surmonté d’une tiare basse évasée155.
La statuette en cuivre d’un homme barbu en longue robe tenant par le cou un molosse assis156 (Pl. 252) illustre un motif qui n’est peut-être pas iranien, car il a connu une grande dispersion en Orient. Le chien est proche, par la morphologie et l’attitude, des chiens gardiens de l’Apadana de Persépolis (ci-dessous, p. 437). L’homme lève la main droite à la hauteur de sa barbe, en geste d’hommage ; ses cheveux sur les épaules sont serrés dans un large bandeau plat. La caractéristique du vêtement est une haute ceinture et deux bretelles croisées sur la poitrine, ce que l’on voit également sur un petit bronze de Nippur, où l’homme porte une coiffure tronconique et tient par le cou un chien sur ses quatre pattes, oreilles dressées157 ; le bras droit étendu est schématiquement rendu. Le même sujet, traité un peu différemment, a été découvert à Isin, à proximité d’une tombe158 : l’homme est agenouillé au lieu d’être debout et il tient le chien assis du côté droit, tandis qu’il lève la main gauche. D’autres exemples, où l’homme debout en longue robe, lève la main droite, sont malheureusement de provenance inconnue. L’un est au British Museum159, un autre au Metropolitan Museum de New York160. Un petit bronze analogue provenant de l’Heraion de Samos permet d’attribuer ce motif aux VIIIe/VIIe siècles161.
Perse achéménide (559-330 av. J.-C.)
En reprenant à son compte la faveur des souverains assyriens pour le bas-relief, la monarchie achéménide s’attacha tout spécialement à cette forme d’art. Si pourtant, comme leurs prédécesseurs mésopotamiens, les Perses ont été moins attirés par leur portrait en ronde-bosse, leurs réalisations ne sont pas négligeables et les vestiges sont d’une grande importance.
Comme les Assyriens, les rois achéménides ont préféré l’aspect hiératique et conventionnel à une ressemblance expressive. Ici aussi, le portrait idéalisé est destiné à exprimer l’universalisme et une toute-puissance qui se traduit par la convention du costume, du traitement de la barbe et de la chevelure, par certains détails qui sont des marques des ateliers royaux.
a) Les rois
La pièce la plus importante est évidemment la statue monumentale de Darius Ier (521-486 av. J.-C.), découverte à Suse en 1972 et qui constitue la première figure en ronde bosse du roi (Pl. 253 a-b), connu seulement en relief162. Le monument, cassé au-dessus de la taille, devait atteindre 3 m de haut. Le roi était en marche, le pied gauche en avant, sur un piédestal rectangulaire orné devant et derrière d’une scène identique : deux personnages égyptiens symbolisent l’union de la Haute et de la Basse-Égypte, encadrés de cartouches hiéroglyphiques. Les côtés du socle sont gravés de 24 représentants des pays de l’empire, chacun en costume différent, agenouillé sur le cartouche portant le nom de sa région, les deux bras levés, paume vers le haut, en geste d’hommage et de soumission163. Le vêtement du roi est en tout point semblable à celui que porte Darius sur les reliefs de la Trésorerie de Persépolis164, c’est-à-dire le long manteau très ample à plis et à manches arrondies, plissées vers l’arrière. Toute l’ampleur est serrée dans une ceinture souple, brodée devant, unie derrière, qui imprime au fin tissu des mouvements de plis horizontaux arrondis, couverts latéralement par des plis verticaux ; la ceinture est nouée sur l’abdomen et les deux pans courts qui tombent sont couverts de hiéroglyphes165. Un poignard à poignée semi-circulaire et à fourreau orné de rangées de taureaux ailés est glissé obliquement dans la ceinture, comme chez les dignitaires représentés sur l’Apadana de Persépolis166. La main gauche, ramenée au-dessus de la ceinture, tient une fleur de lotus comme sur le relief de la Trésorerie, dont seuls sont préservés la tige et le début de la fleur ; le bras droit tombe le long du corps, il tenait le manche d’un sceptre, aujourd’hui cassé. Comme le poignet gauche, il porte un mince bracelet ouvert, terminé par deux têtes de bovidés. Les pieds sont chaussés de souliers souples à bouts arrondis montant jusqu’à la cheville, différents des chaussures lacées que portent les archers167.
Tandis que les plis verticaux du côté droit du manteau sont couverts d’une inscription en hiéroglyphes égyptiens168, les plis du côté gauche sont inscrits en cunéiforme de trois versions parallèles : vieux perse, élamite et akkadien169. Elles traduisent une glorification dithyrambique de Darius, le Grand Roi, le fils d’Hystape l’Achéménide, fait roi par Ahuramazda, qui a « ordonné de faire en Égypte la statue de pierre, afin que celui qui plus tard la verra sache que l’Homme Perse a pris l’Égypte ». La version égyptienne est une titulature pharaonique qui célèbre « le Roi de Haute et Basse-Égypte, maître des deux Terres », tandis qu’une dédicace sur le dessus de la base précise qu’il s’agit d’une « image faite à l’exacte ressemblance du Dieu parfait » (c’est-à-dire du roi). Le monument commémore donc la conquête de l’Égypte. En fait le bloc de pierre pourrait être d’origine égyptienne, bien qu’aucune certitude n’existe encore à ce sujet170. Un fait important à noter est le montant contre lequel s’adosse la statue, qui est typique de la statuaire égyptienne et qui n’est pas plus attesté en Élam qu’en Mésopotamie. La facture égyptienne est donc incontestable, mais il reste à expliquer, si le monument a été sculpté en Égypte, pourquoi la statue a été retrouvée cassée in situ, à la porte monumentale du palais de Darius, à l’entrée de l’esplanade, dont une inscription trilingue indique qu’elle fut achevée par son fils Xerxès171. Selon l’hypothèse la plus vraisemblable, due à François Vallat172, ce pourrait être justement Xerxès, lors de son expédition en Égypte pour mater la révolte, qui l’aurait ramenée et installée à la porte du palais qui était alors en cours d’achèvement. La statue se trouvait sur la façade extérieure, sur le côté sud du passage et un radier sur le côté nord laisse supposer une deuxième statue173. Or il existe des fragments d’une autre statue colossale en calcaire gris, déjà retrouvés sur l’Apadana de Suse par R. de Mecquenem174. De la tête, il ne reste que la bouche surmontée de la moustache tombant en une boucle de chaque côté, et quatre rangées de boucles de la barbe prolongée par une série de mèches terminées par une bouclette175 (Pl. 254). Un talon de pied et l’amorce de cheville montrent une chaussure souple à lacets, comme celles que portent les Archers176. Ces fragments, appartenant à une statue d’environ 3 m de haut, accompagnaient deux autres morceaux inscrits, dont l’emplacement est maintenant plus facile à comprendre, grâce à la statue de Darius. Il s’agit en effet du bas de manteau à plis ronds verticaux et d’une série de plis inscrits verticalement177. Le second de ces fragments porte le nom en vieux perse de Darius (Dârayavahush), le premier est inscrit de deux courts fragments de textes en akkadien et en élamite178. La mention de Darius et la similitude avec la statue de la porte du palais donne toute probabilité à une seconde statue du roi, peut-être également de facture égyptienne, car un arrachement a laissé une large gorge verticale, témoin probable du montant contre lequel était adossée la statue179.
C’est aussi à Darius Ier qu’André Parrot avait attribué une belle tête en marbre blanc180 entrée au Louvre en 1966 (Pl. 255 a-b). La même année, il nuançait son identification devant l’opinion de Pierre Amiet qui proposait d’y voir un roi mède181. La tête, de forme cylindrique, est cassée au-dessus du front, à la limite de la couronne et sous la deuxième rangée de mèches bouclées de la barbe ; le front est bombé ; le nez aquilin aux narines dilatées présente des orifices en forme de cœur et deux arêtes longitudinales se prolongent pour limiter l’arcade sourcilière182, sans que les sourcils soient précisés ; les yeux allongés sont bombés, ourlés d’une mince paupière plate où la caroncule est délicatement incurvée. La barbe qui encadre les oreilles bien ourlées descend en arrondi sur les joues jusqu’au-dessous du nez, recouverte par une moustache tombante soigneusement striée et bouclée de chaque côté des lèvres au dessin ferme et au modelé arrondi. Sous la lèvre inférieure partent huit boucles en éventail, traitées comme le reste de la barbe en demi-cercles superposés et terminés par une bouclette enroulée. C’est ainsi qu’est traité le dessous de la lèvre inférieure de Darius sur le relief rupestre de Bisutun183. Les cheveux tombent en mèches droites analogues sur la nuque, sortant d’un étroit bandeau en léger relief, seulement visible à la limite de la cassure. Comme l’avait remarqué P. Amiet, cette coiffure est celle que les Mèdes portent sur les reliefs de Khorsabad184, ce qui l’a incité à identifier la tête avec le dernier roi mède, Astyage (585-550 av. J.-C.), ou son prédécesseur Cyaxare185. Il est vrai que Darius, sur les reliefs, porte les cheveux en plusieurs rangs de boucles sur la nuque ; pourtant la facture du visage présente une analogie certaine avec un fragment de tête de Persépolis provenant du Tripylon, aujourd’hui à Chicago186 (Pl. 256). Il ne reste que le nez aux narines épatées, avec les orifices en forme de cœur, la caroncule de l’œil et le départ de la paupière inférieure en relief, la moustache striée, la bouche et les bouclettes unies en éventail sous la lèvre inférieure. Rien n’a subsisté de la barbe sur les joues. Certes le nez ne présente pas d’arêtes comme la tête du Louvre et des détails diffèrent, mais l’aspect général est très voisin, si bien que la première identification d’A. Parrot avec Darius nous semble convaincante. David Stronach s’est demandé « quel type de couronne portait Darius »187 sur la statue de Suse et il évoque la possibilité du pschent égyptien, suivant l’opinion de J. Yoyotte. Comme il porte le costume perse, il semble plus normal qu’il soit couronné de la tiare cylindrique, la kitaris, figurée sur le relief de la Trésorerie de Persépolis. Les exemples en ronde-bosse ne sont connus que par de petites têtes en pierre et par une statuette en bronze de cette même Trésorerie, où un homme imberbe porte la tiare sur les cheveux bouffants188. Il est vêtu d’une tunique sans manches serrée dans une ceinture. Les coudes sont écartés et les mains ramenées à la hauteur de la poitrine. Les poignets sont cerclés d’un lourd anneau. La statuette est cassée aux hanches, à un endroit où du fer corrodé suggère qu’elle était soudée à un char ou à une monture. De même un morceau de fer sur l’épaule droite est peut-être un reste de l’objet que tenait la main droite. Une fente dans le bas du dos indique aussi que l’objet était adossé à cet endroit et probablement au caisson d’un char.
Une très petite tête imberbe en calcaire présente les mêmes caractéristiques189 et il est convenu de voir dans ces têtes imberbes celles d’un prince, comme celle en pâte de lapis-lazuli de Persépolis que nous verrons plus loin (ci-dessous, p. 400, n. 214). Deux autres petites têtes en pierre sont barbues : l’une, achetée en Égypte, ne porte aucun détail des cheveux et de la barbe, comme si elle était inachevée190, l’autre a la barbe et les cheveux finement bouclés, une mince moustache tombante ; les sourcils sont soigneusement incisés d’un double arc. Les narines épatées ont un orifice rond191.
Les quelques statuettes en métal reconnues comme achéménides par le costume plissé montrent la jupe à plis arrondis horizontaux, partant d’une bande verticale devant, ce qui est caractéristique du héros perse maîtrisant des monstres sur les cylindres de l’époque192. Un bronze aux jambes cassées, entré au Musée de Minneapolis en 1956, montre un homme vêtu de cette jupe, serrée par une ceinture striée dans laquelle est passé un poignard193. Le corsage à manches au coude est rayé horizontalement et largement décolleté en ovale, encadrant une barbe carrée faite, comme la moustache, de mèches verticales qui ne couvrent pas les joues. Les cheveux s’évasent sur les oreilles, coiffés d’une toque plate en tronc de cône. Les lignes évasées qui délimitent la tête de face continuent par le mouvement des bras écartés, dont le gauche est cassé au coude, tandis que l’autre revient vers le buste. Les pommettes sont saillantes et le type ethnique est voisin de celui d’une statuette en argent du « trésor de l’Oxus »194 (Pl. 257). La forme évasée de la tête est aussi due aux cheveux qui bouffent sur les oreilles ; une couronne plate est bordée d’un bandeau d’or, gravé d’un décor crénelé ; deux pans s’en échappent sur la nuque. Cette couronne crénelée désigne probablement un roi, comme sur le relief de Bisutun. La barbe en collier tombe en une languette étroite jusqu’à la fleur stylisée que l’homme tient dans sa main gauche, le bras droit tombant le long du corps. Les plis arrondis de la jupe partent d’une bande verticale striée en arête de poisson tombant de la ceinture, alors que le dos présente les plis semi-circulaires. Le corsage uni est bordé d’un galon strié suivant la ligne des épaules et des bras ; la bordure verticale tombant des emmanchures rappelle aussi celle que l’on voit au héros perse sur les cylindres. Le costume perse est donc bien représenté ici, mais il faut souligner qu’il n’est pas celui que porte Darius sur sa statue, avec ses vastes manches arrondies et les plis de la jupe libres aussi bien devant que derrière. La tenue des statuettes de métal donne davantage l’impression d’un pantalon par devant et c’est probablement ainsi que naîtra le pantalon à plis, communément utilisé par les Parthes, tel que le portera le prince de Shami au IIe siècle av. J.-C.195 et déjà visible sous une longue tunique plissée à ceinture d’une statuette en argent196 (Fig. 85) : l’homme debout est coiffé du capuchon souple pointu, le bachlyk197 et sur ses épaules, il porte une longue cape laissant libres les bras, mais comportant de fausses manches tombantes.
85. Homme coiffé du bachlyk. Argent.
C’est ainsi que se présente également une petite statuette de l’Oxus, dont les pans de la cape sont brodés198. Ici aussi le personnage tient une fleur contre sa poitrine et les deux statuettes datent probablement de la fin de l’époque achéménide au IVe siècle, toutes deux représentant peut-être un donateur bactrien.
Une tête d’homme imberbe en or a les cheveux courts gravés, ce qui indique plutôt un caractère occidental, bien que les lobes des oreilles soient percés pour des anneaux199, alors qu’une tête plus petite, presque sphérique, aux tout petits yeux rapprochés et au nez court, aux cheveux courts sur le front et longs dans le dos, présente un caractère ethnique étrange200.
Le kouros en argent aux longues jambes jointes se présente dans une frontalité parfaite201. Comme l’a noté R. Barnett, le style grec y est bien visible par la nudité, la musculature du torse, le visage imberbe au nez droit, mais la fixité de l’attitude n’est pas grecque et le casque ovoïde est oriental avec son protège-nuque qui le démarque de la coiffure mède202. Les cheveux courts bouffent sur le front. Les lobes de l’oreille sont percés. Les bras pliés en avant tenaient dans les poings fermés verticalement des objets disparus203.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une statuette, une tête en terre cuite d’homme particulièrement expressive mérite d’être mentionnée. Découverte à Persépolis en 1933204, elle porte une courte barbe et les cheveux, coupés courts sur la nuque, couvrent le front ; un haut bonnet cylindrique, sorte de tuyau, probablement en feutre, est bordé en haut et en bas d’une bande de fourrure traitée en piquetage irrégulier ; il est fixé sur la tête par un épais ruban, croisé derrière et passé devant dans une boucle d’où sortent deux courts pans vers le haut. Le nez est légèrement aquilin et les yeux grand ouverts ont une expression de sérénité mélancolique. L’objet est entièrement creux et l’inclinaison du cou vers la droite suggère qu’il s’agit probablement d’un rhyton.
b) Les reines ou princesses
Plus rares encore que chez les Assyriens, les femmes achéménides sont les grandes absentes des reliefs de Persépolis et de Suse. Quelques éléments en ronde-bosse permettent pourtant de les reconnaître, bien que, comme l’avait déjà remarqué Dalton205, une certaine similitude de costume et de parure ne facilite pas les identifications206. Ceci apparaît sur la moitié latérale droite d’une statuette d’ivoire de Suse qui, par la richesse de son habillement, doit être considérée comme une reine207 (Pl. 258). La caractéristique de cet objet est d’avoir été sculpté en plusieurs morceaux, pour tenir compte de la dimension des défenses d’éléphant. C’est ainsi que la tête, les bras, les seins et les pieds étaient rapportés, les surfaces de raccord étant lacérées de stries croisées pour donner plus d’adhérence aux parties collées. Les seins formaient une seule plaque, fixée par un trou de chaque côté ou par une seule cheville au milieu208, mais le buste n’était pas nu pour autant, comme le montre le bord de l’encolure, brodé d’un rang de rosaces à 8 pétales, entre deux rangs de triangles se faisant vis-à-vis. Le bras (droit) était fixé grâce à deux trous à la hauteur de la tête de l’humérus et de la taille ; il était recouvert d’une longue manche, comme le montre l’arrachement en arrondi sur la hanche. La taille est ceinte de deux liens ronds dans lesquels étaient passés sur le côté les angles supérieurs du fin tissu qui forme les multiples plis arrondis dans le dos de la jupe. Le même galon brodé de l’encolure tombe verticalement sur le côté par devant et sur le bord inférieur de la jupe ; il semble que cette jupe était un survêtement porté sur la tunique dont le plissé n’était visible que sur le milieu du devant. Un socle carré bas, décoré de carrés pointés porte encore le reste du galon inférieur et des pieds chaussés de souliers à bout relevé209. La cavité circulaire qui traverse toute la statue se prolonge dans le socle et aussi dans la tête qui ne se raccorde pas avec le corps, mais qui selon toute vraisemblance est bien celle de la statue ; elle a beaucoup souffert et le visage est réduit au profil droit, moins le nez et la bouche ; le dos de la tête était rapporté. La couronne plate est bordée d’une rangée de petits triangles ; les cheveux couvrent le front et descendent sur la nuque en découvrant le bas de l’oreille et une boucle en disque, du type connu par des bijoux réels, telle une boucle d’or du Louvre, bordée de boules d’or ou les disques émaillés et incrustés de la tombe achéménide de l’Acropole de Suse210. Le dos du vêtement montre quelques perles rondes d’un collier et l’extrémité d’une protubérance qui est soit le bas des cheveux longs, soit un contrepoids. Comme l’a indiqué P. Amiet, des statuettes de bronze illustrent le même type de représentation féminine, quoique moins raffinées et présumées pré-achéménides. À ces statuettes, de la collection Foroughi211 et de l’Ashmolean Museum212, il faut ajouter celle de l’ancienne collection David-Weill213 (Pl. 259 a-b). Toutes trois ont une couronne plate sur les cheveux tombant dans le dos et elles portent de grands disques aux oreilles. Celle d’Oxford, acquise à Alep, a les cheveux nattés de chaque côté du visage et dans le dos. Le long vêtement aux plis semi-circulaires dans le dos de la jupe couvre les pieds ; il comporte de longues et larges manches ouvertes d’où sortent les bras, le gauche ramené sur la poitrine, le droit vers la ceinture qui est nouée devant et dont les deux pans s’écartent sur la jupe. Un collier rigide à plusieurs rangs enserre le cou et nécessitait probablement un contrepoids, masqué par les cheveux longs. Les statuettes de Téhéran et de Paris sont iraniennes et attribuées au Luristan des VIIe-VIe siècles. La similitude de détails avec la statuette d’ivoire de Suse, comme les plis du dos ramassés dans la ceinture, les grandes manches, les disques d’oreille, indiquent une proximité dans le temps, soit probablement le VIe siècle, quel que soit le rôle attribué à ces objets qui sont généralement considérés comme des supports ou des manches. Le socle de la statuette de Suse exclut cette hypothèse et le raffinement de cette représentation la désigne comme une reine.
Les exemples précédents, comparés à la statue de Darius, confirment qu’il n’y a guère de différence dans l’habillement des hommes et des femmes achéménides et pour cette raison, l’identification de quelques têtes est incertaine. La petite tête imberbe en pâte de lapis-lazuli du palais de Persépolis (PI. 260) a généralement été interprétée comme celle d’un prince214. P. Amiet est le premier à y voir une reine215 et la douceur du visage est bien en faveur de cette identification. Les yeux allongés étaient jadis incrustés, ourlés de minces paupières. Les sourcils arqués sont gravés d’une double incision qui prend son origine de part et d’autre de la racine du nez qui était fin et rectiligne ; la bouche au dessin ferme finit dans deux fossettes latérales. L’épaisse chevelure bouclée surplombe le front, couvre la moitié supérieure des oreilles et s’évase en une masse arrondie de neuf rangs de boucles sur la nuque ; la surface supérieure n’est pas bouclée, mais les mèches sont disposées en étoile depuis le sommet du crâne, surmonté d’une couronne crénelée de motifs à trois degrés. C’est ainsi qu’est décorée la couronne de Darius sur le relief de Bisutun (ci-dessus, n. 183), mais le même type de couronne est porté par une femme, qui de ce fait doit être une reine, sur un cylindre de l’ancienne collection De Clercq216.
Une petite tête incomplète de Suse, en céramique émaillée porte également la couronne cylindrique sur les cheveux bouffants217.
Il nous semble aussi vraisemblable de voir une femme dans une petite tête de calcaire blanc, trouvée sous le grand temple à Masjid-i Solaiman, au sud-est de Suse218 (Pl. 261). Un fort tenon dans le prolongement du long cou suggère une statue en deux parties ou peut-être, s’il s’agit d’une offrande, seulement un socle. Comme l’a remarqué R. Ghirshman, il y a une grande affinité avec la tête de Persépolis. Les yeux allongés étaient également creusés pour l’incrustation ; les lèvres sont charnues et la physionomie est moins sérieuse. Les cheveux sont traités de la même façon, mais en boucles plates et les mèches sont gravées sans modelé, en étoile depuis le sommet de la tête. Il n’y a pas de couronne pour identifier le personnage.
L’interprétation est plus aléatoire pour une petite tête « du sud de l’Iraq » au British Museum219 : les yeux, tout aussi allongés, sont ici sculptés et le nez est légèrement incurvé du bout. La forme de la chevelure est la même, couvrant le haut de l’oreille en série de fines bouclettes traitées en gravure à plat ; le dessus de la tête est strié de segments rayonnant jusqu’à un encadrement en léger relief qui imite l’ondulation d’un serpent. Une cassure à l’endroit de ce qui pourrait être une sorte de chignon ne permet pas de comprendre l’arrangement des cheveux au dos de la tête.
Levant
C’est au Levant que se manifeste surtout le vide de plus de 200 ans entre la fin du XIIe et du Xe siècle, dû aux destructions des « Peuples de la Mer ». Cette époque obscure représente une éclipse quasi totale de l’art et pourtant un courant a continué à passer, car au moment où, sous des impulsions locales, les manifestations réapparaissent, elles témoignent d’une permanence de caractère très frappante, en Anatolie, comme en Syrie du Nord. C’est donc le signe que certaines régions ont probablement continué à vivre repliées sur elles-mêmes.
Les Araméens, fixés sur la plus grande partie du territoire syrien220, n’avaient pas de tradition propre et ils ne firent qu’absorber celles qu’ils trouvèrent en s’installant, drainant les cultures environnantes. L’apport égyptien est loin d’être négligeable et si l’art grec naissant est incontestablement redevable à l’Orient, il a également apporté un courant nouveau en Asie Mineure et en Phénicie où le port d’al-Mina au nord, devint un comptoir grec au VIIIe siècle av. J.-C221.
La classification géographique des monuments ne peut être stricte et doit tenir compte des zones d’influence, essentiellement mouvantes, qui se traduisent par des inscriptions en hiéroglyphes hittites ou en araméen, tandis que les conquêtes assyriennes s’étendent de plus en plus loin au nord et à l’ouest.
Asie Mineure et Syrie du Nord
Le premier quart du Ier millénaire a vu la prospérité des royaumes de Malatya (Milid), Karkémish, Zendjirli (Sam’al), Tell Halaf (Guzana), malgré les expéditions assyriennes qui, dès Salmanasar III au IXe siècle, obligent les rois de la région à se coaliser, avant qu’ils ne soient soumis. Les petits états deviennent alors pour la plupart provinces assyriennes à la fin du VIIIe siècle.
En sculpture, comme en architecture, se manifeste une certaine unité et l’art, souvent qualifié de néo-hittite, offre les mêmes traits de lourdeur qu’au IIe millénaire, dûs principalement à l’usage constant du basalte. Les statues sont colossales dressées sur des bases sculptées le plus souvent de lions.
Deux époques principales peuvent être distinguées, suivant que l’influence anatolienne, aux Xe-IXe siècles, n’est pas encore altérée par la domination araméenne et assyrienne au VIIIe siècle. La première est encore caractérisée par les inscriptions en hiéroglyphes hittites, la seconde connaît des inscriptions en caractères araméens. Même lorsque les statues sont inscrites, il n’est pas toujours certain qu’il s’agisse d’un dieu plutôt que d’un roi.
1) Les Xe-IXe siècles av. J.-C.
Une statue de dieu assis était dressée à la « porte du roi » de Karkémish sur une base parallélépipédique flanquée de deux lions conduits par un homme à tête de griffon en bas-relief ; celui-ci est à demi agenouillé dans l’attitude conventionnelle de la course222. La statue elle-même, aujourd’hui disparue, avait été retrouvée délibérément cassée et elle avait pu être restaurée grâce à quelque 60 morceaux223. Elle était dans la tradition des statues cubiques nord-syriennes, sculptée sans détails, avec la tête enfoncée dans les épaules. Le caractère divin est indiqué par un rang de cornes. Une longue barbe à quatre rangs de bouclettes encadrait le visage, sans moustaches, et descendait sur la poitrine. L’aspect redoutable du dieu était renforcé par les armes qu’il tenait dans ses énormes poings reposant sur les genoux, indiqués par la seule arête vive : une hache à deux tranchants à gauche et une masse d’armes à droite. Aucun détail n’était indiqué sur le vêtement. Le texte en hiéroglyphes hittites, qui formait la frange inférieure de la jupe, porte le nom du dieu, Atarluhas, mais celui du roi qui a commandé la statue a disparu224.
De même inspiration est une grande statue de Zendjirli/Sam’al, debout cette fois, sur une base analogue, avec la différence que le génie-griffon est remplacé par un héros à tête de face, barbu et les cheveux en boucles encadrant le visage225 (Pl. 262) ; comme sur la base de Karkémish, il tient les lions par un collier et il a les jambes de profil dans un demi-agenouillement. La statue est d’un bloc, la tête énorme, enfoncée dans les épaules. Les bras collés au corps n’ont pas empêché la cassure volontaire des avant-bras repliés au-dessus de la ceinture. Le droit tenait verticalement un bâton ou un sceptre dont la partie inférieure est encore sculptée sur le bas de la jupe. Un bracelet en anneau est porté au-dessus de chaque coude. Les yeux sont grand ouverts, encadrés d’un bourrelet ovale ; le nez a été martelé ou cassé lors de la chute en avant du socle ; les lèvres sont serrées ; la barbe, sans moustaches, encadre le visage et tombe sur la poitrine, ondulée et non bouclée en plusieurs rangs comme à Karkémish. La coiffure en cloche dégage les oreilles et bouffe légèrement sur la nuque ; sur le front elle surplombe un étroit bandeau uni, que l’on voit également sur une tête de Karkémish au Louvre (ci-dessous, n. 230 ; Pl. 263) et sur une tête imberbe de Mishrifé/Qatna où la coiffure est traitée en grosses boucles en spirale226. En réalité, cette coiffure imitant les cheveux devait être un bonnet de fourrure, le qalpaq. L’homme de Sam’al est vêtu d’une longue tunique droite, à manches courtes, qui s’arrête au-dessus des chevilles, bordée d’une courte frange. Une longue épée à pommeau en croissant passe en oblique sous une haute ceinture dont la fermeture verticale au milieu du devant se prolonge par un très long gland. Un tel gland apparaît sur le devant de la jupe d’une grande statue fragmentaire, découverte en 1906 à Marash227, et que Przeworski décrivait ainsi : « Grand bloc de section quadrangulaire et de forme cubique assez régulière, aux bords arrondis, très légèrement rétrécis vers le haut. Il constituait la partie moyenne du tronc d’une statue colossale dont la base a été restaurée avec beaucoup de vraisemblance par M. Eckhard Unger. Nous en présentons le dessin de la face a (Fig. 3) qui montre un personnage vêtu d’une longue robe. Là où le bloc, brisé de façon irrégulière, s’amincit se trouvait une large ceinture serrant la taille et terminée par un long et riche gland retombant par devant. Les bras étaient, comme ailleurs dans la plastique de la Syrie du Nord, fléchis au coude, serrés contre le corps, les mains tendues en avant. Pour la main gauche nous ne savons rien et il est impossible de dire ce qu’elle soutenait. La droite portait un grand bâton dont un morceau se trouve sculpté en demi ronde-bosse sur la face a ». L’épée à pommeau arrondi, au lieu d’être passée dans la ceinture, était retenue sur la droite par une sangle en baudrier sur l’épaule gauche, qui se termine par un gland plus mince228. Au-dessous de la ceinture, dans le dos et sur les côtés, un texte en hiéroglyphes hittites était sculpté en fort relief : 5 registres et une partie d’un sixième buttent sur un personnage à très grosse tête barbue, sculpté de profil à droite.
Le volume important de la tête par rapport au corps caractérise aussi le buste d’une statue découverte à Arslantépé/Malarya229 : l’homme tenait vraisemblablement le bâton de la main droite. Le visage martelé, encadré d’une barbe bouclée en collier, est surmonté du bonnet de fourrure, mais sans le bandeau frontal habituel que l’on voit sur une tête de Karkémish, maintenant au Louvre230 (Pl. 263), où le bonnet est traité en larges mèches bouclées se superposant, comme la barbe en collier. La bouche serrée, avec la lèvre supérieure rasée, les grands yeux ourlés, le nez qui a été martelé, sont traités exactement comme sur la statue de Zendjirli. Le bas de la barbe a été scié sous la première rangée de bouclettes. Cette tête appartenait à une grande statue brisée en nombreux fragments qui avaient été retrouvés lors des fouilles anglaises précédant la Première Guerre mondiale et qui ont été dispersés lors des hostilités231. Woolley l’a décrite vêtue d’un simple fourreau cylindrique sans plis, avec une frange au bas de la jupe, une large ceinture d’où tombait un long gland et dans laquelle était passée une épée ; les coudes étaient collés au corps et les avant-bras tendus en avant. Cette statue, comme celle du dieu Atarluhas, se tenait à la porte du roi, debout sur une base à deux lions conduits par le héros à demi agenouillé, tête de face232, semblable à la base de Zendjirli. Alors que Woolley la considérait comme une représentation divine, il est maintenant supposé qu’il s’agit du roi Katuwas qui régna vers 900 av. J.-C.233, à cause de sa ressemblance avec un relief inscrit de Karkémish le représentant en marche, tenant un bâton dans la main droite, vêtu d’une longue tunique frangée à manches courtes, une épée passée dans la haute ceinture, la barbe en collier et la coiffure à étroit bandeau sur le front234. Étant donné la similitude des bases, on peut donc supposer que la statue de Zendjirli représentait le même roi, comme l’ont déjà proposé Woolley235 et Barnett236.
Une statue de facture maladroite par sa raideur, mais probablement de même époque, trouvée fortuitement à Ain el Tel, près d’Alep, représente un homme assis sur un siège à dossier237. Le manque de savoir-faire du sculpteur était tel qu’il n’a pas su rendre la position assise et l’homme, vu de face, semble debout ; ses mains sont gauchement posées ouvertes sur l’emplacement des genoux. Des anneaux entourent le poignet gauche et les deux bras au-dessus du coude ; un disque et un grand croissant sont suspendus à deux colliers à court contrepoids. Le vêtement est la tunique droite à manches courtes, tombant à mi-mollets, serrée par une ceinture à long gland dans laquelle est passée l’épée à pommeau en croissant, maintenue également par un baudrier. La tête sans cou, avec ses grands yeux, son nez droit, sa barbe en collier bouclée à plat, est tout à fait inexpressive. Une calotte de fourrure à grandes boucles dégage la nuque rase.
Toutes ces statues forment un ensemble cohérent par leur facture massive, le costume, la coiffure, les accessoires, tout autant que par leur manque d’expression238. Aucune ne porte trace d’une quelconque influence assyrienne et la présence de hiéroglyphes hittites sur certaines d’entre elles les situe à une époque où l’araméisation ne paraît pas encore dominante sur les royaumes. La parenté des statues de Karkémish et de Zendjirli avec le relief inscrit de Katuwas les situe vers la fin du Xe et la première moitié du IXe siècle239.
S’agit-il de dieux ou de rois, lorsque l’homme ne porte aucun attribut typiquement divin ? Il est généralement admis que la statue de Zendjirli représente un roi, car elle avait été enterrée dans une sorte de tombe entourée d’une rangée de grandes pierres240, comme le roi de Malatya qui régna plus tard (ci-dessous, p. 414, n. 275). Frankfort pensait que la différence entre la statue divine assise de Karkémish et la statue royale de Zendjirli, était encore marquée par le fait que le personnage agenouillé qui conduisait les lions sur la base était un homme-griffon sur la première et un homme sur la seconde. Cet argument ne nous semble pas pleinement convaincant. Deux autres documents peuvent être versés au dossier, sous la forme de petits dieux en bronze : l’un a été découvert fortuitement dans les environs de Hama241.
Recouvert d’or, il représente un dieu assis, dont le siège a disparu, vêtu de la longue jupe à haute ceinture d’où tombe un long gland à cinq brins. Il porte une barbe ondulée en collier et la lèvre supérieure est rasée ; ses yeux sont incrustés de pâte de verre avec une pupille de pierre noire. De chaque côté de la tiare en tronc de cône une corne pointe vers l’avant. Les deux poings fermés présentaient des attributs ou des armes aujourd’hui disparus. C’est aussi le geste d’un petit dieu debout du Louvre, rapporté à la fin du siècle dernier par E. Chantre et qui présente beaucoup d’analogies avec l’exemplaire de Hama242 (Pl. 264 a-b). L’homme est vêtu d’une longue tunique sans manches, serrée par la haute ceinture à long gland tombant devant. Il porte la barbe sans moustache et une tiare en forme de cône, munie d’une paire de cornes pointant vers le haut. Faut-il en conclure que la haute ceinture à gland est réservée aux dieux ? Ou pouvait-elle aussi être portée par les souverains, de leur vivant ou divinisés ? De nouveaux documents apporteront peut-être la réponse.
2) Le VIIIe siècle
La statue de dieu provenant de Gerdjin, près de Zendjirli, est datée du VIIIe siècle par sa longue inscription qui couvre toute la jupe et qui n’est plus écrite en caractères hittites, mais en araméen243 (Pl. 265). Elle est l’œuvre d’un roi de Sam’al, Pan-namu(a), soit le premier, un peu antérieur à Assur-nirari V (754-745), soit le second, contemporain de Tiglat-Phalasar III (744-727), qui érigea cette statue du dieu Hadad. L’œuvre est rude, encore moins poussée que les précédentes. La partie inférieure est cylindrique et ne comportait probablement pas de pieds ; aucun détail n’est indiqué sur le buste, au-dessus d’une haute ceinture. Les avant-bras, détachés du corps vers l’avant, ont été cassés. La tête, traditionnellement enfoncée dans les épaules, est coiffée d’un bonnet plat bordé d’un bandeau sur lequel sont appliqués deux rangs de cornes. Les yeux étaient creusés pour une incrustation : la barbe n’est plus en collier, mais couvre les joues et rejoint une moustache ; elle est faite de la superposition de mèches en spirale244. La bouche mince et serrée achève de donner une physionomie sévère.
Il est bien dommage que la statue d’un homme debout, découverte à la porte sud-ouest de la forteresse de Karatépé, en lisière de la chaîne du Taurus, soit mal préservée, car elle est très importante245, du fait de son inscription sémitique en 4 colonnes de caractères phéniciens, qui a contribué au déchiffrement des hiéroglyphes hittites, Karatépé ayant fourni des textes bilingues246. Elle était dressée sur une base à deux taureaux conduits par un personnage masculin debout, au lieu d’être à demi agenouillé comme sur les socles aux lions de Karkémish et de Zendjirli. Il s’agit, d’après le texte de la statue d’un Baal, qualifié de KRNTRYŠ247, introduite par un roi Azitawadda — roi des Danouniens — dont on ignore l’époque, mais qui, d’après le style des reliefs autant que par les indices épigraphiques, doit avoir régné vers la fin du VIIIe siècle.
La cité du roi Kapara à Tell Halaf/Guzana permet de vérifier la force de la tradition sculpturale en Syrie du Nord. Dans le palais qu’il se fit construire sur les bords du Khabur, il mit largement à contribution les sculpteurs, autant pour les reliefs des orthostats que pour les statues cariatides colossales qui firent du porche un ensemble important : trois personnages — deux hommes et une femme — debout chacun sur un quadrupède redoutable, divisaient l’entrée en quatre passages248 (Pl. 266).
Au moment où ces sculptures furent découvertes, avant la Première Guerre mondiale, l’aspect rude, éloigné de tout naturalisme, suggéra à Max von Oppenheim qu’il s’agissait d’œuvres archaïques réutilisées par le souverain du Ier millénaire. À cette époque, les archéologues n’étaient pas encore familiarisés avec la rudesse du travail du basalte en Haute Syrie. Les découvertes postérieures permettent de replacer la production de Tell Halaf dans la lignée d’une conception très particulière où la stylisation s’éloigne de toute ressemblance, où l’important est l’aspect massif qui frappe les imaginations, où ce que la mentalité moderne occidentale appelle « caricatural » n’est que le résultat d’un effet voulu qui grossit les traits du visage et abolit tout détail. Ce caractère est observé dans la statuaire syrienne en pierre depuis le IIIe millénaire.
Les deux hommes du porche sont l’un sur un lion, gueule ouverte, l’autre sur un taureau, traités en haut-relief comme les gardiens de porte syriens et anatoliens, avec une très forte tête en ronde-bosse. Comme les statues qu’elles portent, leur caractère étrange était renforcé par les grands yeux ovales en pierre blanche, incrustés d’une pupille de pierre noire. Seul l’homme sur le lion a pu être reconstitué, l’autre était réduit à l’état de débris, mais les morceaux ont permis au fouilleur d’affirmer qu’elle était semblable à la première249. Chacune des statues avait été taillée dans un seul bloc de basalte et conçue comme une colonne ; toutefois les têtes ne sont pas enfoncées dans les épaules comme à Karkémish. Les bras sont collés contre le corps qui est enveloppé dans un vêtement de dessus recouvrant une tunique à manches courtes s’arrêtant au-dessus du genou, liserée d’une courte frange. Le vêtement de dessus, dont la disposition est difficile à préciser, consiste en une sorte de grande écharpe à courte frange latérale, posée en oblique sur l’épaule gauche, descendant plus bas que le genou droit et remontant sur la hanche gauche ; ce mouvement ménage une ouverture triangulaire qui dégage la jambe gauche et le bas de la tunique. Les pieds sont chaussés de sandales à lanières qui entourent le gros orteil. La musculature du genou est indiquée par deux sillons en V. La main droite tient une arme à extrémité courbe qui remonte sur l’épaule, la main gauche est refermée sur une épée au pommeau en croissant, dont la lame est appliquée sur le corps. La longue barbe qui descend en ovale sur la poitrine part sous les oreilles et borde la lèvre inférieure d’une rangée de bouclettes d’où partent des mèches ondulées, terminées en bouclettes. La moustache est indiquée par des chevrons. Le nez, endommagé, était court et large. Les cheveux ondulés et bouclés sur la nuque dégageaient les oreilles, percées pour un anneau. Une paire de cornes bordait le front, surmontée d’un bandeau plat décoré de rosaces à sept pétales, alternant avec des palmes stylisées. Comme sur les deux autres statues, la surface plate du crâne était entaillée d’un trou carré dans lequel s’encastrait un grand cylindre s’amincissant vers le haut, qui permettait le raccord avec le linteau du porche250, et formait ainsi une très haute tiare, bien dans la tradition de Syrie du Nord. Une inscription cunéiforme au nom de Kapara, fils de Hadianu, recouvrait le devant de l’épaule gauche et encadrait la barbe251.
Deux statues, beaucoup plus petites, sont de même type : l’une était encore en place dans un sanctuaire près de l’enceinte sud252 (Fig. 86). L’homme avance le pied gauche nu ; il porte une couronne plate dont la partie supérieure est cannelée. L’autre a été publiée par Bossert d’après une photographie, comme provenant de Mardin253. La femme du porche du palais était debout sur une lionne254. Son corps est aussi compact que celui de l’homme, moulé dans un vêtement droit jusqu’aux chevilles, en tissu uni bordé d’une courte frange en bas et à la taille (Fig. 87) ; un corsage en cape couvre les deux épaules et les bras jusqu’au coude, bordé de la même courte frange ; bien que le corsage semble ouvert devant, son encolure est fermée par un motif arrondi qui imite un collier orné de rosaces alternant avec des croissants pointes en l’air.
86. Tell Halaf. Homme debout. Basalte.
87. Tell Halaf. Femme du porche, debout sur une lionne. Basalte.
Cinq rangs de perles enserrent le cou. La main droite est posée à plat sur le ventre, la gauche tient l’anse d’une sorte de petit seau ou d’un sac à cannelures plates. Les poignets sont ornés de quatre anneaux, alors que les chevilles n’en portent que trois255. Le visage est lourd, empâté, avec deux plis sous le menton rond. Le nez est court et la lèvre supérieure est surmontée d’un sillon médian particulièrement haut. Les yeux, jadis incrustés, ne sont pas abrités par des sourcils. Les cheveux forment une bande ondulée plantée bas sur le front ; ils tombent dans le dos, mais deux mèches sont réservées devant les oreilles qui sont percées d’un trou. Comme chez l’homme, la tête était couronnée d’un bandeau à rosaces et à palmes, mais il n’y avait pas de cornes. Le visage est étrange et proche dans sa conception et sa facture de celui d’un sphinx en basalte, gardien de porte à Karatépé256. Le devant de la jupe porte une inscription de 8 lignes en caractères cunéiformes, disant « Palais de Kapara, fils de Hadianu », suivi d’une malédiction contre quiconque effacerait le nom du roi257. Bien que la femme ne porte pas de cornes, elle est sans nul doute une déesse et il s’agit d’une triade de divinités montées sur leurs animaux-attributs. L’inscription ne mentionne que le dieu Adad et la déesse Ishtar, deux divinités mésopotamiennes, alors que l’on attendrait plutôt Teshub et Hebat, comme l’avait proposé A. Parrot, la troisième divinité pouvant être Shamash258.
Outre ces statues divines, Tell Halaf a livré des statues funéraires qui ne sont pas moins impressionnantes que les précédentes. En cela Guzana ne faisait que recueillir une coutume traditionnelle, héritée depuis plusieurs siècles (cf. ci-dessus, pp. 328 ss.). Cependant si la statue du roi ldrimi d’Alalakh se trouvait dans l’enceinte d’un temple, ce n’est pas le cas des deux statues féminines autour desquelles ont été construits des massifs de briques crues dans lesquels elles étaient enfermées259, au-dessus de détritus et de cendres. Il s’agit de véritables caveaux funéraires pour statues. Les femmes sont assises sur des tabourets, les pieds reposant sur un escabeau. La plus grande est aussi la plus étrange260 (Pl. 267), avec son buste plat et large, l’arête vive des genoux et de la jupe terminée par une lisière en chevrons comme le bas des manches au-dessus des coudes et le dessus des épaules. Le visage triangulaire est levé, avec des yeux sculptés, sans regard ; le nez est busqué, les lèvres sont fines et serrées. Les cheveux couvrent le front bas ; gravés de bouclettes, ils tombent en deux mèches torsadées sur la poitrine et contournant les oreilles couvrent largement les épaules. L’oreille est un enroulement plat. Les deux bras, non séparés du corps, reposent sur les genoux, la main gauche à plat, la droite tenant un bol évasé. Les pieds nus écartés reposent sur un escabeau à quatre pieds. Malgré son caractère massif, le personnage donne une impression d’irréalité par l’absence de toute féminité et ses yeux ouverts sur quelque au-delà.
Par comparaison l’autre femme est beaucoup plus matérielle et tandis que la première était sans âge, cette statue représente une femme dont l’embonpoint est apparent dans les seins bombés et le visage au triple menton261. Alors que la grande statue ne portait aucune sorte de parure, celle-ci a le cou cerclé de trois colliers dont les stries régulières représentent des perles. Sur ses cheveux longs est posée une couronne plate, cannelée à la partie supérieure, analogue à celle de l’homme du sanctuaire (Fig. 86). La robe jusqu’aux chevilles ne porte aucun décor. La main droite tient une petite coupe, la gauche recouvre l’arête des genoux, les doigts tombant verticalement. Rien ne permet de voir dans ces femmes des déesses. Elles sont plutôt de grandes dames, reines ou princesses particulièrement honorées. La coupe évoque un rite funéraire, symbolisant un viatique pour l’au-delà.
À la même catégorie de monuments doit appartenir un couple assis du « lieu de culte », taillé dans un seul bloc de basalte262 (Pl. 268). La femme, à droite, est presque identique à la précédente : même robe unie au décolleté rond avec deux rangs de perles au ras du cou, même couronne plate cannelée, même geste des mains, bien que le poing droit, comme chez l’homme, ne tienne pas une coupe qui était peut-être amovible. L’homme portait la tunique à manches courtes sur laquelle était jetée l’écharpe en biais sur l’épaule droite. Son épaisse chevelure bouclée tombe dans le dos. La lèvre supérieure est rasée et la barbe ovale est faite de mèches ondulées. À la différence des statues en caveaux, le couple avait les yeux creusés pour une incrustation263. Devant la double statue était placée une auge rectangulaire en deux parties de différentes profondeurs séparées par un muret percé de trous, destinée probablement à recueillir le sang des sacrifices. Tout autour se trouvaient de grossières statuettes de basalte, plutôt considérées comme des idoles et dont l’usage remonte aux temps les plus anciens en Syrie264. Certaines, assises dans la même attitude que le couple, n’en diffèrent que très peu265. Un homme aux yeux évidés, coiffé de la couronne plate, tenait à droite une coupe sur son genou266. D’autres exemples représentent une femme debout267 tenant un vase ou les mains sur la poitrine.
Ce qui frappe dans toute cette production du « lieu de culte », c’est l’unité de conception, sinon de réalisation, et avec B. Hrouda, nous la rattachons au culte des morts268, comme les statues enterrées.
À la catégorie des monuments funéraires appartiennent certainement aussi deux statues en basalte, trouvées fortuitement dans un lac asséché à Teftenaz, à 50 km au sud-ouest d’Alep269. Leur facture, rendue plus fruste encore par leur séjour dans l’eau, est proche de celle de Tell Halaf. Toutes deux représentent un homme barbu, coiffé d’une épaisse calotte ronde, vêtu d’un vêtement jusqu’au mollet, bordé d’une frange. L’un est assis, les épaules taillées droit comme la ligne des genoux, la main gauche ouverte sur le genou, la droite tenant une coupe ; l’autre personnage est debout et son corps est traité comme un pilier d’où émergerait la tête. Sa main droite tient une coupe serrée contre lui, la main gauche applique contre le corps une arme courbe.
Le problème chronologique de Tell Halaf a donné lieu à de nombreuses suggestions, même depuis qu’ A. Moortgat a clarifié la question en 1955, lors de la publication des sculptures, qu’il attribue au IXe siècle270. En ce qui concerne les statues, il a séparé les deux exemplaires des caveaux et ceux du « lieu de culte », qu’il estime antérieurs au palais de Kapara, des statues du porche, ces dernières appartenant à la fin du IXe siècle, avant la domination de l’Assyrie en 808 av. J.-C. La complète analogie entre la statue virile du sanctuaire et les statues du porche, de même que celle de la femme du couple et la plus petite des deux statues enterrées montrent qu’il n’y a pas dû y avoir un grand laps de temps entre elles. W.F. Albright, se basant sur des critères stylistiques néo-assyriens, situait l’ensemble entre le milieu du Xe et le premier quart du IXe siècle271, ce que M. Mallowan jugeait peu convaincant272. Il nous semble illusoire de chercher une influence assyrienne dans la facture d’une sculpture de tradition essentiellement syrienne, œuvre d’artistes locaux. Un fait est cependant à remarquer : les statues du palais de Kapara ne sont pas inscrites en hiéroglyphes hittites, ni en caractères phéniciens, mais en cunéiforme. Il faut donc admettre que les Assyriens avaient eu le temps d’introduire leur langue dans le royaume, à défaut de culture artistique. Kapara pourrait donc avoir régné, non avant 808, date où Guzana devint province assyrienne, mais au VIIIe siècle, lorsque l’Assyrie connut de sérieuses difficultés et que la région occidentale lui échappa, en particulier sous le règne d’Assur-nirari V (754-745). C’est aussi le siècle — avant 730 — que préconise E. Akurgal pour les grands reliefs et les statues de Tell Halaf, d’après des critères stylistiques273. La comparaison avec des éléments de Karatépé renforce encore cette hypothèse.
La sculpture assyrienne n’est cependant pas totalement absente à Tell Halaf un buste d’homme illustre une facture provinciale, avec des cheveux sur la nuque, couvrant les oreilles, et une barbe où les bouclettes sur les joues et le menton sont représentées par un quadrillage274. Le style rappelle une statuette en bronze de Leyde (ci-dessus, p. 375 s., n. 75). L’état fruste fait de cette pièce un document plus qu’une œuvre d’art.
Les joues couvertes et la moustache semblent une mode araméenne, de même qu’un bandeau décoré de rosaces fixées sur un ruban. C’est ainsi que se présente une monumentale statue royale de Malatya275, dont il est à remarquer qu’elle n’est pas en basalte, mais en calcaire (Pl. 269). Dressée dans une niche, à la porte dite « des lions », sur une base encore en place, elle avait été basculée en avant du haut de son socle, ce qui entraîna la cassure du nez, de la barbe et du bras gauche. Comme à Zendjirli, elle fut retournée sur le dos par des mains pieuses qui édifièrent autour d’elle une sorte de tombe en pierres taillées sur le sol276. L’œuvre est particulièrement massive avec une grosse tête enfoncée dans les épaules. Sur une longue tunique à manches courtes, bordée par une double frange laineuse dans le bas, est jeté en oblique un ample châle qui forme des plis souples dans le sens de la hauteur ; il couvre l’épaule et le haut du bras gauche, passe sur l’épaule droite, rabattu sur la poitrine où un angle est retenu par la main gauche. Les pieds sont chaussés de sandales dont les lanières entourent le gros orteil et forment une grande boucle sur le dessus du pied, dont M. Mallowan a signalé des parallèles sur des ivoires de Nimrud et sur l’un des Gilgamesh de Khorsabad277. Dans la main droite, le roi tient un petit vase à panse cannelée. Ses poignets sont cerclés d’un bracelet ouvert terminé en têtes de lion ; au-dessus des coudes, un anneau extensible se termine en têtes de lion se chevauchant, analogue à ceux que portent les rois assyriens sur les reliefs, depuis le IXe siècle278. Comme la remarque en a déjà été faite, le personnage est identique à celui qui s’avance, sur un relief de Sakjegözü279 : même costume, même coiffure au bandeau fleuri, même gobelet dans la main droite. À Malatya, le roi porte une double mèche en spirale tombant devant l’oreille, comme un sphinx en relief de Zendjirli, couronné du bandeau à rosaces280. La statue a été attribuée à plusieurs rois de Milid, soit à Mutallu qui fut installé à Malatya en 712281, soit à Tarhunza282, mais quel qu’il soit, certains détails indiquent la seconde moitié du VIIIe siècle, qu’il s’agisse des sandales, des bracelets ou du bandeau fleuri, qui est porté par Sargon à Khorsabad283 et que l’on trouve sur des têtes féminines en ivoire de Nimrud284.
C’est aussi au VIIIe siècle — mais sans doute à sa première moitié — qu’est attribuée une statue colossale en basalte de Karkémish, dont il ne restait qu’un bras et le haut de la tête couronnée d’une paire de cornes sur un bandeau à rosettes285. Ce fragment présente une réelle parenté avec un haut de tête trouvé à Kululu, au nord-est de Kültépé, bien qu’une seule grande rosette orne les cheveux entre une paire de cornes286.
Le site de Kululu est surtout connu à présent pour avoir donné les fragments d’une énorme statue, malheureusement privée de sa tête287 (Pl. 270 a-b). Dressée sur un socle de forme ovale, elle représente un homme, les mains jointes, vêtu d’une tunique à manches courtes, tombant jusqu’aux chevilles, sur laquelle est enroulé un grand châle bordé d’une torsade et d’une courte frange en forme de flammes, qui est replié avec soin et passe sous le bras gauche. Au-dessus du coude droit, un bracelet ouvert se termine par deux têtes de lion à plat, de type assyrien288. Les pieds, mutilés, étaient chaussés de sandales. Si l’ensemble du vêtement est assez semblable à celui du roi de Malatya, avec le pan recouvrant l’épaule droite, la réalisation est totalement différente et en particulier le pli cassé du bord du châle et la frange en flammes, qui étaient déjà connus par le bas d’une grande statue trouvée autrefois à Palanga, plus au sud289, où le devant de la jupe est couvert de hiéroglyphes hittites. La découverte de Kululu met un terme aux opinions précédemment émises d’une influence grecque290. Il apparaît que si elles ont des points communs avec la sculpture araméenne et assyrienne, les statues de Kululu et de Palanga illustrent la fin du courant néo-hittite, manifesté par les signes hiéroglyphiques, au dernier quart du VIIIe siècle. L’absence de tête peut être palliée par un fragment de basalte de Kululu aux grands yeux liserés d’un bourrelet sous des sourcils en arête de poisson qui se rejoignent à la naissance du nez (Pl. 271). Les lèvres et les joues sont bien modelées291. Une courte moustache striée couvre la lèvre supérieure. Il faut regretter les cassures de la coiffure et de la barbe bouclée, car l’œuvre était soignée, malgré la porosité de la pierre.
Il est possible qu’un buste de Karkémish, au visage détruit, soit à dater du VIIIe siècle, car les cheveux finement bouclés sur la nuque ainsi que les restes de barbe bouclée dénotent plutôt un modèle assyrien, bien que le volumineux turban drapé n’ait pas de parallèles292. Woolley a noté qu’il s’agissait apparemment d’une statue assise, vêtue d’une tunique à manches courtes, recouverte d’un lourd manteau bordé d’une large frange. L’inscription de la base (A 13 a-c), en relief dans le creux, est trop détériorée pour être lue. De toutes les statues de Karkémish, celle-ci est la plus soignée ; elle a été intentionnellement brisée, avant que la porte où elle a été trouvée ne tombe en désuétude, bien avant le sac de la ville en 605 sous les coups de Nabuchodonosor, dit Woolley (p. 92) qui pense que sa destruction date de l’époque de Sargon.
Un petit bronze du Louvre, qui a fait l’objet de plusieurs études293, pose des problèmes en raison de son originalité (Pl. 272). Il se présente sous la forme d’un guerrier en marche, pieds nus, les jambes très musclées, les deux poings en avant. Il est vêtu d’un pagne très court, orné de bandes horizontales, dans la ceinture duquel est passé un poignard par devant. Les épaules rondes sont larges et la taille est fine. La tête très droite sur un cou bien proportionné, est coiffée d’un casque à cimier dont les côtés sont ondulés, posé sur le crâne rasé comme l’est le visage. Le nez droit, les yeux allongés, la bouche entr’ouverte, le menton pointu, donnent au visage une physionomie décidée qui coïncide avec l’attitude du personnage. Le fait que la statuette ait été achetée à Marash en 1881 ne prouve pas obligatoirement qu’il s’agisse de son lieu d’origine ; cependant l’attitude des bras en avant, les doigts refermés sur des armes aujourd’hui disparues, correspond à celle des statues de pierre anatoliennes. R. Barnett294 et H. Kyrieleis295 ont opportunément comparé le casque avec celui que portent des ennemis vaincus par les Assyriens sur les portes de Balawat, et par des petits guerriers en bronze de Toprakkale. Ils en concluent que le guerrier du Louvre est ourartéen, ce qui daterait le bronze du IXe siècle, car ensuite les militaires d’Urartu semblent avoir adopté le casque pointu des Assyriens au VIIIe siècle296. La musculature poussée des jambes indiquerait plutôt une influence assyrienne et il faut également tenir compte du fait que le casque à cimier est porté par deux guerriers des reliefs de Karatépé à la fin du VIIIe siècle297, de sorte que le petit bronze pourrait fort bien provenir de la région où il a été vendu et dater du VIIIe siècle, ce qui peut aussi convenir à cinq statuettes de bronze de Tell Halaf, trouvées dans le « lieu de culte » avec les statues de pierre298.
La plus grande de ces statuettes de Tell Halaf est aussi la plus intéressante299 : elle montre un homme debout, vêtu d’une longue tunique étroite jusqu’aux pieds, serrée à la taille par une haute ceinture. Il porte la barbe et les cheveux sur les épaules sont serrés dans un bandeau. Sa main droite est ramenée devant la bouche en geste de prière, tandis que l’autre repose sur la poitrine. C’est l’exacte image d’un orant, dans la tradition du IIe millénaire, tandis qu’une femme assise300, vêtue d’une longue robe, est coiffée d’une couronne plate de même forme que celle des statues en pierre, mais à la différence des statues de pierre, celle-ci soutient ses seins, geste qui n’est pas rencontré ailleurs à Tell Halaf, mais qui est également illustré par une figurine phénicienne de l’Ashmolean Museum, d’influence babylonienne (ci-dessous, p. 429, n. 363).
3) Les VIIe-VIe siècles
La Phrygie, en Anatolie centrale, est tournée autant vers le monde égéen et grec que vers l’Orient. Peu de statues phrygiennes sont connues. Les fouilles pratiquées dans la capitale, Gordion, ont livré une tête fruste en pierre calcaire, demi-grandeur nature, aux traits accentués malgré la cassure du nez et du menton301 ; les yeux bordés d’un double sillon sont grands ainsi que les oreilles et les cheveux tombant jusqu’à la cassure du cou sont couverts, bas sur le front, par un bandeau qui forme calotte. Le sexe n’est pas vraiment identifiable. Le fouilleur, R. Young, l’a datée de la seconde moitié du VIe siècle, par comparaison avec le petit joueur de lyre de l’étonnant groupe de la déesse Cybèle découvert à Bogazköy302, qui date de l’époque où l’ancienne capitale des Hittites est devenue phrygienne303. Encadrée de deux musiciens le long de ses jambes, la déesse porte un long vêtement plissé verticalement sur le côté droit de la jupe et en demi-cercles horizontaux sur le côté gauche, ce qui est caractéristique du costume féminin phrygien, comme le montrent des reliefs de la déesse304. Les deux mains sont ramenées sur la poitrine, la gauche tient une pomme. La tête n’est pas enfoncée dans les épaules, mais le cou est cependant court et massif. Le menton est volontaire, les grands yeux sont globuleux. La coiffe est un haut polos cerclé horizontalement et s’évasant en pommeau arrondi. Les petits personnages, vêtus d’un cache-sexe, jouent chacun d’un instrument de musique : celui de gauche souffle dans une double flûte, les joues serrées par une courroie qui empêche les joues de gonfler et qui était utilisée par le joueur grec d’aulos305, tandis que l’autre joue d’une lyre à sept cordes et caisse arrondie qu’il tient contre son épaule gauche306. Ce thème de la déesse entre deux musiciens s’est perpétué en Phrygie pendant des siècles, comme l’atteste un groupe en terre cuite d’époque romaine (IIe siècle ap. J.-C.) provenant de la région d’Eskiçehir, à quelque 140 km à l’ouest de Gordion : une tête à long cou est posée sur un socle, flanquée à sa gauche d’un joueur de double flûte, le musicien de droite ayant disparu307.
Une autre découverte de Gordion est une petite figurine féminine en ivoire308, vêtue d’une longue robe fourreau, les bras croisés ; le polos cylindrique rappelle la figurine de « fileuse » au polos de l’Artemision d’Éphèse309. Ici aussi, le visage est nettement oriental avec des yeux allongés et des traits accusés. La date probable, d’après le fouilleur est la fin du VIIe ou le début du VIe siècle. Une influence non moins orientale est apparente sur une statuette en bronze d’Éphèse, dont la tête est forte par rapport au corps310. Le long nez est busqué, la bouche est grande, les yeux sont largement ouverts. La tête est recouverte d’un voile qui descend dans le dos, maintenu sur le front par un bandeau qui laisse passer des boucles de cheveux. Les bras tombent le long du corps et les mains sont posées à plat sur les hanches. La robe, serrée à la taille par une ceinture, est entièrement plissée suivant la mode phrygienne, sauf sur le côté droit et dans le dos de la jupe. Également à Éphèse, parmi des sculptures typiquement grecques, a été découverte une tête féminine mutilée d’un type tout différent311 : il n’en reste que le visage aux yeux légèrement obliques et à la caroncule allongée, au grand nez à narines dilatées, à la bouche délicatement dessinée, au menton rond et aux joues pleines.
Plus au nord, la capitale de la Lydie, Sardes, a livré une petite tête féminine en ivoire, découverte dans une nécropole du VIe siècle, qui appartenait probablement à une statue en autre matière312. La coiffure manque et il n’y a aucune trace de cheveux. Les yeux sont allongés, le nez fin et droit, les lèvres sont bien modelées. De grands disques en rosaces ornent les oreilles, d’une forme et d’un style que l’on pourrait croire achéménides, si bien que cette tête pourrait être une importation, ce qui n’aurait rien de surprenant, car la cité lydienne était, d’après Hérodote (V, 52-54), le terminus de la Route Royale partant de Suse à l’époque achéménide, ce que confirment d’autres objets de la nécropole de Sardes, en particulier des cylindressceaux. Cependant, comme l’a signalé R. Barnett313, une tête féminine en terre cuite de Praisos, en Crète orientale, porte le même type de boucle d’oreille et, d’autre part, l’ivoire de Sardes présente la particularité d’avoir un croissant gravé sur chaque joue, ce qui peut indiquer une prêtresse du dieu lune, culte attesté en Lydie314. Que l’objet soit perse ou lydien, il ne porte pas de trace d’influence grecque.
Phénicie — Palestine
Comme au IIe millénaire, l’influence égyptienne reste dominante sur le littoral méditerranéen. Une illustration en est notamment fournie par un buste du pharaon Osorkon Ier (924-895), dédié en phénicien par le roi de Byblos Elibaal à Baalat Gebal, « la Dame de Byblos » dans sa ville315. Son père, Sheshonq I, dont une statue fut également retrouvée en fragments à Byblos316, avait mené une expédition victorieuse en Palestine vers 930, dont l’écho se trouve dans la Bible (I Rois XIV, 25-26 ; II Chron. XII, 2 ss.). De leur côté, les rois assyriens Salmanasar III, Adad-nirari III au IXe siècle, Tiglat-Phalasar III, Salmanasar V, Sargon II au VIIIe siècle, firent campagne contre la Syrie et la Palestine qui se trouvaient perpétuellement prises en tenaille entre leurs encombrants voisins. C’est pourtant l’Égypte qui laissera son empreinte la plus forte.
Statues en pierre
La question d’un art phénicien ou araméen, au Ier millénaire, a été abordée, mais pour la ronde-bosse, les exemples épars ne constituent pas un groupe suffisamment cohérent pour justifier de telles appellations, à moins qu’elles se définissent par un syncrétisme de la sculpture égyptienne et nord-syrienne.
Deux statues royales, trouvées fortuitement à Amman en 1950 et hors contexte, illustrent bien ce syncrétisme317 (Pl. 273-274). Toutes deux barbues, elles se présentent debout, le bras droit collé au corps — caractéristique égyptienne — et la plus grande, qui mesure 81 cm, est coiffée d’un couvre-chef inspiré de la couronne atef, avec les plumes latérales. L’autre personnage tient dans la main gauche une fleur de lotus, comme le roi Ahiram sur le sarcophage de Byblos318. Mais là s’arrête l’emprise de l’Égypte, car le canon extrêmement court et l’absence du cou avec une tête forte attestent un courant syrien, renforcé encore par l’absence de moustache, mode que l’on observe dès la deuxième moitié du IIe millénaire, en particulier chez Idrimi (ci-dessus, p. 327 s.) et qui a été adoptée par les Néo-hittites.
La coiffure de la plus petite statue319, avec ses cheveux ondulés tombant en boucles dans le cou et rejoignant la barbe, serrés par un mince bandeau, rappelle celle des porteurs de mets sur un relief de Karatépé de la fin du VIIIe siècle320. La comparaison s’impose avec une petite tête d’ivoire du « Burnt Palace » de Nimrud où les cheveux longs sont serrés par un bandeau321 et plus encore avec une tête en terre cuite trouvée en Moab, à 35 km à l’est de la Mer Morte, au Khirbet el Medeiyineh322 : on y retrouve le bandeau, la chevelure bouffante dans le cou, et la barbe en pointe qui dégage les lèvres.
Le costume des statues d’Amman consiste en une longue tunique — plissée pour l’une — à manches au-dessus du coude, sur laquelle est jetée une écharpe qui couvre la poitrine en oblique et l’épaule gauche et, couvrant le haut du dos, se termine amincie sur le devant droit de la poitrine. Le procédé est le même sur le relief de Zendjirli où Barrekub est assis323, mais aussi sur des plaques d’ivoire de Nimrud où les hommes barbus sont des étrangers présentant des affinités avec les Syriens du Nord324. La peinture rouge qui recouvrait la plus petite des statues est encore visible par places sur le visage et sur le vêtement ainsi que le haut socle cubique sur lequel une inscription araméenne de deux lignes avait été gravée à travers la peinture ; la lecture en est maintenant difficile325.
D’autres statuettes du même type ont été découvertes dans la région d’Amman, qui présentent le même canon court, la tête forte enfoncées dans les épaules : à Khirbet el-Hajjar, une statuette masculine, coiffée de la couronne atef et une statuette féminine offrent ces caractéristiques326. La femme avait les mains jointes, aujourd’hui cassées. Elle porte une tunique jusqu’aux hanches sur une jupe droite qui rejoint le socle, échancrée devant pour libérer les pieds nus. Deux pans droits tombent de la tunique devant, sorte d’étole que portent aussi les deux statues royales masculines327. La lourde chevelure, partagée par une raie au milieu, est formée de larges mèches parallèles qui contournent les oreilles et finissent en boucles sur les épaules. Le lobe est traversé par un anneau auquel sont suspendus trois pendentifs ronds. Une parure identique apparaît aux oreilles de quatre têtes à double visage trouvées à Amman328, dont la fonction n’est pas claire : un trou au sommet et en dessous indique nettement que ces têtes aux yeux incrustés faisaient partie d’un ensemble architectural329. La chevelure en mèches parallèles s’apparente à celle de la femme de Khirbet el-Hajjar et cette coiffure hathorique est aussi proche de celle de la « femme à la fenêtre » des ivoires d’Arslan Tash, de Khorsabad, de Nimrud et de Samarie330.
Alors que ces statues se signalent par une absence de cou, deux têtes au contraire présentent un long cou. L’une en granit rose d’Amman331 est coiffée de la couronne osirienne et porte la barbe en collier, comme la grande statue royale d’Amman. Le cou fort et long devait s’insérer dans un trou ménagé dans le corps d’une statue, comme c’était le cas pour un buste presque grandeur nature, trouvé à Amman en même temps que les deux statues332. Un grand trou était ménagé à la naissance du cou pour une tête sculptée séparément. L’homme était vêtu d’un châle à décolleté pointu devant et arrondi derrière, bordé d’une lisière à festons, peints alternativement en rouge et en noir. L’autre tête d’Amman, prolongée par un cou, porte une barbe en pointe, des cheveux curieusement traités en courtes mèches comme des écailles ; les yeux étaient autrefois incrustés333. Malgré des traits communs, il y a donc une diversité de facture dans cette sculpture de la région d’Amman : statues au canon court sculptées en une pièce ou statues à tête rapportée ; les yeux sont soit sculptés, soit incrustés, en ivoire et en pierre noire, comme on le voit sur les têtes à double visage citées plus haut334.
L’ensemble de ces statues, bien localisées dans la région d’Amman, laisse à penser qu’elles émanent du royaume ammonite, dont Amman était la capitale, sous le nom de Rabbath Ammon, mais à quelle époque ? David fut en guerre contre Ammon et le royaume ne reprit son indépendance qu’à la faveur du schisme de la succession de Salomon après 931. Une certaine parenté avec la ronde-bosse néohittite du VIIIe siècle pour les proportions, certains détails du costume masculin, sur le relief de Barrekub de Sam’al323, contemporain de Tiglat-Phalasar III (744-727) et sur des ivoires de Fort-Salmanasar de Kalah324, occupé par Sargon II (721-705) amènent à la seconde moitié du VIIIe siècle. De même la coiffure de « la femme à la fenêtre »330 et une femme nue en ivoire de Fort-Salmanasar, parée d’anneaux d’oreille à pendeloques335, indiquent que la statue féminine de Khirbet el-Hajjar ne devrait pas s’écarter de la même époque.
Quelques torses phéniciens, non stratifiés, présentent les caractéristiques de la statuaire égyptienne, avec un bras le long du corps, le torse nu, paré parfois d’un large collier en collerette, vêtu de la shendit plissée, traitée avec grande liberté, une jambe en avant. Une statue de Tyr, sans tête ni jambes, se présente ainsi336 (Pl. 275). De la ceinture du pagne aux plis transversaux tombait un large pan terminé par deux uraei symétriques à tête relevée qui caractérisent la ceinture royale égyptienne. En la publiant, M. Chehab l’a comparée avec le torse colossal de Sarepta/Serafend, acquis par le Louvre en 1857337 (Pl. 276). En effet le pagne avec la ceinture à uraei est très semblable. Ce monument massif n’est pas en réalité une statue, mais un haut-relief taillé sur un pilier carré ; il constitue donc un élément architectural et il flanquait vraisemblablement le côté droit d’une porte ; la jambe gauche n’était qu’esquissée, de façon à se détacher en relief contre le mur. Un autre personnage symétrique devait s’élever en face de lui. Il peut s’agir d’un dieu ou d’un génie protecteur. Il faut noter le pendentif en forme de croissant pointes en bas encadrant un disque, motif oriental et non égyptien338.
Toute une série de torses masculins en shendit, appuyés contre un pilastre, proviennent du temple hellénistique de Milk’ashtart à Umm el Amad. Leur caractère égyptisant s’impose, tant par ce pilastre dorsal, que par l’attitude et le vêtement ; aucun d’eux n’a conservé sa tête. L’une de ces statues, adossée à un haut pilier dorsal, se trouvait contre le jambage droit de la porte principale du temple339. Une inscription phénicienne de 3 lignes portait une dédicace à Milk’ashtart el-Hammon par un certain ’Abdosir, fils de Arish et le texte a été gravé « avec certitude dans le IIe siècle » av. J .-C.340 Le torse est nu, sans parure, et la shendit est unie. Le bras gauche pend le long du corps, le poing fermé sur un objet cylindrique, l’avant-bras droit était plié vers l’avant. D’après M. Dunand, « elle faisait pendant à une autre statue dressée, elle, à gauche de cette même entrée et consacrée aussi à Milk’ashtart el-Hammon »341 par ʾAbdoshmun, mais seul le socle inscrit a été préservé. Le fouilleur pense qu’un torse anépigraphe du Louvre, dans la même attitude, pourrait convenir à ce socle342. Celui-ci porte les colliers en collerette et le pagne à pans terminés par les deux uraei à tête dressée.
Deux torses frustes sont inscrits au nom de Baal-Shillem et sont dédiés, l’un au dieu El, l’autre à Osiris343, tandis que deux autres sont anépigraphes344. Ces statues d’Umm el Amad dénotent une certaine raideur, mais l’état de la pierre ne permet pas d’en apprécier la qualité qui semble cependant assez médiocre.
Un torse trouvé dans l’étang de Marsala, en Sicile, devait provenir de la colonie phénicienne fondée à Motya en Sicile occidentale345. Il appartient à la même série de statues égyptisantes, avec son bras droit le long du corps, le gauche ramené sur la poitrine, la shendit plissée verticalement. La date attribuée par S. Moscati est « VIeVe siècle av. J.-C. ». Quoi qu’il en soit, Motya ne semble plus avoir été habité après sa destruction par les Grecs en 397 av. J.-C.346.
Peut-être un peu plus ancien est un torse en basalte d’homme à demi agenouillé, trouvé dans le remblai d’un bâtiment à Hama347 (Fig. 88). Bras et jambes sont cassés, mais l’amorce des bras laisse supposer qu’ils étaient levés et les cassures du tronc montrent que le personnage était à demi agenouillé ; il pourrait s’agir d’une sorte d’atlante accroupi, vêtu d’un pagne plissé. Malgré la nature de la pierre, le modelé est bon et le sculpteur a su se dégager de l’influence égyptienne par la liberté de mouvement et l’attitude qui excluait le pilier dorsal.
88. Hama. Torse d’homme à demi agenouillé. Basalte.
Le rôle et l’identification de ces statues ne sont pas évidents. Sont-ils des dieux ou des humains ? Le choix est rendu plus difficile encore par l’absence de tête. Les statues inscrites au nom d’un personnage qui l’a vouée à un dieu représentent probablement le dédicant qui a généralement été considéré comme porteur d’animaux de sacrifice. Il faut cependant remarquer que le bras détaché du corps est toujours cassé et que l’animal n’est jamais attesté. Les dates sont également loin d’être assurées et il semble que ces statues phéniciennes aient été créées durant plusieurs siècles, entre le VIe et le IIIe siècles. Il se peut qu’elles soient contemporaines de la XXVIe dynastie (663-525) ou de la XXXe dynastie (378-341), époques où l’Égypte étendit son activité en Méditerranée348. Les statues d’Umm el Amad ne devraient pas être plus récentes et certaines ont pu être réutilisées et inscrites ultérieurement.
Statues en bronze
Les bronzes phéniciens sont également fortement influencés par l’Égypte349. Une statuette féminine égyptisante, à la tête encore recouverte d’une feuille d’argent, porte sur le sommet du crâne les cornes de vache de la déesse Hathor entourant le disque et ornées à la base de deux palmettes350 (Pl. 277). Les cheveux contournent les oreilles qui sont perforées de deux trous superposés. Les hanches minces sont étroitement moulées dans une longue jupe à ceinture basse, serrant les chevilles au-dessus des pieds joints, qui sont chaussés de sandales à lanières. La main droite est ouverte pour la bénédiction et le poing gauche en avant devait tenir un objet. Du devant de la ceinture tombent deux pans courts terminés par une courte frange. La date est difficile à préciser : en effet la coiffure hathorique appelle un rapprochement avec « l’égide » trouvée dans le temple de Thutmosis III (1504-1450) à Beth Shan, où le visage féminin encadré de cheveux longs derrière les oreilles est recouvert d’une feuille d’or et surmonté du disque entre les cornes351, mais c’est sans doute de Samos que provient le plus proche parallèle avec la statuette d’une femme en long vêtement collant à ceinture basse sur les hanches d’où tombe un pan frangé352. Les cheveux longs tombent sur les épaules, striés de haut en bas et contournant les oreilles. Les bras étaient pliés vers l’avant ; l’avant-bras droit est cassé, mais l’angle du coude autorise l’hypothèse du geste de bénédiction ; la main gauche fermée devait tenir un objet. L’espace de temps d’occupation de l’Heraion de Samos, entre le milieu du VIIIe et le milieu du VIIe siècle donne une approximation pour la statuette du Louvre et aussi pour une figurine des environs de Tell Dan en Haute Galilée, aux sources du Jourdain353, où la femme est en marche, le bras droit levé pour brandir une arme disparue. Sa main gauche portée en avant est fermée comme chez les statuettes précédentes. La chevelure courte et bouffante à l’égyptienne ainsi que le corps moulé dans une longue robe à ceinture sous la taille offre un exact parallèle à une statuette du Louvre, provenant de Faqra au Liban354 (Pl. 278). Celle-ci se distingue par une coiffure égyptienne très compliquée, dérivée de la couronne atef, flanquée de deux uraei disposés sur des cornes de bélier en lyre et reliée à la chevelure bouffante par un uraeus dressé sur le devant de la tête. Les oreilles sont percées de deux trous superposés. La longue robe collante à manches courtes est gravée d’ondulations verticales et de la ceinture unie tombe par devant un pan strié en échelle, à la base duquel se dresse de part et d’autre un uraeus, comme sur le pagne du torse de Sarepta (ci-dessus, p. 424). Il y a là une adaptation des motifs et des thèmes égyptiens, propre à la Phénicie, ce type de robe et le pan de ceinture n’étant pas attestés en Égypte. R. Barnett a attiré l’attention sur la similitude de la déesse avec celle qui est gravée sur les deux faces d’une hache votive courbe du musée de Beyrouth355 où la déesse guerrière brandit un cimeterre de la main droite et tient à gauche une sorte d’éventail ovale qui peut servir de bouclier. Dans sa ceinture est passée une longue épée à pommeau arrondi. Deux petits personnages à demi agenouillés lui rendent hommage. L’identification avec la déesse de la guerre Anat, sœur de Baal, est très plausible et peut convenir à la statuette du Louvre, AO 4049.
Les cheveux courts à l’égyptienne sont portés par une femme debout en long fourreau collant dont les épaulettes sont constituées par un serpent sur chaque épaule356 (Pl. 279 a-b) ; les deux bras sont coudés vers l’avant, le poing gauche fermé.
Le cas du char de l’ancienne collection De Clercq, maintenant au Louvre357 (Pl. 280) est un exemple frappant de la difficulté de dater des œuvres en l’absence de stratification, puisque les critères les plus objectifs avancés par les auteurs d’une récente étude358 ont abouti à la date de la domination perse, VIe-IVe siècle pour le char, d’après des considérations techniques de fabrication (Littauer/Crouwel) et pour les deux occupants égyptisants à une attribution du XIVe ou du XIIIe siècle (Collon) qui avait été celle de P. Amiet. Deux personnages de taille inégale sont debout côte à côte dans le caisson rectangulaire d’un char à deux roues et deux timons. Tous deux sont vêtus d’une jupe collante identique, à ceinture basse déterminant un bourrelet dans le dos qui traduit les fesses. Le plus grand (12,8 cm) porte la couronne atef surmontée du disque et flanquée des plumes fixées sur deux cornes de bélier horizontales ; un trou au-dessus de la naissance de chaque corne était sans doute destiné à une autre paire de cornes pointant en avant à la mode syrienne ; de la base postérieure de la couronne pend une longue mèche s’évasant légèrement sur les omoplates, striée horizontalement. Les oreilles sont percées de deux trous en haut et en bas, les yeux sont gravés et non incrustés. Le bras droit passant derrière la tête de son compagnon est levé à angle droit pour brandir horizontalement une arme, tandis que le bras gauche s’avance, poing fermé sur une autre arme. Le plus petit personnage (10,5 cm) portait un carquois oblique dans le dos, maintenu par un baudrier sur la poitrine ; les deux bras, dont le droit est cassé au coude, s’avançaient parallèlement pour tenir les rênes de la monture. Le couvre-chef est tout-à-fait différent, décrit par D. Collon comme « une étrange variante de la couronne blanche égyptienne, crétée de profil, avec une arête descendant devant, décorée de lignes incisées transversales. Deux cornes sont appliquées sur la partie inférieure de la coiffe et sont arquées comme des sourcils géants »359. Les oreilles sont également percées. Il pourrait s’agir d’une femme ce qui justifierait la petite taille. Si les dispositions du char ne peuvent avoir existé au IIe millénaire, il est logique d’attribuer le monument à l’époque achéménide, ce que justifie le port de la couronne atef compliquée. Plus étrange encore est la coiffure à disque, cornes et plumes d’un buste de divinité au bras droit levé360 qui dénote un abâtardissement de l’influence égyptienne à l’époque perse.
À côté de cette production sur laquelle l’Égypte a fortement marqué son ascendant, d’autres sculptures ont préservé leur indépendance et c’est le cas d’une statuette de Baalbek de femme assise, vêtue d’une longue robe, les cheveux sur les épaules, partagés par une raie au milieu361. La main droite bénit, le poing gauche est fermé. Les traits accentués du visage et l’absence de cou indiquent une facture locale d’influence syrienne et l’on peut lui comparer une figurine féminine debout de Tell Halaf362. Plus babylonienne de conception est une figurine acquise à Alep, d’une femme soutenant ses seins, vêtue d’une jupe à trois volants, dérivée du vêtement des divinités de la 1ère dynastie de Babylone363. Ici aussi les traits du visage sont accentués. Les cheveux, au lieu de tomber dans le dos, sont nattés autour de la tête.
Le site de Gezer a livré une déesse nue, les bras le long du corps, de facture grossière364. Elle porte une coiffure cylindrique arrondie au sommet avec deux cornes tombant le long des joues ; les cheveux ne sont pas indiqués. Un sillon creusé dans le dos depuis le haut de la tête jusqu’aux pieds peut indiquer un revêtement d’or ou d’argent, aujourd’hui disparu. Il s’agit probablement d’une déesse Astarté365.
Ivoire
La production d’ivoire comporte peu de statuettes autonomes. Encore est-il difficile de déterminer avec certitude s’il ne s’agit pas de récipients ou de manches d’ustensiles. De véritables statuettes existent cependant, faites de plusieurs morceaux : tête, pieds et bras étant ajoutés au corps cylindrique. Deux statuettes creuses sans modelé, privées de leur tête, ont été acquises au milieu du XIXe siècle par l’assyriologue F. de Saulcy lors d’un voyage en Palestine et offertes par lui au Musée du Louvre366. Les bras en léger relief sortent d’une courte cape qui dégage la poitrine et remontent pour soutenir les seins. La longue jupe présente deux échancrures pour laisser passer les pieds qui sont amovibles. L’une d’elles (AO 24011) présente une adaptation du costume perse achéménide avec les plis semi-circulaires dans le dos. Toutes deux portent dans le dos le contrepoids du collier égyptien ousekh367. Une statue masculine est revêtue du même costume perse368. Le corps, au lieu d’être cylindrique est assez plat. Les avant-bras, qui ont disparu comme la tête et le pied droit, étaient fixés dans deux cavités de chaque côté au-dessus de la haute ceinture dans laquelle est passée une épée à large fourreau. L’homme portait un collier à contrepoids du type égyptien menat369. Cette statuette, acquise en Égypte au milieu du siècle dernier, fait partie de la production du Levant à l’époque achéménide.
Animaux
L’art animalier occupe une place importante au Ier millénaire et spécialement grâce aux nomades venant d’Asie centrale, transitant par le Caucase ou par l’Iran. Mais du fait que ces populations étaient nomades, elles ne s’encombraient pas de ronde-bosse, si bien que les plus beaux exemples d’animaux n’entrent pas dans le cadre de cette étude. Par ailleurs, les animaux gardiens, déjà en honneur au IIe millénaire, en Mésopotamie et en Syrie, continuent à être sculptés en haut-relief sur les jambages des portails. Le lion domine à peu près partout et le cheval tient une place nouvelle.
Babylonie
En Babylonie, le lion est représenté par deux techniques totalement différentes avec la lionne en terre crue de Warka et le lion monumental en basalte de Babylone. Le premier exemple est tout en souplesse, l’argile permettant à l’artiste de traduire au mieux son don d’observation370 (Pl. 281). Le félin est saisi au moment où, tapi, il guette sa proie vers laquelle il s’avance avec précaution, tête baissée. La terre n’a pas été enlevée entre les pattes et sous la longue queue pendante, mais cela ne nuit en rien au mouvement imprimé à l’animal. La comparaison avec les animaux cassites en terre cuite d’Akarkuf (ci-dessus, p. 350 ; Pl. 227) l’a parfois rapproché de cette époque et il est particulièrement dommage que la double inscription de trois lignes sur le haut du dos et de quatre lignes sur l’épaule gauche soit illisible. Il faut cependant tenir compte du fait que l’objet a été trouvé sous le plâtre de la niche cultuelle d’une des deux chapelles au pied de la ziggurat de l’Eanna qui peuvent être attribuées à Marduk-apal-iddin II (Merodach Baladan) qui régna à la fin du VIIIe siècle. Si la lecture par G.R. Meyer des signes apal-iddina371 pouvait être confirmée, la lionne serait bien à dater du souverain. En fait l’art babylonien du Ier millénaire est mal connu et cette petite sculpture est l’œuvre d’un artiste qui échappe au temps. Alors que l’argile modelée et la fonte du métal permettent toutes les finesses, la taille du basalte une fois de plus s’accommode mal du détail, comme en témoigne l’énorme bloc dans lequel a été sculpté le lion piétinant un homme372, dégagé à Babylone en 1852 par la mission Fresnel373 (Pl. 282). Le fauve est debout, les pattes antérieures particulièrement massives sur la même ligne, cachant le buste de l’homme allongé sous lui, alors que les pattes postérieures sont décalées dans la marche, la patte gauche cachant le pied droit de l’homme. La crinière n’est pas détaillée et forme une masse d’où émerge la tête au mufle endommagé, épannelée à grands coups de ciseau. L’homme est vêtu d’une étroite jupe arrêtée au-dessus des genoux. Son bras droit est levé contre la panse du fauve, le gauche levé disparaît sous la patte droite. On a pensé que l’œuvre était inachevée ou que les intempéries avaient supprimé les détails. W. Nagel croit à la possibilité d’un revêtement de peinture ou de métal374. Bien des questions ont été posées — et non résolues — à propos de ce monument, qu’il s’agisse de l’origine de la pierre, de la date ou du thème de l’homme piétiné par un animal. Le basalte a dû être apporté de Syrie du Nord, mais a-t-il été transporté à l’état brut ou déjà sculpté ? La première hypothèse paraît la plus probable, car il faut tenir compte du fait que de nombreux fragments de basalte appartenant à des lions ou à des taureaux ont été trouvés par Koldewey à Babylone375, que l’archéologue considérait d’ailleurs comme du butin de guerre. Cela prouve en tout cas que le basalte était apprécié à Babylone, mais à quelle époque ? On a supposé que le lion et tous les fragments appartenaient au « musée de Nabuchodonosor », comme les statues de Puzur-Ishtar de Mari (ci-dessus, p. 240). Cependant une tête de lion en basalte, dont le mufle a été arraché376, par sa forme arrondie et par la stylisation de la crinière en losanges ourlés, est très proche de lions achéménides de Persépolis377 ou du lion de bronze de Suse378, inspiré de celui de Khorsabad (ci-dessous, p. 437). Elle pourrait donc dater de la domination perse, lorsque Babylone avait encore rang de capitale. Il nous semble cependant qu’une date aussi basse ne doit pas être retenue pour le lion piétinant un homme379. Comme l’a noté M. Mallowan, ce thème est illustré dans les ivoires de Nimrud380, en particulier dans les deux exemplaires polychromes de la lionne dévorant un Nubien dans un champ de lotus381 ainsi que sur des fragments du British Museum382. Il a même dû être introduit plus tard en Occident par les Romains, car un relief trouvé à Lillebonne, près de Rouen présente une composition analogue où le lion est remplacé par un griffon383. L’attitude générale du lion peut être mise en parallèle avec celle de deux lions en basalte de Hama384, trouvés en morceaux devant un bâtiment du niveau E (IXe-VIIIe siècles). Certes la crinière et le mufle du lion sont sculptés en détail de courtes mèches superposées, mais outre les dimensions générales qui diffèrent peu, il y a une grande similitude dans les pattes antérieures massives, formant une figure trapézoïdale avec la patte postérieure la plus éloignée385. De même la queue tombe sur le sol et son extrémité est enroulée. Sans pouvoir affirmer que le lion de Babylone est une commande à un sculpteur syrien ou un trophée de guerre, sa date pourrait se situer vers le IXe ou le VIIIe siècle av. J.-C.
Assyrie
Alors que l’Assyrie a produit les plus beaux exemples de sculpture animalière en pierre, en particulier avec les lions gardiens de porte en haut-relief à Nimrud ou surtout avec les chasses d’Assurbanipal à Ninive, la ronde-bosse en pierre ne nous est guère connue. Tout au plus peut-on citer un singe d’Assur, debout les bras ramenés sur le ventre386, encore peut-on supposer que le basalte dans lequel il est taillé indique une importation de Syrie ou de Phénicie. Malgré les nombreuses cassures des pieds, du bas du dos, de l’épaule gauche, l’attitude de l’animal est bien observée et traduite par grands plans, l’essentiel étant seul indiqué.
Si nous ne connaissons pas de vraies statues de lion en pierre, par contre les lions couchés en bronze de Nimrud et de Khorsabad sont des pièces magnifiques par le réalisme du fauve387. Certains d’entre eux reposent sur un socle rectangulaire plus ou moins épais. La musculature des pattes est puissante, sans être outrée. La queue remonte sur l’arrière-train. La crinière, traitée en languettes se recouvrant, est plus développée sur le lion de Khorsabad où elle continue sous le ventre et les flancs jusqu’aux pattes postérieures. La partie formant collier autour de la tête est traitée comme un bourrelet strié. Le devant du mufle est stylisé en palmettes, mais pas de façon aussi poussée que celui du lion d’époque achéménide à Suse (ci-dessous, p. 437).
La grandeur décroissante des 16 fauves de Nimrud, trouvés ensemble dans la salle du trône du palais Nord-Ouest, les a fait interpréter comme des poids388. Ils sont inscrits aux noms des rois du VIIIe siècle, Salmanasar V, Tiglat-Phalasar III, Sargon II et Sennacherib, qui régna de 705 à 681. Ceux qui ont un fort anneau sur le dos, comme le lion de Khorsabad, semblent plutôt avoir joué un rôle de gardien, car ce dernier était scellé dans le sol et enchaîné à un autre anneau fixé dans le mur389. Ces lions de bronze avaient donc plusieurs fonctions. Les plus petits exemplaires, qui ne reposaient pas sur un socle, ont probablement joué le rôle de poids. Parmi ceux-ci, un petit lion trouvé par M. Mallowan dans le même palais Nord-Ouest, sans anneau et dans une position moins hiératique, la tête tournée vers la gauche, portait quelques signes araméens gravés en dessous, mais malheureusement indéchiffrables390.
Urartu
L’art animalier ourartéen a laissé des éléments caractéristiques par le côté décoratif d’une stylisation poussée, allié à la puissance de la bête figée dans un temps d’action. La plupart appartiennent à des meubles ou à des ustensiles et ne sont cités ici que par la qualité du travail en ronde-bosse, qu’il s’agisse des nombreuses têtes de taureau qui ornaient par séries de quatre les grands chaudrons typiques de la civilisation d’Urartu391, ou bien des animaux cornus, taureaux ou lions, qui ornaient le trône de Toprakkale (ci-dessus, p. 383). Ceux qui portaient un dieu debout étaient couchés, gueule ouverte, la crinière stylisée en séries de bouclettes à plat392 comme celle des têtes de taureau. Un griffon ailé, fortement campé sur ses quatre pattes terminées en serres d’aigle a appartenu au même ensemble393. Sa tête d’aigle est surmontée d’un appendice cylindrique, cerclé d’une double frise de pleins et de vides primitivement incrustés, qui atteste que l’animal faisait partie d’un ensemble. Tout le corps est gravé d’écailles arrondies qui imitent les plumes ; les grandes ailes sont côtelées horizontalement et striées en arête de poisson. Les deux pattes postérieures sont décalées dans la marche. Contrairement aux autres animaux qui ont tous la gueule ouverte, celui-ci a le bec fermé. Les yeux et un arc qui les surmonte étaient creusés pour une incrustation et des traces d’or sont encore visibles sur la surface. Une forteresse à l’ouest du lac de Van, sur le site de Kayalidéré, a livré en 1965 un petit lion couché rugissant394. La forme de la tête de face s’inscrit dans un losange où tous les détails sont fortement stylisés ou accentués, qu’il s’agisse de la gueule ouverte aux dents soigneusement détaillées ou de la moustache en palmettes. La crinière est traitée en écailles et la musculature du dos et des pattes est soulignée par des sillons ; sur le côté des pattes avant est gravé un motif « en forme de tulipe », suivant l’expression de M. Van Loon, que nous avons déjà rencontré sur le lion à buste humain de Toprakkale (ci-dessus, p. 384)395 et que l’on retrouve sur un petit lion en bronze de Patnos, au nord du lac de Van, tout à fait semblable, mais sans crinière gravée396. Les lions de Kayalidéré et de Patnos proviennent de temples dont Seton Lloyd a souligné la similitude397 et qui sont datés des VIIIe-VIIe siècles, comme un lion couché, gueule ouverte, en ivoire de plus grande taille, trouvé à Altintépé, plus à l’ouest398. Celui-là ornait un des pieds d’un trépied en bronze, les deux autres exemplaires ayant disparu. Seules les pattes antérieures et la tête étaient en ivoire plein, le reste du corps était recouvert d’éléments fixés sur un noyau d’une autre matière qui s’est désintégrée et qui, suivant T. Ôzgüç, pouvait être du bitume. Les caractéristiques du fauve sont les mêmes que celles des lions en bronze, en particulier des plaques rectangulaires sur la croupe, les palmettes du mufle et des plis de peau en palmettes sous les yeux, mais on ne trouve pas le motif « en tulipe » sur les pattes antérieures.
À Altintépé également, un autre lion en ivoire témoigne de l’art ourartéen399, mais il est assis sur ses pattes postérieures, la tête face à gauche, inscrite dans un losange. Comme pour les petits lions de bronze, la gueule est ouverte sur les dents, les moustaches sont stylisées en palmettes. La crinière est gravée d’un quadrillage, primitivement recouvert d’or. Un trou rectangulaire en dessous indique que l’animal était fixé sur un objet.
Le talent des bronziers est tout particulièrement apparent dans une tête de cheval de Karmir-Blur qui devait décorer un chariot au VIIIe siècle av. J.-C.400. L’animal est frémissant de vie, à l’écoute de son maître. Il appartient à une race à crinière touffue qui monte jusqu’au-dessus des yeux et couvre la nuque ainsi que toute la partie postérieure du cou ; elle est sobrement traitée en mèches ondulées à plat.
Toute la partie postérieure de la crinière et des oreilles a été fondue séparément et soudée à la partie antérieure.
Le cheval a joué un grand rôle chez les Scythes et non seulement le harnachement a été une de leurs grandes préoccupations, mais la représentation de l’animal a servi d’ornement, soit comme têtes d’étendard401, soit comme élément en ivoire402. Dans ce dernier exemple, en contraste avec le cheval de Karmir Blur, il y a une simplification des lignes qui n’exclut pas cependant le naturalisme. Les têtes en bronze représentent un âne sauvage de la steppe, aux grandes oreilles dressées, tandis que la tête en ivoire est bien celle d’un cheval. Ces objets ont été trouvés dans les tombes en tumulus de Kelermès, au Kuban (Caucase), datées du début du VIe siècle av. J.-C.
Iran
La production d’Iran du Nord au début du Ier millénaire est sensiblement la même que celle des derniers siècles du IIe millénaire (ci-dessus, p. 353) et il est délicat de dater telle figurine de cerf ou de bouquetin avec précision.
Une œuvre beaucoup plus évoluée est un petit lion de bronze entré au Louvre, après avoir été la propriété de deux collectionneurs403 (Pl. 283). Avec une grande sensibilité, l’artiste a cherché à traduire le mouvement du félin en marche. L’arrière-train est fin et nerveux, les pattes postérieures décalées sont particulièrement longues, entre les griffes et l’articulation du jarret. La crinière est faite de longues mèches à peine en relief, aboutissant à un bourrelet qui encadre la tête, d’où le mufle se dégage, rendu avec naturel, sans la stylisation de la moustache en palmettes observée en Assyrie, en Urartu ou en Perse achéménide. Le premier vendeur avait indiqué comme provenance « le palais de Darius à Suse », mais l’on sait assez le crédit que l’on peut accorder à de tels renseignements. La morphologie du fauve est tout à fait analogue à celle des trois lions du vase en or de Kalardasht, au sud de la mer Caspienne, où les corps sont en relief et les têtes en ronde-bosse rivetées : c’est la même façon de traiter le mufle, la crinière en mèches, les longues pattes postérieures404. Il semble donc probable que le petit lion du Louvre provient de la province de Gilan où des objets somptuaires et raffinés ont été découverts, appartenant au début du Ier millénaire, ou peut-être à la fin du IIe millénaire.
Les animaux en ronde-bosse achéménides sont connus par des fragments de gardiens de porte de Persépolis. Outre deux ibex debout405, un félin couché406 et un taureau407, en très mauvais état, il y avait deux molosses en pierre, dont le mieux conservé est sans tête408. Les chiens étaient assis, solidement campés sur leurs pattes de devant, le poitrail massif et bombé. La race de dogue (mastiff) ne semble pas différente de celle du chien de Sumu-ilum (ci-dessus, p. 286, n. 280) et du chien en bronze que l’orant tient par le cou (ci-dessus, p. 391, n. 156) ; pourtant la tête a été reconstituée, ainsi que le double collier, d’après un chien égyptien d’époque ptolémaïque409, si bien que l’aspect actuel de l’animal au musée de Téhéran a toutes chances d’être trompeur.
Le lion en bronze de Suse (Pl. 284), avec son demi-anneau sur le dos410 est une réplique figée de celui de Khorsabad, plus ancien de deux siècles (ci-dessus, p. 433). La crinière est faite de losanges ourlés, déjà signalés sur une tête de lion de Babylone (ci-dessus, p. 432, n. 376). Le caractère redoutable du lion de Khorsabad est ici tout à fait édulcoré, malgré la gueule entr’ouverte : l’animal est couché et non plus prêt à bondir, mais le modelé reste très soigné. Probablement gardien de porte, il a été trouvé au même niveau et à 1 m de distance d’un osselet en bronze, dédié en grec à Apollon Didyméen411, rapporté en butin de Milet par Darius, au début du Ve siècle, ce qui indique qu’il ne peut guère être antérieur à cette date. Un très proche parallèle est fourni par l’avant-train d’un petit lion de Persépolis, en pâte de lapis-lazuli412.
Levant
C’est toujours le lion qui est roi en Syrie et en Phénicie. Nous avons déjà fait mention (ci-dessus, p. 433, n. 384) des deux grandes statues de Hama du début du Ier millénaire, dont le mufle est très proche des lions en relief, gardiens de porte, néohittites, avec les moustaches en palmettes et la langue pendante413.
Un lion couché en basalte, « trouvé près de Beyrouth », est généralement daté de l’époque achéménide, en raison de son caractère conventionnel, stylisé à outrance414. L’influence égyptienne y est notable, non seulement de l’époque saïte comme on l’a noté, mais déjà dans la tradition du Nouvel Empire415, avec des plis parallèles sur le dos, les pattes antérieures l’une sur l’autre et la tête tournée de côté. Parmi les marques conventionnelles de la musculature figure le motif en « forme de tulipe » sur la patte antérieure, signalé chez les lions ourartéens en bronze et les rythons de Hamadan (ci-dessus, p. 435, n. 394/5). L’aspect débonnaire que donne la gueule fermée contraste avec l’air menaçant des lions gardiens de porte.
C’est également un lion couché débonnaire qui a été découvert en Palestine à Tell Beit Mirsim416. Légèrement infléchi vers la droite, l’animal aux formes sommaires devait faire partie d’une paire dont il était la gauche et Mme Amiran a émis l’hypothèse qu’il flanquait une base de statue ou de colonne. La queue remonte sur la croupe de droite à gauche et devait être en sens inverse sur l’autre exemplaire, comme cela se pratiquait déjà à l’époque akkadienne en Élam (ci-dessus, p. 181). Le mufle est taillé de façon élémentaire, mais le mauvais état du monument, cassé en plusieurs endroits — en particulier les griffes des pattes postérieures — contribue à ce résultat. La gueule fermée est exprimée par une profonde entaille perforée au milieu d’un trou au foret, comme le sont les narines. Les yeux sont en relief, soulignés au-dessus par un sillon incliné. Il n’y a pas de trace d’oreilles ni de crinière, mais seulement une touffe carrée de poils en léger relief sur le front. Albright l’avait daté de 1400 av. J.-C., puis, en 1938, du XIIIe siècle. Mme Amiran, qui a repris la question en détail, l’attribue au premier niveau (A), daté des IXe-VIIIe siècles. Une œuvre de facture aussi médiocre ne permet guère de tirer des conclusions.
Le cheval a inspiré des œuvres moins décevantes et deux têtes en pierre « environ grandeur nature » de Zendjirli sont intéressantes par leur harnachement. L’une est malheureusement très fragmentaire, le naseau ayant disparu417. Le globe de l’œil est bombé à l’intérieur du bourrelet circulaire qui l’enserre, légèrement étiré pour former la caroncule. La crinière est soigneusement stylisée en minces mèches parallèles sous l’enchevêtrement des sangles qui se croisent par l’intermédiaire de trois ornements, composés chacun de cinq rosaces groupées pour former un grand macaron ; deux sont placés latéralement sous l’emplacement des oreilles qui ont été arrachées, le troisième est sur le chanfrein, entre les yeux. L’autre tête est complète, à l’exception des oreilles cassées418. Parmi les pièces qui constituent le harnais figurent des œillères en forme de spatule à extrémité ovale, d’un type connu en bronze et en ivoire au Ier millénaire419, décorées ici d’un sphinx ailé en relief. Une pièce frontale oblongue entre les yeux porte la figure d’une femme nue, mains sous les seins. Le naseau et les yeux sont bien rendus et le volume est bon. Les deux têtes proviennent du même bâtiment ; celle aux œillères a été considérée comme la plus ancienne. La ville de Sam’al ayant été occupée du IXe au VIIe siècle, on ne peut guère préciser davantage.
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1 Helene Kantor, dans JNES 15, 1956, p. 171, a mis l’accent sur le vide soudain de trois siècles, entre 1200 et 900 av. J.-C. environ, dans la production d’ivoire, industrie de luxe et de raffinement, révélatrice de la santé d’une époque. Sur l’histoire de cette période ; cf. J.A. Brinkman, A Political History of Post-Kassite Babylonia (1158-722), Rome, 1968.
2 Legrain, Terra-cottas from Nippur, Philadelphie, 1930, no 218, pl. XLI ; p. 29. Terre cuite. Ht. 11,5 cm. Musée d’Istanbul.
3 Koldewey, Die Tempel von Babylon und Borsippa (WVDOG 15), 1911, fig. 55-56 ; p. 36. Terre crue (?). Ht. 12 cm.
5 Delitzsch, Handel und Wandel in Altbabylonien, 1910, fig. 14, p. 15 = Meissner, Alte Orient 15, 1915, fig. 138 s. = Reuther, Die lnnenstadt von Babylon (Merkes) (WVDOG 47), 1926, pl. 66 ; p. 210. Ivoire. Ht. 3 cm. Musée de Berlin, VA 5954. La tombe est considérée comme achéménide par O. Reuther, à cause de certains vases, et la tête est datée de l’époque achéménide dans le Catalogue, Die Welt des Alten Orients, Göttingen 1975, no 199. Il n’y a en fait aucun parallèle achéménide.
6 Barrelet, Figurines, 589/589 bis, pl. LVI ; 821-824, pl. LXXXII. — Ziegler, Die Terrakotten von Warka, fig. 265 a-b, pl. 18.
7 ILN , 6.9.1958, p. 389, fig. 20 = Amiet, Proche-Orient, fig. 573 (bras restaurés). Ivoire. Ht. 11 cm. Musée de Bagdad.
8 Woolley, AJ 3, 1923, p. 330 s. ; pl. XXX = UE IX, 1962, pl. 21 ; p. 106. Or. Ht. de la fig. 6,2 cm. Philadelphie, University Museum CBS 15246.
9 E. Strommenger, Die Neuassyrische Rundskulptur, Berlin, 1970 (= NaR).
10 S. Smith, Assyrian Sculptures in the British Museum from Shalmaneser III to Sennacherib, 1938, pl. III-IV = Parrot, Assur, fig. 24 = Strommenger, NaR, pl. 8-9 ; p. 18 s., fig. 7. Calcaire. Ht. 1,60 m. British Museum, 118888/89.
11 Olmstead, History of Assyria, 1923, fig. 81 = Strommenger, NaR, pl. 10 a-b ; fig. 9, p. 20. Calcaire. Ht. env. 3 m. Bagdad, IM 26475 et 72122.
12 Gadd, The Stones of Assyria, 1936, pl. 8,1 = Strommenger, NaR, fig. 8, p. 19. Calcaire. Ht. env. 1,55 m.
13 Thureau-Dangin, Arslan Tash, pl. I = Parrot, Assur, pl. 27-28 = Strommenger, NaR, pl. X c ; pp. 21-23, fig. 10-12. Basalte. Ht. 1,73 m. Musée d’Alep. — Louvre, AO 7538.
14 Hrouda, Kulturgeschichte, pl. 4, fig. 3, 4, 9.
15 Cf. peintures murales à Nimrud (Fort Salmanasar) : Mallowan, Nimrud II, fig. 308, et à Til Barsib : Hrouda, Kulturgeschichte, pl. 42 ; reliefs d’Arslan Tash : Hrouda, loc.cit., pl. 49,2 ; panneaux d’ivoire de Nimrud : Barnett, The Nimrud lvories, pl. CXIII, 12f et de Ziwiyé : Hrouda, loc. cit., pl. 44, 1.
16 Place, Ninive III, pl. 31 bis ; Loud & Altman, Khorsabad II, pl. 45, 47, 48 ; Parrot, Assur, pl. 25 ; Strommenger, NaR, pl. 11-14 ; p. 23 s., fig. 13 a-b. Albâtre. Ht. 1,60 m. Musée de Bagdad, IM 25963/25964 ; Chicago, Oriental Institute Museum. — Les deux premières statues, découvertes par V. Place, ont disparu dans le désastre de Kurna (Chatt el Arab) : Ninive I, p. 122 s.
17 Les huit paires ont été dénombrées par J. Börker-Klähn, « Eine Bronzestatue aus Assur ? », dans ZA 63, 1974, pp. 272-287. Cf. p. 278 le plan des temples avec l’emplacement des statues qui a pu être repéré. Comme l’a montré avec perspicacité Mme Börker-Klähn, la statue très fruste publiée par M. Pillet, « Un pionnier de l’assyriologie, Victor Place », dans Cahiers de la Société Asiatique 16, 1962, fig. 19 (= ZA 63, p. 273, fig. 1), comme une statue de bronze (?) de Kalah-Chergat, est en réalité une statue de dieu au vase jaillissant de Khorsabad.
18 Un dieu à trois paires de cornes sur une tiare ovoïde, tenant l’aryballe des deux mains, est sculpté aux angles d’un bassin en dolérite, découvert dans l’annexe du temple du dieu Assur construit par Sennacherib (704-681) à Assur. Ht. 88 cm. Haller & Andrae, WVDOG 67, 1955, pl. 636 ; p. 72 s. = Parrot, Assur, pl. 82. — Une toute petite figurine en cuivre de porteur d’aryballe en longue jupe cylindrique, tête nue, avec les cheveux massés sur les épaules, se trouvait à Ur sous le sol de l’Égipar néobabylonien : Woolley & Mallowan, UE 9, 1962, pl. 25 : U. 2854 ; p. 111. Ht. 6 cm. Musée de Bagdad.
20 ZA 63, pp. 281 ss., fig. 6-8.
21 Cette impression est renforcée par une photographie originale de Tranchand, publiée par M. Pillet (cf. n. 17 : pl. XIV) où l’architecte Félix Thomas appuie son coude gauche sur l’épaule droite de la statue, ses yeux étant à la hauteur du milieu de la tablette.
22 Layard, The Monuments of Nineveh II, 1853, pl. 52 = Frankfort, The Art, pl. 82 = Parrot, Assur, pl. 22-23 = Strommenger, NaR, pl. 1 a-d ; pp. 13-15. Inscription : Luckenbill, Ancient Records I, 1926, p. 182, § 504. Calcaire brun ; Ht. 1,06 m. British Museum, 118871.
23 Moortgat, Die Kunst, p. 128.
24 Léon & Jacques Heuzey, Histoire du costume. L’Orient, 1935, pl. XLIX ; p. 70. — Pour l’ajustement du châle, cf. Hrouda, Kulturgeschichte, pl. 2.
25 Cf. reliefs de Nimrud au British Museum ; Parrot, Assur, pl. 14 et 16.
26 Mallowan, Nimrud I, fig. 21 = Parrot, Assur, pl. 183.
27 Hrouda, loc. cit., pl. 32, 2-4. Cf. en particulier la stèle d’Asarhaddon de Zendjirli au Musée de Berlin : Parrot, Assur, pl. 39 c.
28 Les fragments d’une statue en calcaire brûlé de Salmanasar III, trouvés en 1956 à Nimrud, dans le temple de Ninurta (ND 5571), sont trop épars pour permettre une restauration : Mallowan, Nimrud I, p. 86 et n. 2, p. 323 = Strommenger, NaR, p. 18. Les restes d’une inscription se référant à une campagne contre Ellipi peuvent indiquer la 16e année de règne. Cf. P. Hulin, Iraq 28, 1966, pp. 84-88.
29 Strommenger, NaR, pp. 15-18.
30 D. Oates, Iraq 24, 1962, pl. VIII ; p. 16 s. = Mallowan, Nimrud II, fig. 310 = Strommenger, NaR, pl. 4-5 ; p. 16. Inscription : J.V. Kinnier Wilson, Iraq 24, pp. 90-115. Calcaire. Ht. 1,03 m. Musée de Bagdad, IM 60497.
31 Kinnier Wilson, loc. cit., p. 97 ss.
32 Andrae, DieFestungswerke von Assur (WVDOG 23), 1913, fig. 34 ; p. 37 s. = Parrot, Assur, fig. 20-21 = Strommenger, NaR, pl. 6a ; p. 16 s. (La fig. 5, p. 17, indique en hachures la tête et le bras gauche reconstitués.) Inscription : Luckenbill, Ancient Records 1, p. 245, § 679 s. Basalte. Ht. env. 2 m. Musée d’Istanbul, no 4650.
33 La statue avant restauration, publiée par Andrae, fig. 34 et par Unger, RLV 7, 1926, pl. 154 a, montre l’ampleur de la reconstitution.
35 Cf. Hrouda, Kulturgeschichte, pl. 22, fig. 17-26.
36 Mallowan, Nimrud I, fig. 38 ; p. 86 = Strommenger, NaR, pl. 6 b-7 ; p. 17 s. Inscription :J. Laessoe, Iraq 21, 1959, pp. 147-157. Calcaire blanc. Ht. 1,40 m. Musée de Bagdad, IM 60496.
37 Layard, Nineveh and its Remains II, 1849, p. 51 s. = Andrae, Das Wiedererstandene Assur, 1938, pl. 4 = Parrot, Assur, pl. 19 = Strommenger, NaR, pl. 2-3 ; p. 15. Inscription : Luckenbill, Ancient Records I, p. 243 s. § 673 ss. Basalte. Ht. 1,35 m. British Museum, 118886.
38 Pour d’autres types de haute ceinture au IXe siècle, cf. Hrouda, Kulturgeschichte, pl. 7, fig. 13-17.
39 Unger, RLV 7, pl. 155 a-b = Strommenger, NaR, pl. 15 c-d ; p. 26 s. Basalte. Ht. 1,25 m. Musée d’Istanbul, no 4651.
40 G.C. Williamson, « Unique Figure in fine carved Amber », dans Apollo 24, 1936, p. 234 s. 2 fig. = Olmstead, Bull. of the Museum of Fine Arts 36, 1938, pp. 78-83 = Frankfort, The Art, pl. 80-81 ; p. 81 s. = Terrace, The Art of the Ancient Near East in Boston, 1962, fig. 20 = Strommenger, NaR, pl. 16 a-b ; p. 27. Ambre ou pâte d’ambre ; plastron d’or ; socle en bois. Ht. statue : 19 cm ; socle : 3,5 cm. Boston, Museum of Fine Arts, 38.1396. — J’ai eu l’occasion d’examiner longuement la statuette, grâce à l’amabilité de m. Timothy Kendall, Conservateur au Fine Arts Museum de Boston, que je remercie ICI.
41 G. Garbini, dans Or. 28, 1959, pp. 208-212, a recherché dans la poterie mitannienne l’origine du décor du pectoral d’or.
43 Assurbanipal porte un plastron orné de rosaces lors d’une chasse aux lions sur un relief de Ninive : Parrot, Assur, pl. 63 = K.R. Maxwell-Hyslop, Western Asiatic Jewellery, fig. 121, p. 218.
44 Frankfort, ILN 15.10.1932, p. 573, fig. 10 = Loud, Khorsabad 1, p. 79, fig. 90 = Strommenger, NaR, pl. 15 a-b ; p. 24. Calcaire. Ht. 15,5 cm. Musée de Bagdad, IM 18050.
45 Parrot & Nougayrol, Syria 33, 1956, pp. 147-160 ; pl. VI = Parrot, Assur, pl. 133. Louvre, AO 20185.
46 Andrae, Die Stelenreihe in Assur (WVDOG 24), 1913, pl. X. Berlin, VA 8847.
47 Parrot, Assur, pl. 60. British Museum.
48 Cf. Frankfort, The Art, pl. 105.
49 G. Smith, Assyrian Discoveries, 1875, fig. p. 248 = Strommenger, Festschrift Moortgat, pl. 35, 3 ; p. 239 ss. = NaR, pl. 20 c ; p. 30 = MDOG 102, 1970, p. 104, fig. 1. Pierre. Ht. 33 cm. British Museum, 135106.
50 S. Smith, BMQ 7, 1932, pl. V ; p. 4 = Strommenger, Festschrift Moortgat, pl. 34 ; p. 239 ss. = NaR, pl. 20 a-b ; p. 29. Calcaire. Un peu plus grande que nature. British Museum, 118897. — Cette tête est désignée au British Museum comme celle d’une « déesse assyrienne » des VIIIe-VIIe siècles av. J.-C.
51 Andrae, Die jüngeren Ischtar-Tempel in Assur (WVDOG 58), 1935, pl. 48 a-b ; p. 108 = Strommenger, Festschrift Moortgat, pl. 35, 1-2 ; p. 240 = NaR, pl. 20 d ; p. 30. « Fossiler Tonstein ». Ht. 12 cm. Berlin, VA 11682.
52 Meyer, Altor. Denkmäler, p. 29, no 153.
53 Basmachi, Sumer 18, 1962, pl. 2, fig. 3 ; p. 48 s. = Strommenger, NaR, pl. 19 a-b ; fig. 15 ; p. 28 s. Marbre. Ht. 70 cm. Bagdad, IM 66456.
54 Gadd, The Stones of Assyria, 1936, pl. 8, 2 (Dessin original de Boutcher, montrant la statue complète, de face) ; p. 228 = Strommenger, NaR, pl. 17-18 ; p. 27 s. Basalte. Ht. totale, d’après Boutcher : 5 ft. 9 in. (= env. 1,75 m.). Bagdad, IM 60977.
55 Layard, Discoveries in the Ruins of Nineveh and Babylon, 1853, fig. 610 = Barnett & Wiseman, Fifty Masterpieces, p. 52 s. = Strommenger, NaR, pl. 21 ; p. 30. Calcaire. Ht. 45, 7 cm. British Museum, 118909.
56 Il ne provient pas de Ninive, contrairement à ce qu’indique E. Strommenger, p. 30.
58 Moortgat, Die Kunst, pl. 268 = Parrot, Assur, pl. 121-129.
59 Heuzey, Les Origines orientales de l’art, pl. VIII ; pp. 265-272 = Contenau, MAO III, fig. 771 ; p. 1173 s. = Parrot, Assur, pl. 134 A-B = Moortgat, Die Kunst, pl. 248 s. ; p. 125. Inscription : Thureau-Dangin, RA 6, 1907, p. 133 s. Bronze. Ht. 30 cm. Louvre, AO 2489.
60 Assurdan I : Thureau-Dangin, RA 6, p. 134 : « Il n’est pas absolument impossible que ce soit le plus ancien Assurdan » ; Moortgat, Die Kunst, p. 125 ; Börker-Klähn, BaM 6, 1973, p. 41, n.1. — Assurdan II : Pottier, Musée du Louvre, Catalogue des antiquités assyriennes, no 148 ; Contenau, MAO III, p. 1174 ; Parrot, Assur, p. 119 et 319. — Assurdan III : Ledrain, RA 2, 1888, p. 91 ; Meissner, Der Alte Orient 15, 1914, p. 110. Cf. RLA I, p. 208 ss.
61 Le port des manches courtes est usuel au Ier millénaire en Anatolie, en Syrie et en Assyrie.
62 Le même type de franges borde le châle plissé du roi de Malatya, (ci-dessous p. 414, n. 75).
63 Cf. Ebeling, RLA II, p. 278. — Wiseman, Iraq 14, 1952, p. 57 s.
64 Godard, Athar-e Iran 3, 1938, pp. 233-236, fig. 145-150 = Ghirshman, Perse, pl. 68, p. 55 ss. Inscription : Weidner, AfO 16, 1952-53, p. 149. Bronze. Ht. 38 cm. Musée de Téhéran.
65 Amiet, Coll. David- Weill, no 217.
66 Une épée de ce type a été trouvée par L. Vanden Berghe à War Kabud, datée du VIIe siècle : Archeologia 18, 1967, p. 56. Cf. Amiet, Coll. David-Weill, p. 34.
67 Perrot & Chipiez, II, 1884, p. 496 = Frankfort, The Art, pl. 118 B ; p. 102 = Parrot, Assur, pl. 131. Inscription : Thureau-Dangin, RA 18, 1921, p. 189 s. Ht. 14,5 cm. Louvre, MNB 467.
68 Thureau-Dangin, loc.cit., p. 191 = Pottier, Catalogue des antiquités assyriennes, no 147. Bronze, Ht. 7 ,5 cm. Louvre, AO 6692.
69 Moorey, « A Bronze ‘Pazuzu’ Statuette from Egypt », Iraq 27, 1965, pp. 33-41 ; pl. VIII. Ht. 10,8 cm. Oxford, Ashmolean Museum 1892-43.
70 Un pommeau de bronze, décoré de quatre têtes de Pazuzu a été découvert à Samos : Jantzen, Samos VIII, pl. 51 : B 1076.
71 U. Jantzen, Samos VIII, 1972, p. 89 s.
72 Jantzen, loc. cit., pl. 70 ; p. 70 = Börker-Klähn, BaM 6, 1973, pl. 19-21 ; p. 43 s. Ht. 11,3 cm. Samos, Musée de Vathy.
73 Mc Ewan, AJA, 1937, p. 8 ss., fig. 9 = Börker-Klähn, BaM 6, pl. 20, 1 ; p. 52. Ht. env. 9 cm. Musée d’Antioche.
74 H. Kyrieleis, « Orientalische Bronzen aus Samos », Archäologischer Anzeiger 2, 1969, p. 169 s. ; fig. 6-8 = Jantzen, loc.cit., pl. 71 ; p. 70 = Börker-Klähn, BaM 6, pl. 22, 1-3 ; fig. 2, p. 45. Ht. 11 cm. Musée de Berlin, 31638.