Introduction

Bien des problèmes se posent lorsqu’on aborde un sujet aussi vaste dans l’espace et dans le temps que l’étude de la statuaire du Proche-Orient ancien. Il s’agit d’ordonner et de classer la masse de documents qui répondent à la définition d’une sculpture à trois dimensions, autonome et dont la fonction n’est pas toujours la même. Qu’y a-t-il en effet de commun entre une ébauche grossière de Çatal Hüyük au VIe millénaire et une statue royale de Gudéa vers 2150 ? — entre un guerrier syrien en bronze du IIe millénaire et une statuette en ivoire d’Urartu quelque mille ans plus tard ? Quoi de commun également entre le hiératisme d’une commande royale et la spontanéité d’une œuvre populaire ? La première question qui s’est imposée à nous a été celle du critère de dimension : fallait-il ne prendre que les grandes statues, à l’exclusion des petits modèles1 et dans ce cas, quelles limites de taille fallait-il adopter ? Il nous a semblé qu’en dépit de techniques très différentes suivant qu’il s’agisse de la taille d’un grand bloc de pierre ou d’une défense d’éléphant, il n’était pas normal d’éliminer les petites représentations qui sont souvent fort belles et toujours intéressantes et qui risquaient d’être exclues de toutes les études, car elles n’entrent vraiment dans aucune autre catégorie. Cette option élargissait considérablement le champ de la documentation, mais permettait de rendre justice à toute la production des sculpteurs du Proche-Orient en matière de ronde-bosse, à l’exclusion bien entendu des figurines de terre cuite faites en série.

Devant la diversité des œuvres, un plan immuable n’était pas possible. Seule la chronologie constitue le fil conducteur à l’intérieur des grandes aires géographiques. Chaque fois que cela s’est révélé possible, nous avons adopté une classification par catégories de représentations : divines, royales ou de simples fidèles, en séparant les hommes et les femmes, les groupant par matières et aussi, lorsque l’abondance l’imposait, par attitudes. Il fallait à la fois maîtriser le matériel et se laisser conduire par lui, en le replaçant brièvement dans son cadre historique et en scrutant les lieux et les circonstances de découvertes qui sont loin d’être négligeables. Il convenait aussi de tenir le plus grand compte possible des inscriptions.

Délibérément nous nous sommes tenu à la classification géographique plutôt qu’ethnique. Dans l’état actuel des connaissances — et ceci est particulièrement vrai pour le Levant — il est illusoire d’attribuer les styles à tel groupe de population, alors que l’histoire en est mal connue et que nous ignorons la plupart du temps la date exacte des monuments2. Certes le fait qu’un objet soit découvert en un lieu ne prouve pas qu’il en soit originaire, mais s’il s’en trouve plusieurs de même style dans une région, il y a une forte présomption pour qu’ils aient été fabriqués, sinon sur place, du moins dans les environs. Pour cette raison, et sans préjuger de la race des fabricants, nous parlons du terroir et non de l’ethnie supposée.

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1 C’est le parti qu’a pris Mme Eva Strommenger dans son ouvrage sur la ronde-bosse néo assyrienne : Die neuassyrische Rundskulptur, Berlin, 1970, p. 31. 

2 La XXIVe Rencontre Assyriologique Internationale sur les Hurrites, en 1977 à Paris, a montré le flottement qui subsiste dans ce domaine et en particulier dans l’art : cf. D. Parayre, L’attribution de sculptures aux Hurrites : critique méthodologique, dans Méthodologie et critiques, Publications de l’URA 8 du CNRS. I. Problèmes concernant les Hurrites, pp. 115-208. Paris, 1977.